— Par Michèle Bigot —
Iphigénie est le premier volet d’un trilogie écrite par Tiago Rodrigues, Iphigénie, Agamemnon, Electre, mise en scène avec la troupe du Théâtre National Dona Maria II, dont Tiago Rodrigues fut nommé directeur en 2014. Ce texte a été découvert par Anne Théron en 2010, intéressée qu’elle fut pas sa dimension féministe , non moins que par ses qualités littéraires. Dans la droite ligne de son travail de romancière et de metteuse en scène, elle trouva dans cette réécriture de la tragédie d’Euripide et de Racine l’héroïne qui lui correspondait, celle qui à l’heure de sa mort s’adresse à son père en ces termes: » Non. C’est terminé. Il faut arrêter cette mémoire. Je vais mourir, mais je vais mourir en femme libre. Je vais mourir parce que je refuse le mensonge. Je refuse ce monde. »
La réécriture de la tragédie par Tiago Rodrigues offre une réflexion sur le libre arbitre, la question du choix d’Agamemnon y demeure centrale mais elle est envisagée sous l’angle de sa liberté et sous l’angle du refus que lui oppose sa fille Iphigénie, autant que son épouse Clytemnestre. Le rythme de la pièce se ressent de cette ambition philosophique. Le discours l’emporte trop sur l’action. Certes, rien n’est moins convenu que l’action d’une tragédie dont on connaît l’issue. Aucune place n’est laissée à la péripétie ni à quelque forme de surprise. Mais c’est dans le drame psychologique et moral que se niche l’intérêt, lequel souffre ici d’un manque d’incarnation. Il se peut que la mise en scène ajoute à ce travers, par sa dimension solennelle et toute hiératique. La scénographie offre d’admirables et sombre tableaux. Une série de rochers se prolonge dans l’image vidéo d’une plage aux couleurs tourmentées. Tous les personnages sont présents simultanément sur le plateau, évoluant en un jeu de plans plus ou moins proches en fonction de leur rôle dans l’action. Iphigénie y demeure longtemps assise en fond de scène comme pour mimer la solitude et la déréliction qui l’accablent, se contentant un long moment du rôle d’objet dont on parle, avant de monter en front de scène au moment où elle intervient dans son destin. La chorégraphie imaginée par Thierry Thieu Niang renforce par sa lenteur pleine de gravité cette ambiance angoissante dans laquelle baigne l’action.
En somme un travail soigné, bourré d’intentions louables, intellectuellement satisfaisant, offrant de superbes tableaux et une chorégraphie admirable, mais dans lequel il est difficile de se déprendre d’une impression d’académisme ennuyeux.
Michèle Bigot
Opéra grand Avignon
7>13 juillet 2022