— Par Dominique Daeschler —
Mon village d’insomnie. Samuel Gallet, m.e.s. Vincent Garanger. Le11
Surexpositions. Marion Aubert, m.e.s. Julien Rocha. La Factory -Théâtre de l’Oulle.
Je te pardonne Harvey Weinstein Conception et écriture Pierre Notte. Théâtre des Halles.
Mon village d’insomnie. Samuel Gallet, m.e.s. Vincent Garanger. Le 11.
Huis clos à trois dans un centre pour mineurs migrants non accompagnés : Harouna angoissé par la disparition de son copain Drissa, Elise jeune éducatrice un rien rigide angoissée par ses responsabilités et André l’homme mûr qui débarque pour la remplacer. Dehors un village qui dort, ressenti comme hostile et la mer qui fait des siennes complètent une atmosphère pesante déjà lourde des mensonges des uns et des autres, d’une hostilité latente, d’une solitude tangible. L’ inquiétude monte, les téléphones coupés ou cassés c’est l’heure des peurs réelles ou fantasmées, de la paranoïa. Qui est qui ? Construite comme un polar, la pièce distille son poison à petites doses. Et si Drissa avait été assassiné ? André est-il l’éducateur qu’il prétend être ? La réalité de l’ici maintenant, c’est le café, le marathon pour obtenir des papiers d’identité, le cancer de la mère d’Elise, l’impression de tourner en rond dans une société qui ne sait que mettre des bâtons dans les roues. L’écriture halète, bond en avant et retour en arrière, se cabre, déchire les espérances. Hautement dramatique, alternant récits et dialogues (ce qui devient rare) elle reprend les codes des films d’horreur entraînant la subtile direction d’acteurs de Vincent Garanger vers une concentration sur l’instabilité des personnages, leurs paradoxes qu’enrichit à souhait l’accompagnement sonore. Tout flambe au propre et au figuré : dans ce brasier, les acteurs Cloé et Didier Lastère, Djamil Mohamed (tous excellents) laissent cramer les personnages et leurs rêves d’humanité soudée et aimante.
Surexpositions. Marion Aubert, m.e.s. Julien Rocha. La Factory -Théâtre de l’Oulle.
Ni documentaire, ni biopic, Surexpositions soumet à la question les personnages joués dans la vie courante par l’acteur Patrick Dewaere.
Sans donner de réponse. Qui croyait à ces ébauches faufilées à grands points négociant l’image du looser magnifique, du désabusé amoureux de la nuit sans en voir les étoiles ? Lui, qui peaufinait ses rôles avec une apparente désinvolture masquant mal un écorché vif ? Les autres ? Ceux du milieu qui soufflent sur les vies comme sur un château de cartes ou vous imposent leur lecture jusqu’à l’étouffement. Défilent Blier, Miller, Corneau à travers des clins d’œil aux Valseuses, à La meilleure façon de marcher, à Série Noire, apparaissent les anars du café de la gare, Miou Miou, Depardieu : toute une époque est interrogée à travers un refus du patriarcat et la revendication assumée d’une liberté sexuelle. Dewaere se lit en filigrane et le metteur en scène Julien Rocha pose la question des limites qu’un acteur peut se donner pour préserver sa vie sans limiter son art. Que reste t’il quand on s’échappe des personnages, qu’est-ce qui fait sens ? L’écriture de Marion Aubert est pressée, violente, dans l’urgence de dire sans se vouloir salvatrice : on y va tout de go, sans filtre, advienne que pourra. Le décor : loges d’acteurs devant leur image et lit comme une plaque tournante de l’action conforte « tout ce cinéma ».
Je te pardonne Harvey Weinstein. Conception et écriture Pierre Notte. Théâtre des Halles.
Créé au Théâtre du Rond- Point et conçu comme un cabaret-procès-récital par Pierre Notte qui écrit texte, musiques et chansons, le spectacle, dans le sillage de Me Too s’interroge sur le machisme et taquine la part féminine du mâle lambda.
Un homme (Weinstein, Pierre Notte) se découvre, après une mauvaise nuit, envahi par une cellulite dite « féminine ». C’est la panique, s’il devenait femme ? En chansons et en déambulations style revue seront évoqués les différences entre plaisir féminin et masculin, l’homme prédateur et pervers narcissique dans un tourbillon d’exemples. Où commence le dérapage, jusqu’à quel point la société ferme les yeux et pour qui ? A la barre d’un procès des femmes, plaignantes ou avocates célèbres ou non dénoncent, témoignent, en redéfinissant, parfois à corps défendant , un féminisme d’aujourd’hui. C’est cru, incisif, loufoque en diable pour ne pas installer de pathos. Au piano un travesti souligne la dualité homme-femme en chacun de nous, des costumes délirants s’emparent des corps de comédiens-chanteurs-danseurs qui ont…de l’abattage. On y distingue particulièrement Marie Notte (jeu et voix). Le verdict verra notre phallocrate se métamorphoser en femme : castration symbolique ? La baguette magique du conte se moque … Restent aussi ces petits moments où la scène s’ouvre sur le couloir du théâtre comme un déni de fuite et la lumière de cet instant-là est terriblement vraie.