— Par Xavier Demagny —
Dans une lettre ouverte publiée sur le site de Médiapart, la chanteuse, nommée aux Victoires de la musique vendredi soir, explique avoir été « manipulée, harcelée moralement et sexuellement » au début de sa carrière. Elle dénonce « un système d’oppression dangereux » pour les femmes dans cette industrie.
« De là où je suis, j’ai décidé de dire les choses, de ne plus laisser régner la peur. » La chanteuse Pomme, nommée vendredi soir aux Victoires de la Musique (dans la catégorie meilleure artiste féminine), a publié jeudi une lettre ouverte pour évoquer les violences sexistes et sexuelles qu’elle a vécu et qui minent, selon elle, l’industrie musicale. « De mes 15 à mes 17 ans, j’ai été manipulée, harcelée moralement et sexuellement », écrit-elle dans ce texte accessible sur le site de Médiapart et qui fait écho au mouvement de libération de la parole dans ce secteur, autour du hashtag #MusicToo.
« Mon arrivée dans l’industrie de la musique a été traumatisante », écrit la chanteuse. « Comme pour beaucoup d’autres femmes, vous aurez commencé à le comprendre. » Elle raconte ainsi « un système d’oppression dangereux » pour les femmes mais plus encore « pour les femmes queer, handicapées, racisées (…) plus invisibilisées et discriminées ».
« J’ai été l’objet de quelqu’un »
Sans le nommer, Pomme, aujourd’hui âgée 24 ans, explique avoir été victime « sans en avoir conscience à l’époque » d’un homme de 30 ans, soit environ 15 ans de plus qu’elle au moment des faits. « J’ai été l’objet de quelqu’un, façonnée selon ses fantasmes et déviances psychologiques », écrit-elle.
« Je ne choisissais rien de ma vie (comportements, fréquentations), ni de mon apparence (vêtements, maquillage, épilation), ni de la direction artistique de mon propre projet musical naissant à l’époque. »
« J’ai été manipulée jusqu’à en perdre totalement confiance en moi, confiance si fébrile à cet âge là », poursuit Pomme. « Être un adulte de 30 ans face à une adolescente de 16 ans et la briser. Réussir à lui faire croire qu’elle est le problème, en la sexualisant, en la rabaissant, en la contrôlant. Partir en marchant à pieds joints sur les débris d’une santé mentale détruite. Ne plus jamais donner de nouvelles. »
Elle cite des phrases entendues comme : « Sois plus sexy, moins enfant », « J’aurais dû te baiser » ou « Reprends tes chansons de merde et casse-toi, débrouille-toi ». Et estime qu’il s’agit là de la stratégie « d’un nombre effrayant d’hommes artistes, producteurs, musiciens, chanteurs, directeurs de labels, directeurs artistiques ».
Prise de conscience, des années après
La chanteuse lyonnaise, autrice-compositrice-interprète de deux albums, dit avoir mis « des années » avant de prendre conscience de ce qu’elle a vécu, de pouvoir « attribuer les mots justes » et « comprendre les conséquences à long terme » sur sa santé mentale. « J’ai mis des années à retrouver une confiance en moi qui puisse me porter et m’autoriser à être celle que je suis aujourd’hui. »
« Je ne suis pas un cas isolé, bien au contraire, et j’ai eu la chance d’être entourée par la suite d’humains bienveillants (à l’intérieur, mais surtout à l’extérieur du milieu de la musique) qui m’ont permis de reprendre possession de mon corps, de mon art, et de ma valeur au fil des années », ajoute-t-elle.
« J’écris cette lettre pour toutes les personnes qui n’ont pas encore trouvé cet espace dans lequel se reconstruire, qui n’en ont pas la chance, pas l’opportunité, j’écris pour espérer que quelques unes se sentiront moins seules, pourront demander de l’aide, et pour que les autres réalisent et agissent, devant l’ampleur des violences quotidiennes perpétrées dans nos professions. »
Source : France Inter