— Par Selim Lander —
Huis Clos de Jean-Paul Sartre (OFF)
Le théâtre de Sartre résiste mieux que celui de Beckett. C’est en tout cas ce qui résulte de la confrontation de Oh ! les beaux jours (voir notre billet précédent) et de Huis Clos. Depuis Sartre, pourtant, l’enfer a été choisi comme cadre de plusieurs autres pièces et l’on pourrait croire le thème éventé. À voir l’interprétation proposée par les trois comédiens de la compagnie « Les Eclats de lettres » (basée en Bretagne) présents au festival (la compagnie a donné la pièce déjà plus d’un millier de fois et les comédiens se relaient), il n’en est rien. Ils ont le physique de l’emploi – ce qui importe au théâtre – et sont tous les trois parfaitement bien dans leur rôle : celui qui joue Garcin, lequel voudrait bien se faire passer pour un brave type ; celle qui joue Inès, la demoiselle de la poste, aigrie et haineuse ; enfin Estelle, la jolie aristocrate qui commence par faire sa sainte nitouche mais ne cachera pas longtemps son cynisme foncier.
La pièce de Sartre n’est pas une merveille architecturale. Les révélations successives des protagonistes sont attendues et la fin tombe à plat. Néanmoins, il se passe suffisamment de choses et l’intelligence de Sartre est toujours présente de telle sorte qu’on ne s’ennuie pas une minute.
Au-delà de ses turpitudes domestiques, Garcin est hanté par la question de savoir s’il s’est comporté en lâche. Qu’est-ce que Sartre avait en tête en mettant cela en avant dans une pièce écrite en 1943 ? Difficile de ne pas penser à sa propre attitude pendant l’occupation qui ne fut pas véritablement héroïque…
Sopro de Tiago Rodrigues (IN)
Triste à dire mais cette pièce d’un metteur en scène portugais en renom est un modèle de complaisance et de vacuité. Complaisance que de mettre en scène la « souffleuse » du théâtre de Lisbonne – puisqu’il semble que le Portugal ait conservé longtemps la pratique du souffleur – comme si l’empathie pouvait à elle seule faire un bon sujet. Et vacuité lorsqu’on ne se donne pas la peine de bâtir la moindre intrigue et qu’on se contente d’enchaîner les récits jamais passionnants des incidents qui ont émaillé la carrière de la dite fonctionnaire. Pour compliquer les choses, bien que présente sur scène, celle-ci est également incarnée par deux jeunes comédiennes. Au début, le plateau (où poussent quelques herbes car nous sommes transportés dans une époque où la fin des théâtres aurait sonné) est occupé par la vraie souffleuse, par ses deux incarnations et par un comédien qui joue le rôle du metteur en scène de la pièce en train de se préparer et que nous sommes pourtant (paradoxe temporel) en train de regarder dans son état abouti (!). Pendant ce début particulièrement insupportable au-delà de deux minutes, la vraie souffleuse ne cesse de se déplacer d’un(e) comédien(ne) à l’autre pour lancer sa réplique. La vraie souffleuse souffle donc aux deux fausses ! Par la suite, on ne sait plus très bien qui souffle qui et c’est mieux ainsi. Malheureusement, comme on l’a déjà noté, les anecdotes de la carrière de la souffleuse sont d’une extrême platitude et il ne suffit pas de faire ânonner quelques vers de Racine (en portugais) à ses acteurs pour faire du bon théâtre. Sans compter, cerise (?) sur le gâteau (?) que Rodrigues fait dire à son porte-parole, le comédien qui joue le metteur en scène, des tartines philosophiques d’une confondante banalité.