— Par Roland Sabra —
Le refus d’assignation identitaire à un genre concerne aussi les Arts de la scène ! Accompagne-moi, texte et m.e.s. de la guyanaise Bérékia Yergeau avec Anne Meyer comme chorégraphe et danseuse en est un exemple tout comme Cri de mes racines mis en scène et dansé par Yna Boulangé avec Josiane Antourel, à la Chapelle du Verbe incarné.
Békia Yergeau propose de revisiter la relation d’accompagnement, on n’ose dire pédagogique entre Soleil Sun un jeune marginal et celle qui doit le guider tout au long d’un chemin/cheminement, un trajet/trajectoire, un parcours tout autant physique qu’intellectuel dans un processus d’intégration dont la nature est somme toute secondaire. Anne Meyer dans son seule en scène donne corps et voix à l’ensemble des personnages qui gravitent autour de cette thématique. Les enjeux de pouvoir, de domination dans la relation entre accompagnant et accompagnés, entre « natif-natif » et exilé, entre errants et établis, sont abordés sur un mode binaire qui emporte l’ensemble des thèmes abordés, au risque de délaisser la complexité des situations et de flirter par moment avec le simplisme. Békia Yergeau pointe avec justesse que la non prise en compte de l’origine culturelle, sociale de l’accompagné, la mise à l’écart de son histoire personnelle relèvent d’une logique de rentabilité qui exclut de s’attarder sur des cas individuels. Anne Meyer, plus chorégraphe et danseuse que comédienne s’efforce de donner vie à ce petit monde. Elle incarne les différents personnages en dialoguant avec la voix « Off » venue de la régie. Il lui faut pour leur donner vie utiliser une gestuelle qui permet rapidement de les identifier sur plateau. Elle y parvient avec un bonheur inégal aidée, « accompagnée » pourrait-on dire par l’inévitable, l’incontournable, l’indispensable projection de vidéo en fond de scène.
On retrouve ce « mélange » des genres dans « Cri pour mes racines », qui met en dialogue un texte de l’écrivain haïtien Louis-Philippe Dalembert avec une chorégraphie originale du martiniquais Jean-François Colombo (1962-1996), créée pour Josiane Antourel en 1992. Un préambule vidéographique d’un quart d’heure et un échange verbal d’une durée identique complètent cet hommage à une Haïti mythique, insoumise, incarnée dans le corps dédoublé qui danse et magnifie l’histoire en puisant dans les gestes prosaïques du quotidien de la Caraïbe. Ode à l’idéal sublimé d’une révolte mille fois étouffée et toujours renaissante « Cri de mes racines » dessine en creux le réel impossible d’un exil vécu dans la douleur. La construction du mythe semble participer à l’effacement de la situation concrète. Josiane Antourel et sa complice Yna Boulangé célèbrent en miroir proximité et distance, fusion et déliaison amoureuse cette île en elles. En nous.
A la Chapelle du Verbe Incarné à 13h 40 et 15h 05
Avignon le 07/07/2019
R.S.
Lire aussi : « Cri de mes racines » : une réussite paradoxale— Par Selim Lander —
Accompagne-moi
De, mise en scène Bérékia Yergeau
Chorégraphie et interprétation Anne Meyer
Création musicale Jenny Sagado
Costumes Maryline Beauchamp
Lumières Michael Creusy
Cie MAZTEK
Durée: 55 min
Cri de mes racines
Chorégraphie originale : Jean-François Colombo
Texte : Louis-Philippe Dalembert
Chorégraphe, Adaptation, Conception lumière & Interprète : Josiane Antourel
Adaptation texte, Mise en scène & Interprète : Yna Boulangé
Création lumière : Yann-Mathieu Larcher
Vidéo : Vianney Sotès & Arlette Pacquit
Costumes : Érick Plaza Cochet
Josiane Antourel & Yna Boulangé