M' A

Méfiance

 — Par Philippe Adrien, metteur en scène de Phèdre —

philippe_adrienMes amis martiniquais ont souhaité que je réponde aux attaques, aussi piètres que mensongères, du dénommé Sabra Nous vivons en effet dans un temps où n’importe quel individu, sans visage ni mandat, peut se permettre d’inonder la toile de ses invectives, en toute impunité.

Roland Sabra me traite de « mercenaire », reprenant ainsi le terme utilisé naguère par un critique parisien rendu jaloux par mon incursion dans le théâtre privé, pour « Doux oiseau de jeunesse » de Tenessee Williams. C’était en février dernier

On voit bien comment s’y prend notre prétendu « -journaliste d’investigation ». S’avisant un beau matin qu’un certain Philippe Adrien, metteur en scène métropolitain dont il n’a pas la moindre idée., mais qui pourtant semble avoir quelque réputation, menace de débarquer à Fort-de-France, il se précipite sur Internet et y trouve évidemment toutes les informations possibles sur un par-cours professionnel de plus de Trente ans.. Que- retient-il ? Un seul mot « mercenaire » dont il lui semble – « Le Naïf » – qu’il est susceptible, sous sa plume vengeresse, de discréditer l’homme et l’artiste.

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Des militants de la cause théâtrale

— Par Roland Sabra —

Les rencontres théâtrales académiques ont eu lieu salle Frantz Fanon au CMAC les 02, 03 et 04 mai 2005.

Les élèves qui suivent dans leurs établissements des ateliers ou des options « théâtre », encadrés par des professeurs et des spécialistes qui les épaulent viennent confronter leurs travaux pendant quelques jours. L’ouverture de ces journées a débuté par une représentation de la Phèdre « signée » par Philippe Adrien. On pouvait mieux commencer. .. A remarquer cependant Mike Fédée dans le rôle d’Hippolyte. Encore lycéen, il était présent l’après-midi même dans différentes prestations dont un bon travail extrait de « Dames des noyés » de Nelson Rodrigués: belle occupation sensuelle de l’espace, trouvailles de jeux par les élèves, fous rires mal dissimulés, plaisir de jouer et public acquis par avance, étaient au rendez-vous. Un théâtre en-vie.

Ce n’est pas toujours le cas. Les prestations sont inégales tant du côté des apprentis comédiens que du côté de ceux, celles qui les encadrent. Les cultures théâtrales sont diverses, les investissements personnels de même. Cela va du théâtre de patronage, (« Les joyeuses commères de Winsor » où on voit clairement que les mamans ont été largement mises à contribution pour confectionner de beaux costumes, de belles robes, (et c’est là l’unique intérêt de la chose) à un vrai travail de réflexion sur ce qu’est un texte, sur la façon de le lire, de le dire, de le jouer(« Les femmes savantes »).

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« Phèdre » de Philippe Adrien : un metteur en scène mercenaire, un spectacle bon pour les antillais, pas pour les parisiens.

— Par Roland Sabra —

dalmat_phedreLe ciel est vide et les dieux sont morts de n’avoir jamais existé ou de s’être mêles d’un peu trop près à la vie des hommes. L’existence des hommes, ces êtres pour la mort, en est irrémédiablement perdue. Descendantes des dieux les lignées sont maudites. C’est sans doute là le ressort du tragique dans la Phèdre de Racine. Les personnages sont traversés par la démesure, la fatalité et la culpabilité dans une construction racinienne méthodique.

La démesure en fait les sujets d’un ordre qui les dépasse. Phèdre aime, malgré elle, d’un amour incestueux Hippolyte ce beau fils (!) de Thèsée son époux. L’absence du Père, voire sa mort annoncée, provoque l’aveu de cet amour au beau-fils épouvanté par la nudité violente de ce désir féminin. Mais le Père mort bouge encore. Il revient. Il revient pour juger, pour condamner l’inceste, anéantir le fils. Phèdre est fille de Pasiphaé dont les amoures monstrueuses avec un taureau donnèrent naissance au Minotaure. Thésée, élevé par sa mère et son grand-père dans l’ignorance de sa filiation paternelle, massacre ses cousins, débarrasse Athènes du Minotaure et se fait reconnaître par ses mérites, fils d’Egée.

