Avignon 2019. « La Brèche » de Naomi Wallace, m.e.s. de Tommy Milliot. 

— Par Dominique Daeschler —

Ils sont quatre adolescents qui se réunissent dans un sous-sol de banlieue aux USA. Deux milieux s’affrontent : deux nantis et deux prolos. Déjà des jeux de pouvoir, des défis, des serments et des paris. Jude, la révoltée, sœur d’Acton petit frère protégé par les fils de famille Frayne et Hoke, en est l’enjeu. Les voilà grands, se retrouvant à l’enterrement d’Acton qui s’est suicidé ne supportant pas sa lâcheté qui a permis le viol de sa sœur par les deux autres. Deux équipes d’acteurs au jeu vif font le va et vient entre ces deux époques. Sur une simple dalle de béton, l’espace étant délimité par une lumière vive ou un noir qui appelle le vide, les mots traversent les corps, les déconstruisent dans leurs mensonges, leur rationalité leur bonne conscience ou leur remords. Tous ont triché et le plus faible a trinqué. Deux dénonciations fortes : le viol lié à la présence de substances pharmaceutiques pose la question du consentement, le fossé entre les classes sociales crée une inégalité et donne une lecture de l’Amérique d’aujourd’hui. Les parcours professionnels, la situation familiale, l’accès au confort revisités par l’énonciation de l’acte de viol cause du suicide n apportent ni vrai rapprochement ni résilience. Chacun campe, avec plus au moins d’aisance sur ses positions, essayant encore de se mentir à soi-même. L’affrontement est politique. Aux corps qui semblent parfois se mettre en boule ou se jeter dans le vide il n’est offert aucun répit. Rien n’est spectaculaire et ce « direct » implique individuellement le spectateur.
Pour sa troisième mise en scène et à travers la langue de la dramaturge américaine Naomi Wallace, Tommy Milliot affirme des choix d’espace épuré, de lumières et de jeu qui créent une marque de fabrique. C’est bon signe.
D.D.