— Par Pierre Serna —
L’initiative des Éditions l’Échappée est remarquable. Offrir pour la première fois au public français la Ferme des animaux, de George Orwell, dans sa version comics, telle qu’elle fut transcrite par la propagande antisoviétique, au début des années 1950, une fois l’auteur mort et les droits d’interprétation vendus par sa veuve, manipulée par les agents de l’IRD, le département de recherches et de renseignements – l’équivalent britannique de la CIA.
La bande dessinée fut largement distribuée dans toute la zone asiatique, le Moyen-Orient, en Afrique, dans les Caraïbes, telle une fable d’un La Fontaine qui viendrait opportunément dénoncer les méfaits du stalinisme.
L’histoire est un peu plus complexe et la vérité un peu moins manichéenne, à commencer par la découverte et la traduction de cette interprétation, à partir de sa version en créole de l’île Maurice ! Après une longue enquête, Christophe Cassiau-Haurie et Robert Furlong ont reconstruit l’histoire de ce texte, publié peu après l’indépendance de l’île, en 1974, pour dénoncer le parti au pouvoir, sous le titre de Dictatire Napoléon Cosson ou Republik Zanimo. Un excellent dossier de Patrick Marcolini donne des clés de lecture précieuses pour comprendre cette œuvre libertaire.
Et, pour le même prix, le lecteur pourra goûter toute l’inventivité de la langue créole, car – c’est assez rare pour être souligné –, la version originale, scrupuleusement respectée, constitue la seconde partie de l’ouvrage. Une éthique, un message politique en bande dessinée : ce n’est pas rien !
P. S.
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