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Tempêtes et naufrages en Martinique

—Par Roland Sabra —

Il est des signifiants dont les effets sont quelques fois dévastateurs. Ainsi « tempête » est d’un maniement risqué. Jean-Paul Césaire et Aurélie Dalmat en ont fait la démonstration à divers degrés cette année. On se souvient du travail du premier, présenté en début de saison à l’Atrium, à partir de la pièce d’Aimé Césaire « Une tempête ». On s’en souvient car rarement un travail avait été aussi mauvais. Tout d’abord, il y avait cette tentative affligeante de « moderniser » le texte en remplaçant le vecteur du naufrage, le navire, par un avion. On reste confondu par une telle avancée qui permet de remplacer les chevaux et autres carrosses des pièces de Shakespeare et Molière par « Twingo » Megane, et autres C4. Comment les professeurs de lettres françaises et anglaises n’y ont-ils pas pensé plus tôt? Voilà le moyen radical pour inciter les jeunes à découvrir les classiques. Ensuite il y avait, autre modernité, ces écrans de veille d’ordinateurs utilisés comme décor, mais aussi cette absence de sens du plateau, ce jeu statique des comédiens embarqués dans cette galère, et puis surtout une lecture qui décentrait le texte en faveur de Caliban.

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« Brodeuses » : un film de chair et de fil

—Par Roland Sabra —

Français (1h28). Réalisation : Eléonore Faucher. Scénario : E. Faucher et Gaëlle Macé. Avec : Lola Naymark (Claire), Ariane Ascaride (Mme Mélikian), Marie Félix (Lucile), Thomas Laroppe (Guillaume), Arthur Quehen (Thomas), Jackie Berroyer (M. Lescuyer). Grand Prix de la Semaine de la Critique Cannes 2004, Prix Michel d’Orano 2004

Si un Homme sur deux est une femme, elles sont donc comme l’écrit joliment Mao « la moitié du ciel ». Et quand elles font leur cinéma c’est à nous tous quelles dédient leur travail c’est du moins le cas de ce beau film, tellurique chargé de chair et de fil, de fruit et de sang dont une jeune femme nous fait cadeau : Brodeuses,. Faucher Eléonore l’auteure dont les décompositions signifiantes du nom sont à elles seules une exploration sans fin nous conte une histoire toute simple et infiniment complexe celle de l’enchevêtrement de deux vies . Celle de Claire, dix-sept ans qui se découvre enceinte, un peu par hasard, au-delà des délais d’une hypothétique IVG et celle de Mme Mélikian 50 ans qui vient de perdre son fils « adulescent » dans un accident de moto.

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BIGUINE, à la fois documentaire et fiction

— par Christian Antourel —

 biguineComme chaque fois où un tubercule est recherché, cultivé, fouillé et finalement débusqué, réalisé, la satisfaction ressentie alors peut-être à son comble mais l’effort fut-il de toute beauté, il n’en demeure pas moins sûr qu’un tubercule reste une racine et n’est jamais un arbre.

La difficulté de faire, ne fait pas l’Art ; loin s’en faut. Disons au contraire, qu’elle souligne et stigmatise un handicap génétique ; que le rythme diabolisé de la biguine ne parvient pas à masquer.

Biguine, est ici documentaire et fiction à la fois.Le rêve est celui des auteurs, tout englués dans un cinéma sucre d’orge « Filibo », « Lotchyo » mais aussi « Bwa dan tchiou ».

La réalité reste un non-dit trop évident, contrarié. Une impossibilité d’être, avouée et révélée en 90 minutes d’un film innocent prit en otage.

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Contre le salaire au mérite dans l’enseignement.

