— Par Selim Lander —
Pour finir cette session 2018 du festival, deux spectacles musicaux aux antipodes l’un de l’autre, de la musique classique à celle d’aujourd’hui. Autant dire que l’appréciation que l’on en fera est surdéterminée par les goûts de chaque auditeur/spectateur.
Le Concert idéal
Drôle de nom pour l’ensemble de cordes de Marianne Piketty, car enfin quelle œuvre humaine pourrait raisonnablement se qualifier ainsi, l’idéal n’étant pas par définition inatteignable ? Peu importe, à vrai dire : nous sommes là pour écouter de la musique, ou plutôt écouter-voir puisque le charme des concerts de cet ensemble tient autant à leur mise en scène qu’à la qualité de l’interprétation. C’est en effet une très bonne idée que d’ajouter à l’écoute des morceaux une « lecture visuelle », les déplacements des musiciens sur le plateau mettant en évidence la contribution de chaque instrument à la partition comme aucun concert traditionnel – chaque instrumentiste assis à sa place devant son pupitre – n’est capable de la faire. Point de chaise ici (sauf pour la violoncelliste), les autres instrumentistes jouent debout et peuvent s’éloigner de leur pupitre (sauf la contrebassiste et donc la violoncelliste) lorsque le moment est venu pour elles (ou eux) de se mettre en valeur. Elles sont quatre (deux violons et les deux déjà nommées) plus M. Piketty, violon solo. Ils sont deux (alto et théorbe).
C’est merveille que de voir les musiciens se toiser, s’approcher ou, au contraire, prendre de la distance suivant l’évolution de la partition. Quant à M. Piketty, telle un farfadet, elle semble constamment en déplacement, invitant telle ou tel instrumentiste, tantôt proche des deux autres violons, tantôt seule à l’avant-scène au plus près du public, voire à genoux devant lui pour finir un mouvement.
L’ensemble interprète ou plutôt entremêle les Saisons de Vivaldi et celles de Piazzolla. Ici encore, cette innovation sans nul doute choquante pour les puristes s’avère féconde. La confrontation de deux musiques aussi différentes mais qui font pourtant appel aux mêmes instruments invite aux comparaisons et aide à mesurer l’évolution de la musique entre le XVIIIe siècle de Vivaldi et le XXe siècle de Piazzolla.
Direction musicale : Marianne Piketty ; M.E.S. : Jean-Marc Hoolbeck
Si loin si proche
Troisième volet d’une trilogie de « récits concerts », après Medina Merika (prix du festival Momix 2018) et Murs, Si loin si proche s’intéresse à un moment de l’histoire des immigrés algériens en France, celui de « l’impossible » retour. On a eu beau construire une maison « au bled » bien plus spacieuse que l’appartement HLM en France, quand le moment est venu de l’habiter, avec des enfants français et surtout francisés, c’est plus difficile que prévu, si difficile qu’on finit par renoncer. Pas tout à fait d’ici mais moins encore de là-bas, malgré les vicissitudes liées à la condition d’immigré on finit par trouver son nouveau pays plus accueillant que le pays d’origine.
Cette situation qui est celle de ses parents, Abdelwaheb Sefsaf la raconte ou la chante dans ce spectacle qui joue à la fois sur sa verve et son bagout et sur la musique de son complice Georges Baux (l’arrangeur, entre autres, des Mains d’or de Bernard Lavilliers) renforcé ici par Nestor Kéa.
Paroles : « La maison, c’est pas pour moi, c’est pour vous », dira mon père toute sa vie. Depuis sa construction jusqu’à aujourd’hui, notre maison restera une sorte de maison témoin avec meubles neufs n’ayant jamais servi, chaîne stéréo encore dans son carton, salon style Louis XXIII (comme disait mon grand frère) encore dans son cellophane pour éviter « les taches de gras ».
Chanson : Arbres Déracinés Nous naissons de l’horizon Pour vivre Sous votre ciel Et nos fruits sont amers
Compagnie « Nomade in France » ; M.E.S. A. Sefsaf ; musique « Aligator »