Poisson et petits pois
Bonne pioche à nouveau avec La pièce d’Ana-Maria Bamberger qui met en scène une mère et une fille dont les rapports conflictuels ne parviennent pas tout à fait à dissimuler la tendresse qui les unit. La maman, ex-infirmière, est clouée sur son fauteuil par une entorse. La fille, médecin, lui rend visite tous les deux ou trois jours pour lui apporter les courses… et pour se disputer avec elle. Car la maman se montre fort vindicative. Et quand elle fait toucher du doigt à la fille que son mari la trompe, évidemment cela n’arrange pas les choses entre elles. Mais, bien sûr, les choses n’en resteront pas là et nous aurons encore bien des choses à apprendre tant sur l’une que sur l’autre. Outre les rapports mère-fille, la pièce aborde frontalement la question de l’infidélité conjugale (particulièrement masculine) : ce sont là des sujets douloureux et le ton a beau rester léger, on comprend qu’ils puissent heurter certaines personnes qui ont vécu ces situations-là et n’ont pas fini de surmonter leur souffrance.
Le texte induit un jeu de scène répétitif : préparer le thé, vider le sac du supermarché (le poisson et les petits pois…), le plier, etc. Tout cela qui pourrait lasser donne au contraire à la pièce sa scansion sans l’empêcher d’avancer vers un dénouement que certains spectateurs trouveront heureux et d’autres malheureux. Il faut croire que les premiers l’emportent puisque la pièce a fait l’objet de plusieurs traductions et a voyagé avec succès dans de nombreux pays. Telle qu’on peut la voir en Avignon, elle bénéficie d’une interprétation parfaite. Marie-Hélène Lentini campe la mère apparemment impitoyable qui ne passe rien à sa fille alors qu’elle ne veut que son bien, tandis que Dorothée Martinet est la fille apparemment trop soumise mais qui finira par se réveiller et prendre son avenir en mains. Toutes les deux savent faire rire et émouvoir quand il faut. Elles forment le couple idéal pour interpréter ce texte et l’on serait bien incapable de dire laquelle surpasse l’autre.
Iliade
Deux comédiens, deux hommes, se sont mis en scène dans leur adaptation passablement foutraque de l’Iliade. Jouant tous les rôles, y compris ceux des déesses, d’Hélène ou d’Andromaque, ils réussissent à rendre compte en moins d’une heure trente des épisodes principaux de la fresque homérique. Pour y parvenir, ils utilisent de multiples accessoires, casques, cuirasses, boucliers, lances, épées, etc. fabriqués de bric et de broc avec balais, seaux, et autres écumoires. Les murailles de Troie sont faites avec quelques caisses en bois et tout est à l’avenant.
On est un peu dépassé au début par la complexité du récit mais l’on ne tarde pas à entrer dedans, Damien Roussineau et Alexis Perret s’y entendant à merveille pour annoncer la suite des événements, le temps de se saisir de l’accessoire correspondant au personnage de la scène suivante. On admire leur dextérité et leur coordination dans une mise en scène qui exige un réglage sans faille.
Il y a néanmoins une limite à cet exercice qui tient sans doute au parti pris comique de cette interprétation. L’Iliade est une geste pleine de héros et de fureur. La transformation en pochade est un exercice qui n’est pas nécessairement le plus opportun. Puisque le public est le juge ultime, le fait est qu’il n’a pas beaucoup rit. Il était sans doute, comme nous-même, plutôt amusé par la performance des deux histrions mais pas au point d’en faire des gorges chaudes.