— Par Jean-Yves Mas —

evaluation_merite« Je sais que je suis minoritaire et je ne crois pas être un crétin obscurantiste, mais je pense (et c’est difficile de l’entendre et de le dire pour un enseignant) qu’il faut participer de la résistance à l’évaluation de ce qui n’est pas évaluable (…) L’évaluation individualisée des performances est une ineptie, mais on préfère s’en tenir à des méthodes objectives qui ne fonctionne nullement comme une reconnaissance mais comme une menace »

Christophe Dejours.

Dans le discours actuellement dominant sur l’éducation, il existe une proposition récurrente selon laquelle l’évaluation des établissements scolaires et de leurs agents permettrait d’améliorer l’efficacité de l’ensemble du système éducatif. En effet pour F.Dubet et M. Duru-Bellat il faudrait «  passer d’un système de gestion par les normes …à un système prenant au sérieux les capacités d’inventivité des établissements  en se polarisant sur les effets de leurs pratiques , bref à une gestion par les résultats » 1.Ce qui implique donc d’évaluer les établissements, mais aussi leurs agents, car même si cette dernière mesure n’est pas suggérée telle quelle, elle semble tout de même implicite lorsque les auteurs estiment que «  les établissement devraient être audités régulièrement par des équipes formées d’inspecteurs, de professionnels, de chercheurs et d’usagers (élus, parents).

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« Assaut à la nuit » de Roussan Camille

— Par Jean-Durosier DESRIVIERES

camille_roussanTopographie inventée, dans l’attente du jour

Une lecture d’Assaut à la nuit1 de Roussan Camille2

Il est des poèmes et des poètes qui vous obligent à vous attarder dans leur univers, à y prendre pied, en dépit de tout. Indigénisme, négritude, négrisme, « noirisme »… tout cela peut vous irriter. Rien que des théories, des concepts, des idées à générer crainte et méfiance perpétuelles chez certains lecteurs. Mais le chant poétique – hors tout champ catégorique, carcéral, hormis son propre champ, ouvert, en marge des œillères – stipule toujours un possible émerveillement. Serait-il ainsi de celui de Camille ?

J’ai passé des nuits quasi inassouvies avec Camille. Entre nous, un poème, un complice, une jeune femme : « Nedje ». Je l’ai traînée avec moi, en maints lieux clairs-obscurs : café, cabaret, piano-bar, hôtel, et que sais-je encore. Elle épouse toutes les inflexions de ma voix, tous les caprices de mes lèvres, mon souffle, au gré du rythme, de la mélodie, du poids de ses propres mots et de l’élan du cœur brûlant les planches.

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Des sévices dans les services

— Par Christophe Dejours* —
sevices_servicesLa volonté collective de coopération est indispensable pour atteindre la qualité. Mais elle est aussi le moyen indépassable de régulation des souffrances individuelles et de contrôle des dérives.

D es catastrophes industrielles et commerciales ont endeuillé l’été : le crash du Concorde à Roissy, le naufrage du Koursk en mer de Barents, le rappel de 6,5 millions de pneus Firestone qui auraient déjà provoqué 62 morts. Mais, dans l’ombre, il y a d’autres tragédies moins spectaculaires, comme la fermeture de la clinique de la Martinière et le récit de Christine Noël dont la grand-mère, hospitalisée à Marseille, est décédée dans des conditions lamentables.
La petite-fille retrouve sa grand-mère  » couverte de cloques et de brûlures. Une aide- soignante l’avait contrainte à prendre une douche sous l’eau brûlante « , et avait  » sans se soucier de ses cris, poursuivi sa besogne jusqu’à brûler la majeure partie du corps « . Et de préciser  » que cette aide-soignante du service de neurogériatrie inflige quotidiennement des brûlures aux malades qu’elle a en charge de doucher. Ma grand-mère a été une de ses victimes « .

