— Par Dominique Daeschler —
Kirill Serebrennikov impressionné par les photos de nu du photographe chinois Ren Hang, y voyant une poétique liée à une culture et découvrant ses écrits, décide de le rencontrer avec l’envie de bâtir un projet ensemble. Hang se suicide avant. Serebrennikov empoigne alors ses mots, ses images et fait Outside.
Nous voilà entraînés dans une surimpression de scènes et d’images pour dire que l’art n’est pas une tour d’ivoire, que l’artiste est témoin de son temps, « mouillé » qu’il le veuille ou non et surtout pas politiquement correct. Des liens se tissent : pluridisciplinaires, multiculturels. Les hommes nus de Hang rencontrent les perquisitions et les interrogatoires russes. Pour fuir tout totalitarisme la liberté est débordante, désordre et provocation qu’il s’agisse de sexe, de genre, de pensée. … « Il est interdit d’interdire », il faut fuir la dépression, l’invitation au suicide. Alors tout se bouscule : un couple marche sur un toit, une chanteuse chinoise devient sirène puis enfile une tête de cochon. Des hommes et des femmes nus se couvrent de fleurs : statues, croix, tombes ? Une petite boule verte -qui nous rappelle l’homme vert de Cetelem- traverse le plateau. Les couleurs sont criardes, les matières dénotent un côté « cheap ». Des réalisations dont l’esthétique paraît désuète et kitsch ne traduisent pas toujours la force de l’intention. En avant. L’amour tarifé en Chine, la pornographie, l’érotisme suivent les images : c’est corrosif, grinçant.
Le poète-photographe meurt et sa mère ne croit pas à sa mort. Passent des anges avec des sacs sur la tête comme des condamnés à la torture. On veut les croire condamnés à créer de nouvelles étoiles pour éclairer les nuits de Han et les jours de Serebrennikov toujours enfermé dans un procès difficile avec l’État.
D.D.