— Par Roland Sabra —
Julie Duclos a eu la bonne idée de revisiter et dépoussiérer Pelleas et Mélisande ce drame symboliste de Maeterlinck écrit à la fin du 19ème siècle monté avec succès qui donna lieu à la création d’œuvres musicales, comme l’opéra de claude Debussy ou le poème symphonique de Schönberg parmi d’autres. L’histoire se construit autour de l’éternel trio amoureux, Mélisande, Golaud et Pelléas en l’occurrence. Golaud s’est perdu au cours d’une chasse sur les terres de son grand-père Arkel, le roi d’Allemonde. Près d’une fontaine il rencontre Mélisande une très jeune fille en pleurs, craintive, timide et envoûtante. Sauvage comme un bête blessée elle vient de jeter sa couronne dans l’eau et menace de se tuer si Golaud tente de la récupérer. On ne sait d’où elle vient. Elle est cette figure inquiétante de l’étrangeté. Elle dit avoir traversé l’épouvante et l’horreur de situations trop grandes pour elle. Guerres, massacres, persécutions. Elle est cette énigme vivante posée sur le chemin d’un Golaud grisonnant. Il l’emmène avec lui au château et l’épouse. C’est un mariage malheureux. Dans la sombre forteresse « règne l’odeur de la mort ». Celle qui rôde autour du fils du roi. Mélissande se morfond d’ennui. Golaud repart chasser les bêtes sauvages. Délaissée, Mélissande découvre le fol amour avecP elléas, le demi-frère de son époux. Amour chaste, à bas bruit, pur et interdit qui ne s’avouera que dans l’acte IV au cours d’une étreinte réprimée par Golaud dans le sang de Pelléas. La mise au monde d’un enfant par Mélisande ne la sauvera pas d’une mort qu’elle appelle pour rejoindre Pelléas.
Comme le souligne Julie Ducos dans sa note d’intention c’est par sa dimension métaphorique que la pièce s’adresse à nous. Elle décrit un monde au bord de l’effondrement, dans lequel l’ordre « naturel » et immuable des choses semble s’être perdu. La règle de succession des générations est menacée par la maladie du prince héritier, Golaud a épousé une femme qui pourrait être sa fille, la famine menace le peuple, la guerre rôde aux frontières.
La mise en scène de Juie Duclos est d’une grande beauté esthétique. Elle peint un univers éthéré qui balance entre mélancolie et beauté. Vidéos, sons lumières, scénographie organisée autour de deux grandes boites superposées, jeux des comédiens participent à l’unisson et sur un pied d’égalité à l’enchantement. Dans l’univers crépusculaire de la pièce, Vincent Dissez interprète avec une grande sensibilité, loin de toute caricature un Golaud fièvreux et douloureux, rongé par la jalousie. Les deux amants, Alix Riemer et Mathieu Sampeur, pudiques et passionnés, fragiles et perdus dans un monde en ruine, apparaissent comme l’éclat brisé d’une espérance à jamais enfuie.
Avignon, 08/07/2019
R.S.
Pelléas et Mélisande
Distribution
Avec Vincent Dissez, Philippe Duclos, Stéphanie Marc, Alix Riemer, Matthieu Sampeur, Émilien Tessier
Et en alternance Clément Baudouin, Sacha Huyghe, Eliott Le Mouël
Texte Maurice Maeterlinck
Mise en scène Julie Duclos
Scénographie Hélène Jourdan
Lumière Mathilde Chamoux
Vidéo Quentin Vigier
Son Quentin Dumay
Costumes Caroline Tavernier
Assistanat à la mise en scène Calypso Baquey