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Richesse des nations et promesse de bonheur

— Par Christophe Dejours —
travail_&_mafiaLe « caïdat » et les organisations mafieuses commencent à coloniser les zones exclues de la prospérité.
Avec le retour de la croissance, on attendait que la société don-ne des signes de réjouissance. En fait les réactions sont discordantes et prêtent aux malentendus. Pour peu qu’on soit trop loin des lieux du drame où se fomentent les manifestations de protestation, on en vient vite – trop vite – à condamner ceux qu’on prend pour des geignards. Un exemple ? Celui de cette grande entreprise où ont été embauchés, en deux ans, 2 000 jeunes possédant des diplômes commerciaux. Confrontés à un flux ininterrompu de clients, ils se plaignent d’une surcharge et d’une dégradation insupportable des relations de travail. Et pourtant, ils bénéficient d’un statut et de revenus confortables, doublés d’un temps de travail record ne dépassant pas 30 heures par semaine ! Des mouvements de grève se préparent.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire de l’extérieur, ce ne sont pas des caprices d’enfants gâtés. L’investigation clinique révèle une souffrance indiscutable, confirmée par des décompensations psychopathologiques en nombre.

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Réévaluer l’évaluation

— Par Christophe Dejours*–

evaluationsAucune production, aucune entreprise, aucune organisation, aucune armée ne serait opérationnelle si les travailleurs exécutaient les ordres. Travailler suppose toujours des infractions aux règlements, aux procédures, aux prescriptions.
Réévaluer l’évaluation On évalue un patrimoine, le débit d’un fleuve ou la population d’un territoire : l’évaluation est devenue le signe extérieur de dignité de la démarche scientifique. Par mimétisme ou par vanité on évalue ce qui n’est pas objectif : des intentions (comme les intentions de vote), le stress, voire la dépression, on évalue même l’intelligence ! N’y a-t-il donc pas de limite à l’évaluation ?
Le domaine du travail est lui aussi concerné. Or toute situation de travail se caractérise par l’écart irréductible entre conception, organisation, procédures et prescriptions, d’un côté ; modes opératoires, coups de main, ficelles, « tacit skills » (habiletés tacites), de l’autre. Quelles que soient la nature de la production (de biens ou de servi- ces) et la méthode d’organisation du travail, y compris dans les chaînes de montage lorsque les cycles de travail sont inférieurs à 60 secondes, les travailleurs ne respectent pas les prescriptions.

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A propos d’un propos pseudo-philosophique

 —Par Raphaël Confiant, Ecrivain et créoliste —

 creolesDepuis que la controverse autour du projet « Humanités créoles » mis en œuvre par Bernard Alaric et quelques-uns de ses collègues inspecteurs de l’Education Nationale, projet contesté par le Ministère et qualifié de « communautariste », a pris de l’ampleur (débats télévisés, articles de presse etc…), on voit fleurir ici et là des contributions pour le moins curieuses. La plus hilarante est celle d’un collègue de B. Alaric qui se fend d’un long texte ressemblant à la dissertation d’un élève besogneux, bourrée de citations ou de références à des auteurs/des ouvrages prestigieux. Ce texte est pompeusement intitulé « A propos des humanités créoles et d’un problème plus général » et l’auteur, d’entrée de jeu, se pose « en tant que philosophe ». Il signe d’ailleurs son propos : « docteur en philosophie ». S’agit-il d’une naïveté ou d’un désir d’en imposer au vulgum peccus ? Les deux sans doute car chacun sait qu’il y a un monde entre un « philosophe » et un « professeur ou docteur en philosophie ». De même qu’il y a un monde entre un docteur en littérature et un écrivain, entre un professeur de mathématiques et un mathématicien.

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A propos des humanités créoles et d’un problème plus général

Par Pierre Zabulon

Docteur en philosophie 

creolesLes idées générales ne sont ni vraies ni fausses,

ni justes, ni injustes,

mais creuses. 

