Aux journalistes de Martinique

— Le n° 353 de « Révolution Socialiste », journal du G.R.S. —

Au lendemain du 1er mai, une lettre ouverte avait interpellé la direction de Martinique la 1ère concernant le reportage sur la manifestation intersyndicale unitaire du 1er mai. Ce reportage donnait la parole à tout le monde sauf aux organisateurs/trices de l’événement : les confédérations, centrales et unions syndicales.

Face au 14ème congrès de la CDMT, il s’agit du boycott des travaux de l’une des principales organisations syndicales du pays et la première parmi les organisations non rattachées à une centrale ou confédération de France. Un pas a donc été franchi dans l’inacceptable : aucun média (ni Martinique la 1ère, ni ATV, ni RCI, ni France-Antilles) n’a cru nécessaire de couvrir l’événement.

Cette « curieuse abstention », dans un pays où fusent si facilement des diatribes sur telle ou telle action syndicale, semble une véritable première. Dans tous les pays non soumis à une dictature extrême, une rencontre où pendant trois jours, des délégué·e·s représentant un nombre significatif de travailleurs et travailleuses, font le bilan de leurs activités et en définissent l’orientation pour les années à venir, est un sujet important pour la population.

Le refus de couvrir même une partie de l’événement, ne pose pas seulement le problème de la déontologie des directions de médias. Nous sommes en effet devant un fait peu banal, sur lequel les journalistes ne peuvent garder le silence, à moins de prendre le risque d’être assimilés aux personnes responsables de ce peu glorieux boycott.

En ces temps où les menaces liberticides les plus inquiétantes planent sur la France et singulièrement sur ses colonies, on veut croire que la liberté d’expression et le droit à l’information sont des causes méritant d’être défendues. En un sens, c’est aussi de la liberté des journalistes qu’il est question.

Certes, il est vrai que nous n’avons entendu aucune voix officielle et collective de journalistes de notre pays s’élever contre l’assassinat de plus de cent journalistes à Gaza en cinq mois. Ce silence interrogeait déjà sur l’attitude face à des faits monstrueux. Meme si aujourd’hui le sujet est sans commune mesure avec la gravité du silence d’hier, le premier silence ne saurait justifier celui d’aujourd’hui.

Chacun saura en tout cas à quoi s’en tenir si le blackout persiste.


Vive la résistance ! Vive la lutte !

Face au boycott médiatique dénoncé dans la lettre ouverte publiée cidessus, nous publions le document qui résume les trois jours de débat de l’organisation ouvrière.


Déclaration finale du 14ème congrès de la CDMT

Le 14ème congrès de la CDMT s’est déroulé sous le choc d’une nouvelle préoccupante : la poussée de l’extrêmedroite en France, et ailleurs en Europe. Le risque d’un gouvernement fortement marqué par ce courant, ne peut être ignoré. Ces forces représentent le pire ennemi des travailleurs et des peuples colonisés. Les propos haineux proférés contre le peuple Kanak, montrent bien ce qui nous attend si ce courant liberticide, colonial et capitaliste, accède aux affaires en France.

Notre congrès a longuement passé en revue la politique d’ultra capitalisme de la Macronie, et compris la grande responsabilité de cette politique dans la situation actuelle.

L’urgence est donc de combattre aussi bien les menaces d’extrêmedroite que la politique ultra capitaliste qui les nourrissent en aggravant l’exclusion sociale, les inégalités, le racisme et la division des opprimé·e·s, soigneusement entretenus.
L’heure est plus que jamais au mot d’ordre que nous répétons depuis des années :
ANNOU MARÉ REN NOU POU RÉZISTÉ !

Notre résistance passe par le renforcement de notre centrale, par le renouvellement permanent de ses responsables, par l’approfondissement de notre démarche unitaire en direction de toutes les forces ouvrières et populaires. Une motion spécifique a été votée sur ce thème.

La lutte contre la terrible dégradation des moyens consacrés à l’hôpital public et la santé en Martinique, analysée avec précision et indignation par nos délégué·e·s, doit constituer l’une des premières tâches de notre centrale et de l’intersyndicale.

La lutte pour des services publics de qualité va de pair avec le combat pour les salaires, contre la cherté de la vie, contre la souffrance au travail dont l’aggravation évidente résulte d’une politique qui place l’humain derrière le profit capitaliste.

La même logique est à l’œuvre dans la question du chlordécone. Une autre motion spécifique souligne l’importance à nos yeux de ce combat et se félicite du travail unitaire tenace et multiforme de nos camarades. Le 14ème congrès appelle les militant·e·s et le monde du travail en général à prendre toute leur place dans cette lutte qui est loin d’être achevée.

Le 14ème congrès a mis en évidence les dangers de guerre qu’un capitalisme en crise sérieuse, depuis 2008 en particulier, fait courir à une planète de plus en plus soumise à de féroces rivalités qui appauvrissent les peuples et démolissent les écosystèmes, la biodiversité, le climat. On ne comprend, sans cette analyse, ni la féroce barbarie déversée sur le peuple palestinien, ni les menées coloniales en Kanaky, ni même la guerre en Ukraine.

Le 14ème congrès approuve l’activité unitaire de la CDMT sur ces questions comme sur celle des vols de terre en Martinique.

Notre congrès a réaffirmé sa confiance dans les méthodes du mouvement ouvrier pour affronter tous ces problèmes, mener toutes ces luttes. Tout en réaffirmant son attachement jaloux à son indépendance, la CDMT a affirmé sa conviction que, pour imposer des solutions viables à beaucoup de questions de notre quotidien, un front doit être recherché aussi bien avec les élu·e·s dignes, qu’avec les forces libérées par la décomposition du colonialisme archaïque qui règne chez nous.

L’ampleur de ces chantiers nous a imposé une relecture de nos grands principes, la mise en place d’une politique de formation plus audacieuse, un raffermissement de notre organisation interne.

Une tâche immense attend notre nouveau secrétariat général, notre nouvelle commission exécutive. Nous avons confiance dans leur détermination et leurs capacités.