— Par Dominique Daeschler —
La diversité est-elle une variable d’ajustement… Collectif : A Adjina, G Akakpo, M Navajo.
Jogging. Hanane Hajj Ali. Théâtre Benoît XII. In.
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La diversité est-elle une variable d’ajustement… Collectif : A Adjina, G Akakpo, M Navajo. Le 11.
Trois écrivains de théâtre, Amine Adjina, Gustave Akakpo, Metie Navajo se plient à un exercice à la mode : la conférence où le public est pris à partie. C’est tout bénef, pas de décor, un minimum de mobilier qui fait qu’on peut jouer n’importe où sans compter qu’on s’économise car on peut très bien lire son texte quand on passe l’autre à la question ! Chiche ! en route pour la diversité car ces auteurs ont en commun soit d’être nés dans un autre pays que la France, soit d’être liés à d’autres pays par leurs ascendants. La diversité est un fait mais quelle est sa reconnaissance sociale, culturelle, politique ? Les auteurs qui jouent leur propre rôle vont, lors de leurs présentations respectives émettre des doutes, glisser quelques peaux de banane . Et si l’on dit bien qu’être ou avoir l’air d’être étranger est une expérience de la minorité, représentée parfois sans contrepartie de certaines formes de racisme et de discriminations sociales, ça s’arrête là. Il s’agit de ne pas être assigné à une image. Alors il faut changer cette société occidentale qui pense avoir le monopole de la démocratie : l’élection d’un représentant par le public d’un des trois auteurs sera balancée par la mise en place du collectif. Fi donc des contradictions et des jeux de pouvoir, vive le triumvirat, dont l’Histoire nous a fourni quelques exemples saignants !
La méthode de travail : chacun travaillant un texte puis le soumettant aux autres pour modifications dans un premier temps suivi dans un second temps d’un texte conçu collectivement est sans le pari intéressant des coulisses de la conférence
Cependant on reste sur sa faim avec un texte facile qui laisse en rade les promesses du titre et valorise in fine les egos .
Jogging. Hanane Hajj Ali. Théâtre Benoît XII. In.
Une femme tout de noir vêtue, hijab sur la tête et baskets aux pieds court au petit matin dans les rues de Beyrouth. Dans l’asphalte, elle enfouit- le temps de sa course – les tabous religieux, sexuels, politiques d’une société libanaise en survie où les libertés d’expression sont bafouées et où il faut ruser pour se nourrir et s’éclairer. Hanane pense au silence des femmes enferrées dans leur image de soumission et dans la réalité des traditions. A petites foulées, elle casse les codes, sème ses peurs, disperse préjugés et censure. Il faut qu’elle soit forte, sa prise de parole est une conquête, un défi. Rien sur scène puisque là-bas on n’a rien et que tout est noir. Quand elle reprend souffle ou s’arrête c’est pour témoigner à travers l’histoire de quatre femmes, dominée par l’image de Médée, de la violence à travers l’amour maternel, les guerres, les dominations. Hanane commence par elle et l’envie en rêve d’étouffer son propre fils atteint d’un douloureux cancer, suivent la mère pétrie d’idéologie islamique dont les trois fils meurent dans les conflits entre le Hezbollah et Israël puis la Syrie, la mère qui tue ses trois filles puis se suicide. Ces morts réelles ou symboliques camouflées en héroïsme du martyr, révélant un désespoir d’amour renvoient à une nécessité paradoxale de séparation pour continuer à croire en la vie. Aujourd’hui « il faut que tu comprennes que personne ne pousse ses enfants dans un bateau à moins que la mer soit plus sûre que la terre » dit Hanane citant Home le poème de Shire. L’écriture vive de Hanane s’accorde à son pas, la langue est pleine d’humour et poétique, ce qui paradoxalement souligne le tragique et la résistance féroce de l’autrice-interprète à la censure. Toutes ces qualités se retrouvent dans le jeu d’une comédienne à la présence à la fois magnétique et dérangeante. Comme son propos.