Paul Veyne

   L’examen du texte intitulé « Les humanités créoles – Séminaire des corps d’inspection de la Martinique », publié dans un numéro récent de l’hebdomadaire Antilla, appelle de ma part, en tant que philosophe, les observations ci-après qui, je l’espère, permettront d’en appréhender avec davantage d’exactitude la portée, surestimée, me semble-t-il, par ses concepteurs, qui n’ont pas hésité, pour en signifier la grandeur, à employer l’attribut « historique » ; ce qui, soit dit en passant, ne me semble pas refléter une très grande modestie.

 

Ce texte repose en effet sur plusieurs postulats ou affirmations indémontrables dont la légitimité apparaît fortement contestable – ce qui, de mon point de vue, en vicie irrémédiablement le fond .

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Etre et Avoir, un film de Nicolas Philibert

De Nicolas Philibert
Avec Axel

Synopsis :
Un peu partout en France, il existe encore ce qu’on appelle des classes uniques. Ces classes regroupent autour d’un seul maître d’école ou d’une institutrice, tous les enfants d’un même village, de la maternelle au CM2. Entre repli sur soi et ouverture au monde, ces petites troupes hétéroclites partagent la vie de tous les jours, pour le meilleur et pour le pire.. .

La presse en parle :
Chronic’art.com par Jean-Philippe Tessé
La plénitude du film naît de son hors champ : Etre et avoir y embrasse rien moins que le monde entier et le cycle du temps. Le monde qui attend les petits apprentis, le temps qui s’écoule et les façonne pour d’autres aventures. La fin de l’année est là, le maître est au bord des larmes, tout le monde se dit au revoir. Les grands partiront, des nouveaux arriveront, et, si l’on en croit Jojo qui apprend à compter, l’infini est à portée de leurs doigts tâchés d’encre, éternellement multicolores.

Cine Libre par Philippe Leclercq
Nous l’avions dit dès notre retour de Cannes, Etre et avoir est un film magnifique.

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Contre le créolocentrisme : Frankétienne ou Edouard Glissant ?*

 

— Par Jean Durosier Desrivières,—

 

 

Le jury du 13e prix Carbet de la Caraïbe, présidé par Edouard Glissant, s’est retrouvé au soir du vendredi 20 décembre à l’Atrium de Fort-de-France, salle Frantz Fanon, pour honorer, face à un public dirait-on sélectif, la dernière parution de Frankétienne : H’éros-Chimères. Ce titre résumerait « de manière profonde et provocatrice les horreurs qui bornent nos horizons ; les tourments et les fantasmes qui peuplent l’imaginaire des humanités contemporaines ». L’auteur reçoit ce prix comme un hommage rendu à la créativité féconde du peuple haïtien qui compte tant de « guerriers de l’imaginaire ». Tout se serait joué entre mise en scène de l’artiste, proximité visible avec le jury et son « jeu/je » parfois morbide et lassant.

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« Les Césaire », La mémoire d’un peuple

— par Marianne Payot —

«Vous ferez un jour de la politique?» «Ah non, ça, jamais! Papa Aimé a assez donné.» La réponse claque, sans hésitation aucune, de la part d’Ina et de Michèle. Il est vrai qu’avec cinquante-six ans de mandat à la mairie de Fort-de-France et quarante-sept (de 1946 à 1993) à l’Assemblée nationale, Aimé Césaire a largement acquitté la quote-part républicaine de la famille. En revanche, le tribut césairien aux lettres et aux arts ne s’est pas interrompu avec le patriarche. Au contraire. Les six enfants d’Aimé et de Suzanne, dite «maman Suzy», ont tous choisi d’œuvrer dans le monde de l’esprit.

Le véritable gène familial est bien là, dans la création et non dans la politique. Et on accréditera volontiers la version selon laquelle Aimé est entré au Parti communiste par hasard, et est devenu, par surprise, maire de Fort-de-France en 1945. En fait, le credo absolu, chez les Césaire, est avant tout l’instruction. C’est maman Nini, la grand-mère d’Aimé, maîtresse femme du Lorrain, qui apprend à lire au futur poète. C’est papa Fernand, l’un des 12 enfants de Nini, arpenteur puis simple petit fonctionnaire, qui, avec sa femme Eléonore, couturière de son état, se serre la ceinture pour envoyer sa progéniture à l’école.

