— Par Michèle Bigot —
Spectacle de sortie de la promotion 2019 de l’ESAD/PSPBB
Ecrit et mis en scène par Clément Bondu
C’est l’histoire de…..oui au fait, c’est l’histoire de quoi et de qui ? Vous me direz que pour faire théâtre, nul n’est besoin d’une histoire. C’est vrai. Ou alors de plusieurs histoires. Comme c’est le cas ici, histoires qui s’enchevêtrent, se croisent, se répondent en un jeu de miroir, inversé ou non. On y voit défiler des anti-héros de notre temps, ersatz de Hamlet (référence oblige) ou de Perdican, ou un idiot à la Dostoïevski, c’est la Samaritaine du personnel dramatique. Quand on est jeune, on a besoin de se justifier, et se justifier, c’est multiplier les rappels, histoire de se concilier le public de théâtre, qui a le malheur d’être exigent. La pièce repose donc sur le portrait d’une génération, une suite de tableaux cousue par deux fils conducteurs, les angoisses existentielles d’Hamlet et celles de l’idiot.
L’amour y tient une place essentielle, comme il se doit pour des héros adolescents, les rôles de femmes reposant dès lors sur les clichés hérités de la tradition, celui de l’amant étant non moins stéréotypé. La sauce qui agrémente le plat, c’est une série de tableaux satiriques qui se veulent mordants, quand ils ne sont la plupart du temps que convenus, satire de la mondanité, satire politique : on y voit plastronner les tribuns du « Mouvement », les héros du « Parti du progrès » : vous avez compris l’allusion ?
On sent poindre çà et là des accès d’un romantisme impénitent, avec son attirail de forêts, de clairs de lune, de sorcières et de visions macabres. C’est long, c’est très long, on ne veut renoncer à rien.
Les jeunes comédiens de l’ESAD tirent honnêtement leur épingle du jeu ; cependant, en dépit de leurs essais de déhanchements, ils ne sortent jamais vraiment de leur gangue. Reste une raideur dans les attitudes et dans les déplacements. Les mouvements de groupe manquant d’harmonie, évoquant davantage la cour de récréation que le ballet. Voilà bien un travail de comédiens « à la française », qui repose essentiellement sur le texte et la diction, le corps venant ensuite comme un reste, dont on ne sait pas toujours quoi faire. Dès lors, ça ne sert à rien de le dénuder ou de l’arroser.
Quant au texte, il constitue lui-même une suite de discours, produits d’un bavard impénitent. L’essence même du théâtre, l’échange, y manque cruellement. Le théâtre demande que même le soliloque soit adressé. Or, dans ce spectacle, les adresses au public évoquent la leçon, la recherche de connivence restant peu crédible. Où est l’émotion dans tout cela ? s’est-on soucié du public ? A-t-on eu à cœur de toucher sa sensibilité ? En dépit d’une débauche de couleurs, de musique et d’accessoires, le spectacle reste froid. Il génère un ennui profond. On ne peut se déprendre d’un mouvement de pitié pour les jeunes comédiens pleins de courage et de bonne volonté qui font de leur mieux.
Michèle Bigot