The Fountainhead (La Source vive)
Par Selim Lander – La romancière Ayn Rand est davantage connue pour son roman Atlas Shrugged (La Grève, 1957) qui est devenue un ouvrage de référence pour les ultra-libéraux, que pour The Fountainhead (1943). Celui-ci fut pourtant porté au cinéma par King Vidor, avec Gary Cooper (sous le titre Le Rebelle). Il traite principalement de l’opposition entre deux architectes, Peter Keating et Howard Roark, qui défendent deux conception opposées de leur métier. Le premier, parce qu’il vise la réussite à tout prix, est décidé à aller dans le sens de l’opinion – en l’occurrence du goût – majoritaire (être ce que les autres souhaitent qu’il soit). Le second, parce qu’il fait passer la réussite après sa conception de ce que doit être une architecture moderne, refuse de transiger sur ses principes. Les deux sont amis au départ, mais ils ne tardent pas à se brouiller, d’autant qu’ils sont amoureux de la même femme, Dominique Francon, la fille du premier patron de Peter Keating. Or cette dernière est tout aussi intransigeante, dans son genre, que Howard Roark (qu’elle aime tout en épousant Peter Keating), et leur liaison sera parsemée d’orages.
Le dispositif retenu par le metteur en scène néerlandais Ivo Van Hove est impressionnant. Il occupe la moitié de la vaste cour du lycée Saint-Joseph, l’autre moitié étant réservée aux gradins. Ce vaste espace est encadré, côté jardin, par des pièces derrière les vitres desquelles s’affairent des techniciens, et, côté cour, par de grands parallélépipèdes suspendus, sur lesquels s’afficheront des photos, des plans. Au fond de la scène, on aperçoit un écran vidéo et quelques appareils, des claviers, une vieille presse à imprimer. La scène elle-même est à peu près vide à l’exception de trois tables d’architectes. Tout ce que ces tables peuvent porter – photos, plans, dessins réalisés devant nous par Ramsey Nasr (qui interprète Roark) – est filmé et projeté sur l’écran en tant que de besoin. Sont également filmées les scènes d’amour entre Dominique et Roark, parfois intégralement nus, qui se tiennent au fond du plateau.
En dehors de quelques scènes, comme les dernières que l’on vient d’évoquer, la pièce est surtout une confrontation verbale entre les divers personnages. Le texte se fait entendre presque constamment, le jeu pur est réduit à peu de choses. Cela ne tirerait pas trop à conséquence – les questions débattues ne manquant pas d’intérêt – si le texte n’était dit en néerlandais, avec des surtitres placés très haut pour être vus commodément des gradins les plus élevés, mais qui s’avèrent de plus en plus gênants au fur et à mesure qu’on passe à des gradins plus bas, car il faut alors choisir entre lire le texte (très absorbant) ou regarder la scène et les acteurs.
En définitive, le résultat ne paraît pas justifier les moyens déployés. Quand on découvre le décor de cette pièce, son ampleur, le mélange de technologie moderne et de matériels anciens, on peut penser au grand succès du festival précédent que fut Reise durch di Nacht de Katie Mitchell (1), mais le spectacle lui-même s’avère décevant, trop statique, autant en raison du jeu des comédiens que de l’action qui ne progresse guère.
(1) http://mondesfrancophones.com/espaces/periples-des-arts/billet-davignon-2013-9-katie-mitchell/