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Le mal-vivre ensemble

— Par Christophe Dejours* —
le_mal_vivreOu bien le travail est un lieu d´exercice, pour chacun, de la délibération et de la confrontation des opinions ; ou bien il est un lieu d´expérimentation de la duplicité, de la manipulation et de la méfiance qui conduisent à la démobilisation, à la solitude et au repli individualiste défensif Le Monde daté du mardi 16 janvier 2001 En décembre, dans un discours à l´Académie des sciences morales et politiques, le président du Medef a vigoureusement appelé à la revitalisation de la société civile et, pour ce faire, a exposé un projet de refondation sociale. Son principal leitmotiv est la dénonciation des interventions de l´État, du gouvernement, de l´administration, du Parlement et de l´appareil judiciaire, qu´il tient pour responsables de « la sclérose du modèle social français ». Il ne souhaite rien de moins que de » faire reculer le domaine [de la loi] au profit du contrat « .
L´ensemble de son argumentaire se déploie donc vers l´extérieur de l´entreprise. Mais peut-être faudrait-il aussi attirer l´attention vers l´intérieur. Les nouvelles formes d´organisation du travail, de gestion et de management qui succèdent au modèle fordiste se caractériseraient par « le développement de l´autonomie et la mise en place d´une hiérarchie à la fois plus directe et plus légère » , ce qui laisse supposer qu´elle serait plus souple et plus nuancée.

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L’ambiguïté de la gestion du stress

— Par Christophe Dejours* —
stress_ambiguL’intervention des psychanalystes écarte la mise en discussion de qui, dans l’organisation du travail elle-même, est en cause dans le déclenchement de la violence. Dans bien des cas, ce qui déclenche l’agression ne vient pas du tout des maladresses psychologiques des salariés victimes, mais des tâches qu’ils assument.
On assiste actuellement à un renouveau de la demande, adressée aux psychologues et aux médecins par des entreprises ou des administrations, liée aux problèmes psychologiques occasionnés aux salariés suite aux agressions qu’ils subissent dans l’exercice de leur profession. Salariés du secteur bancaire victimes de hold- up, agents des chemins de fer ou de la RATP, enseignants dans les collèges et les lycées, employés de La Poste, caissières de supermarchés, etc. Gestion du stress, groupes de parole connaissent ainsi un grand développement et recrutent, parmi d’autres, praticiens de la santé et psychanalystes.
Deux axes théoriques servent le plus souvent de référence à ces interventions. Le premier est connu sous le nom de  » théorie du traumatisme « . Il concerne les troubles psychiques qui s’installent parfois à la suite d’une agression ou d’un accident : réminiscences inopinées de la scène traumatique, manifestations physiques d’angoisse (sudations, tremblements, palpitations, sensations d’étouffement, etc.),

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Le Medef et l’apologie du risque

— Par Christophe Dejours* —
medef_apologie_risqueDans la plupart des situations ordinaires, partager le risque est un leurre : l’entrepreneur prend des risques dans le registre de l’avoir, sur son capital ; le salarié prend des risques dans le registre de l’être, sur son intégrité physique et parfois mentale

L entretien qu Ernest*Antoine Seillière a accordé aux Cahiers de l assurance laisse perplexe. Il place la prise de risque du côté du bien. Il en fait l une des deux caractéristiques du libéralisme (à côté de la responsabilité) et la qualité, par excellence, de l entrepreneur moderne. Il divise la société en  » riscophiles « , qui portent l esprit d entreprise, et  » riscophobes « , qui, accrochés à leurs privilèges, refusent le progrès.
Mais emporté par son enthousiasme, le président du Medef commet quelques erreurs. Comment soutenir, par exemple, que  » le premier rempart contre le risque, c est le travail  » ? Est-ce une invitation à oublier les milliers de morts et de mutilés que produisent le bâtiment et les travaux publics chaque année, les malades qui se meurent de cancer par l amiante ou les solvants chlorés ?

