— Par Michèle Bigot —
Ce spectacle est conçu comme un oratorio dédié aux quatre éléments, en hommage aux textes poétiques et visionnaires de Gaston Bachelard. La représentation se déroule à l’intérieur d’un dispositif tri-frontal, qui place le spectateur au coeur de l’évocation, du fait de la proximité physique avec le plateau. Comme dans une céremonie à laquelle il serait convié.
Le tissu textuel résulte d’un montage de textes issus de l’oeuvre de Bachelard, L’Air et les songes, L’Eau et les rêves, La Terre et les rêveries de la volonté, La Psychanayse du feu. Véritable travail de patchwork, le spectacle coud ensemble la musique (Bartok, Berio, chostakovitch, De Falla….) et le texte à la faveur de deux instrumentistes sur le plateau, Jeanne Bleuse et Noémie Boutin, tout autant comédiennes que musiciennes. Pierre Meunier leur donne la réplique, sans dédaigner de prendre part à la partition musicale. Le jeu de la lumière et la scénographie viennent ajouter à la magie poétique de l’ensemble.
Cette création théâtrale d’un genre unique, confère une sorte de matérialité et de sensualité au texte de Bachelard, qui se fait chair. Jamais il ne fut aussi pertinent de parler de musique concrète (comment pourrait-elle d’ailleurs être abstraite?). Quoi qu’il en soit la poésie du texte se matérialise sur scène sans rien perdre de sa subtilité. Les extraits des poèmes de Bachelard sont choisis en fonction de leur puissance évocatrice, parfois aussi de leur humour, voire de leur drôlerie. Le rythme et l’ambiance varient en fonction des éléments évoqués, fébrile et allègre quand il s’agit du feu, subtil et évanescent pour l’air, mélancolique jusqu’au glauque pour l’eau, puissant et lourd pour traduire la terre. Les sons, la musique, les images, les mouvements scéniques, les mimiques des acteurs, la lumière sont les ingrédients surprenants de cette pâte textuelle inouïe, tout à tour grave ou aérienne selon les caprices de l’imagination. Selon Bachelard, l’imagination consiste moins à former des images qu’à les déformer, Pierre Meunier nous le rappelle à propos et il s’empare du matériau scénique dans toutes ses dimensions pour œuvrer à cette métamorphose.
Quoique retiré dans un espace clos, le spectacle théâtral transcende ses limites, fait feu de tout bois et incendie l’imagination. Le silence religieux des spectateurs, non moins que leur concentration, témoigne de l’intensité de cette expérience théâtrale d’un genre nouveau, qui ne doit rien au spectaculaire, mais beaucoup au mystère et à la force de l’imagination.
Michèle Bigot
La Comédie de Valence
14.12-17.12.21
avec
Jeanne Bleuse, Noémi Boutin, Pierre Meunier
en compagnie de feu Frédéric Kunze
à partir de l’œuvre de Gaston Bachelard
conception et mise en scène Marguerite Bordat / Pierre Meunier
direction musicale Jeanne Bleuse, Noémi Boutin
Scéno/sonographie Géraldine Foucault et Marguerite Bordat
création sonore et régie son Géraldine Foucault
conseil à l’improvisation et au piano préparé Eve Risser
création lumière Hervé Frichet
régie lumière et générale Florian Méneret
construction Florian Méneret, Jean-François Perlicius
collaboration aux costumes Camille Lamy
administration, production Lise Déterne et Eloïse Royer – L’Echelle, Caroline Tigeot
production, diffusion Céline Aguillon, Capucine Jaussaud
Remerciements à Abel, Adèle, Marius Alsleben, Angèle, Frédéric Aurier, l’Atelier Devineau, Joséphine Biereye, Bernard Bonnet, la distillerie Mr Balthazar, l’équipe technique de la Comédie de Saint-Etienne – CDN, Didier Dauville, Karine Dumont, Fabien Granier, Delphine Gomand, Laurent Lureault, Richard Penny, Muriel Piquart, Pola, Marie Rousselle-Olivier, Mary Sheridan, l’équipe technique du Théâtre des Ilets – CDN de Montluçon, la cie Trois-6ix-trente, Séverine Yvernault.
Textes issus de l’œuvre de Gaston Bachelard : « L’air et les songes » (José Corti), « L’eau et les rêves » (José Corti), « La terre et les rêveries de la volonté » (José Corti), « La psychanalyse du feu » (Gallimard)
Œuvres musicales de Béla Bartók, Luciano Berio, Dimitri Chostakovitch, Henry Cowell, Manuel De Falla, Claude Debussy, Domenico Gabrielli, Leoš Janáček, György Kurtag, Gyorgy Ligeti, Fanny Mendelssohn, Olivier Messiaen, Meredith Monk, Frédéric Pattar, Gérard Pesson, Camille Saint Saëns, François Sarhan, Igor Stravinsky, Anton Webern.