— Par Dominique Daeschler —
Sol (0ff) /
Accompagné par deux musiciens, Paul Wamo, poète kanak prend la scène comme il prend le verbe, le répétant, l’exultant, le portant aux nues ou en enfer. Il chante, slame, danse, s’offrant une respiration quand il atteint la lune ou le soleil. Il ouvre « le ciel des avions jaunes » lui le « noir qui tape à l’œil » et l’on comprend vite qu’il est sans limites quand il parle de sa terre, de la mort qui arrive comme marée haute. Il associe les mots, joue d’une grammaire des sons où il crée ses propres accords. C’est incisif, tourbillonnant, entêtant comme une vérité que l’on assène car il y a dans la personne et dans la voix une générosité qui appelle à le rejoindre dans son univers poétique grave et fêlé.
Ver (Off)
A la maison de la poésie où l’on retrouve de plaisir de caresser et de feuilleter des livres à portée de main, un choix qui eut étonner : un jeune comédien Julien Barret crée un spectacle « verre en mains » : venez prendre un vers, venez boire un mot, vous allez déguster. Il n’a pas la prétention d’être œnologue, le vin est un prétexte à la rencontre des poètes et à la communication avec le public même si la petite salle gradinée convient peu au côté bistrot et bon enfant qu’il veut partager. Baudelaire, Dimey, Couté, Brassens, Nougaro, Badiou apportent avec un rien de tanin leurs fantasmes, leurs émotions, leurs amours et désamours. Certains mots « font la jambe », d’autres se « grument » et laissent une jolie chaleur au fond de nos gosiers. A l’aise, avec ou sans guitare, avec ou sans la robe de chambre du grand père, Julien Barret a le bagout et le métier qu’il faut pour nous faire porter un toast à la poésie.
Mémoire de naissance (0ff)
Plus de l’ordre de la conférence gesticulée, chantée que du one woman show, Mémoire de naissance confié aux bons soins de Sylvie Prager Séchaud qui a tout d’une bonne fée, demandait à la fois du sérieux et de la finesse. En effet comment traiter au plateau l’histoire de la naissance à la conception à l’accouchement sans être sentencieuse et tomber dans la psychologie de bazar ? On craint le pire quand on la voit sortir son escabeau et ses pancartes. Bonimenteuse ? Maîtresse d’école ? Non pas. Cette comédienne qui est aussi thérapeute a souci d’efficacité et de conviction. Le rose aux joues, elle se passionne pour son sujet et plonge pour nous conter les sept étapes de la naissance : décider, s’engager, faire le chemin, sortir, s’exposer, se séparer, réussir.
En avant les traumas, les phobies, les signaux d’alerte. En chantant elle dit avec douceur les choses les plus importantes, en dédramatisant, en déculpabilisant si besoin. Il faut pouvoir se permettre d’expliquer l’accouchement avec un marchepied sur la tête, en jouant des clapets sans avoir l’air ridicule !
C’est bien documenté, joyeux, rassurant car on peut aussi s’autoriser la re-naissance.
Cet hymne à la vie mené avec énergie est un hymne à la joie où éclate la jolie voix de la comédienne. Étonnant, inattendu, convaincant.
Dominique Daeschler