« L’Inondation »
Nous étions à peine arrivés quand un homme sortait de la maison. Il fut conduit à mon père après avoir été appréhendé. Entouré de cinq soldats armés, on lui demanda d’expliquer pourquoi il sortait de la maison quand nous n’y étions pas. Sa narration simple et concise semblait être invraisemblabe et ahurissante. La pluie torrentielle de la veille avait causé le débordement de la ravine à Camp-Perrin et il a dû prendre refuge pour ne pas être emporté par l’inondation. Même votre maison mon colonel a été inondée, si ce n’était pas pour l’étage supérieur, je ne serais pas là à vous parler. Je me suis couché des heures au-dessus d’une armoire espérant que l’eau ne m’y atteindrait pas. Au même moment, le sergent de service entra avec un visage figé de peur. « Mon commandant » s’adressant à mon père, » Il faudra retourner aux Cayes tout de suite! » « Expliquez-vous! » répondit mon père. En réalité, l’homme disait la vérité, la maison était inhabitable, elle était complètement couverte d’une marre de boue jusqu’au haut de l’escalier. Toutes les portes n’ont pas pu résister à la force de l’eau et la masse de boue que celle-ci charrie avec elle. Mon père donna l’ordre d’aller avec cet homme tout de suite dans son patelin et et faire tout ce qu’il faut pour rétablir l’ordre et commencer le déblaiement de la région. Pendant deux semaines, les renforcements militaires se mirent au travail pour remettre en ordre toute la région affectée par ce désastre naturel. La paysannerie avait perdu tout le bétail et la production agricole, et il y eut une centaine de morts! Mon père resta sur les lieux pour diriger les opérations. Tandis que nous, maman et mes quatre frères sommes retournés d’abord aux Cayes, faire des provisions, et prendre la route pour Port-au-Prince le jour même. Ce n’est que le mois d’après que papa est revenu à la maison, à temps pour la rentrée scolaire!
Jean-Bernard Bayard
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«Le Soleil»
Sur son lit aquatique d’un bleu azur, le soleil ensanglanté se couchait lentement, propageant cette couleur vermeille sur tout l’horizon, avant de s’éteindre dans une nuit oblique d’un obscurantisme fracassant. Quel repos pourrait apporter une journée de déception, de subterfuge, et d’hypocrisie? D’une conscience lourde d’immoralité, de criminalité, et d’avidité. L’humanité sombre dans un sommeil de désespoir, de confusion, et d’anéantissement. Il y aura-t-il un réveil à l’aurore du jour? S’il y a un sursaut de vie aux premiers rayons, quelle lumière apporteront-t-ils à l’avilissement de la race humaine qui croupit dans cette misère chronique qui la ronge depuis la nuit des temps. Il y aurait-il dans cette opacité une conscience collective qui pourrait redresser la société globale, et lui offrir une vision altruiste, qui pourrait régénérer les vertus humaines détruites génétiquement, par la civilisation d’un égoïsme gargantuesque? Comment motiver un cœur hégémonique, et assouplir une âme opprimée? Combien faut-il de temps pour que nos dirigeants puissent comprendre l’émergence de la crise fatale qui nous envahit, infectant, contaminant, et détruisant l’essence même de notre espèce?
Jean-Bernard Bayard
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Le tambour assotor
Le 14 Aout 1946, le tambour Assotor (Asotò) de tous les temples vodou (Houmfòr) d’Haïti, annonçait la présidence de Dumarsais Estimé pour le 16 Aout 1946! C’était comme une célébration du 14 Aout 1791, un renouveau de la négritude révolutionaire! Personne ne savait le vrai subterfuge de ce choix, entre le retraité colonel Calixte qui vivait en République dominicaine, l’ambitieux lieutenant colonel Paul Eugène Magloire, et le sénateur communiste Félix Constant. C’était une révolution en elle-même après cinq présidents mulâtres en 30 ans (1915-1945), ce qui rappelait (1818 -1848) qui offrit la première vague de la négritude avec Faustin Soulouque après 30 ans d’une présidence mulâtre avec Boyer. Le 16 Aout 1946 aurait dû être une renaissance culturelle, vodouesque, politique, et sociale. L’Assotor annonçait avec emphase la régénération d’Haïti, des cendres de l’occupation américaine. Tout comme L’Assotor du Bois Caïman le 14 Août 1791 avait annoncé avec une pareille emphase la naissance de l’émancipation du fléau de la colonisation française. Aujourd’hui, les États-Unis ont réélu un homme qui décrit Haïti comme un trou de merde, et accuse les haïtiens de manger les chiens, et les chats domestiques. Le conseil présidentiel actuel d’Haïti officiellement félicite le président élu qui les méprise, est-ce de la politique internationale, ou encore de la diplomatie?
Les cérémonies du vodou dans tout le pays rendaient gloire aux vrais ancêtres de la patrie, c’était la prise de conscience qui avait été perdue pendant 140 ans. Haïti allait finalement avoir son identité nationale, mais hélas, ce ne fut qu’une illusion qui, onze ans plus tard, plongera Haïti dans un chaos qui dure jusqu’à nos jours! Peut-on toujours espérer un renouveau de la République d’Haïti? J’attendrai l’Assotor pour me l’annoncer.
Jean-Bernard Bayard
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Ban-m Pa-m San Dous!
Chante Ayiti Cheri se youn men renmen-li se yon Lòt
Di ke se Natif Natal ou ye pa menm ak pwan kout Bòt
Pa gen pi gwo mantè sou la tè ke move grenn Patriyòt
Ki fé wa ban-m pa-m san dous ma mete siro san Gagòt
Kan moun di-w ke yo pale Kreyòl sa pa vle di ke yo Ayisyen
Pa blye se Kat lang Kreyòl ki demonte Ayiti pou Ewopeyen
Pòtigè, Panyòl, Fwanse, ak Angle tout se Kreyòl pou Mwen
Ki fè wa ban-m pa-m san dous ma mete siro san lòt Anyen
Kreyòl Pale Kreyòl konprann pouki sa nou pa ka antann tèt Nou
Èske se paske nou se Ayisyen eke nou pa Kreyòl kon Bakoulou
Kan mwen di ke m-pale Ayisyen moun kouri dèyè-m di-m Fou
Ki fè wa ban-m pa-m san dous ma mete siro sou tout Zile Ginou
Jean-Bernard Bayard
Question: Un Haïtien qui n’écrit pas et ne lit pas la langue haïtienne, est-ce que cette personne peut s’identifier Haïtien? Sommes nous si exogène que les langues coloniales seules nous servent de moyen de communication? Pensez-vous que ça pourrait expliquer l’une des raisons fondamentales de la faillite d’Haïti? Avons-nous développé une identité haïtienne qui nous aurait permis de nous unir comme peuple et comme nation? « M’Pa Kanmarad Ou! » « Gwo Zòtey! » « Nèg Sòt! » « Depi nan Ginen Nèg Pa Vle Wè Nèg! » Comment construire une nation avec une telle attitude?