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Les médecins dans ou hors le travail ?

— Par Christophe Dejours* —

medecine_du_travailLe Medef propose des réformes qui permettraient de se passer de ces spécialistes, en confiant leurs visites périodiques aux salariés à des généralistes libéraux, et leur travail sur le terrain à des techniciens du risque
Les médecins-inspecteurs du travail se sont mis en grève le 8 juin pour protester contre l’insuffisance des moyens mis à leur disposition et la précarité de leur statut. A l’issue des Journées nationales de médecine du travail, qui se tenaient à Lille, un millier de congressistes ont défilé dans les rues de la ville pour défendre leur métier. Alors qu’il manque environ 1 000 médecins du travail en France, le Medef propose des réformes qui permettraient de se passer de ces spécialistes.
En matière de santé au travail, les problèmes se sont compliqués ces dernières années. On a enregistré, en France, une recrudescence des accidents qui semblent atteindre principalement les personnes en contrat précaire. On commence seulement à évaluer les désastres de l’amiante. Et l’on découvre maintenant de nouvelles pathologies professionnelles. Des pathologies de  » surcharge « , d’abord, comme les troubles musculo- squelettiques (TMS), l’épuisement professionnel ( » burn out « ), le karôshi (mort subite par accident vasculaire chez des sujets jeunes sans antécédent, mais travaillant plus de soixante-dix heures par semaine).

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La guerre économique n’aura pas lieu

— Par Christophe Dejours* —
guerre_ecoComment de telles énormités peuvent-elles devenir la référence obligée de tous les discours ? Si c’est vraiment la guerre, alors la fin justifie les moyens. On peut décréter la mobilisation générale, et s’il y a des victimes, c’est qu’il ne peut en aller autrement. La guerre économique vaut pour une absolution des puissants

La guerre économique est un slogan annonçant une ère de catastrophes qui réalisera un partage sans pitié entre ceux qui seront sauvés et ceux qui seront broyés. Guerre étrange qui éclate sans bombe et sans char, sans soldat et sans armée ! Une guerre si différente de celle de Bosnie ou du Vietnam que ce n’est tout simplement pas une guerre. La guerre économique est seulement une métaphore. Faire passer la métaphore pour la chose même, c’est risquer le délire. Ainsi Jean-Pierre Chevènement a-t-il affirmé naguère devant une convention nationale du PS la nécessité d’apporter  » une riposte politique  » à la guerre économique qu’il a qualifiée de  » troisième guerre mondiale « . De même, Edith Cresson, lorsqu’elle était ministre des affaires européennes, avait-elle préconisé la création en France d’un  » haut commandement de la guerre économique « .

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Les vertus cachées du jeu au travail

— Par Christophe Dejours* —
travail_&_jeuLe paradoxe des activités ludiques, c’est qu’elles ont leur utilité : elles permettent, ici, de maîtriser l’angoisse ; là, de maintenir la vigilance, d’accroître la sensibilité et l’habileté professionnelle. Le plus surprenant, c’est que, souvent, les salariés en éprouvent de la gêne, de la culpabilité ou de la honte
Jouer sur les lieux de travail est illégal.  » Tel est le jugement rendu en mars dernier par la Cour de cassation, concernant un intermédiaire financier surpris alors qu’il se livrait  » à des jeux de hasard avec des tiers. En l’occurrence des paris sur l’élection présidentielle et sur les matches de football « . Ce salarié a été licencié sur-le-champ pour faute grave.
Il va de soi qu’activité ludique et activité de travail sont antinomiques. S’entendent déjà les gloussements d’indignation :  » On ne paie tout de même pas les gens pour qu’ils jouent à la belote ou aux échecs, au lieu de travailler ! C’est inimaginable !  » Imagination ? Raisonnons plutôt et intéressons-nous aux réalités du terrain.
Prenons l’exemple des cambistes qui spéculent sur les taux de change.

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