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« Zandoline; quand je pleurais dans le ventre de ma mère »

— par Roland Sabra —

Rare : un spectacle qui prend les enfants pour des personnes

  La pire erreur au théâtre, mais pas seulement au théâtre est de prendre les enfants pour ce qu’ils ne sont pas : des enfants. Disons- le tout de suite cette grossière erreur qui conduit par exemple à s’adresser à eux avec des mots soi-disant pour enfants, à bêtifier, et l’expression dit bien ce qu’elle veut dire, et bien Lucette Salibur ne la commet pas. De quoi s’agit-il? Zandoline, est encore au ventre de sa mère et ne veut pas en sortir. La maman a beau s’évertuer à lui dire des contes, pour l’inciter à venir au monde Zandoline ne veut rien savoir. Son frère est sorti à la date prévue mais elle, elle a décidé de faire de la résistance. Zandoline veut se faire Désirée, davantage et davantage!. Lucette Salibur, en mère matrimoniale, écrasée sur une chaise, enceinte jusqu’aux yeux, énonce conte après conte ce qu’il en est de la vie et de la nécessité d’y advenir à une Zandoline incarnée avec espièglerie par une Daniely Francisque capricieuse, entêtée, engoncée dans les toquades, les fantaisies et qui a décidé que son heure serait la sienne.

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« Voisins complices » : Une performance originale en gestation permanente

— Par Roland Sabra —

« Voisins complices » tel est le dernier nom donné à ce spectacle crée pour la première fois au Forum de la culture de Barcelone en 2004 par le poète haîtien Syto Cavé. Comment qualifier cet OTNI (objet théâtralement non identifié) ? Pluôt que de s’interroger sans espoir de réponse mieux vaut se laisser prendre dans la beauté verbale et picturale de la performance née de la rencontre d’un poète et d’un peintre, Alain Blondel en l’occurrence. Lors d’une visite de l’atelier du peintre, Syto Cavé dit que s’il écrit c’est parce qu’il ne sait pas peindre, ce à quoi répond Alain Blondel que s’il peint c’est parce qu’il ne sait pas écrire.  De la réunion de ces deux échecs, bien relatifs en réalité, peut-il naître un succès? « On s’est dit pourquoi ne pas essayer de mettre sur scène ce croisement, cette imbrication entre les différentes disciplines que sont la poésie, le chant et la musique » explique Syto Cavé. Voilà le pari que relèvent les deux artistes, avec la collaboration,  la présence irradiante excusez du peu, de Magali Comeau Denis, de la voix et du tambour de Azor et du chant de James Germain.

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« Avé l’assent » (suite) : Ecrire est un art de rencontres

  par Marius Gottin

 

 

 

par Marius Gottin

 

 

Ecrire est un art de rencontres, tout à fait le genre d’évidences que rappelait le philosophe Alain (si ma mémoire restitue fidèlement ce que j’ai retenu de mes lectures d’avant mai 68, un petit livre de moins de 200 pages et qui devait s’appeler « Propos sur le bonheur ») et qui me permet d’écrire que passer des feux de la scène à l’abat jour d’une table d’écriture n’est point chose aisée. Même si l’on se dit que les comédiens sont les plus à même de bien écrire sur le théâtre voire même des pièces de théâtre, que les…cuisiniers par exemple. Rien n’est plus faux. Ecrire relève de la magie, de l’esbroufe, de la technique aussi et pour revenir aux cuisiniers, les meilleurs sont souvent des artistes et l’Art…

 

« La trilogie des cœurs plastiques » est un beau texte, une vraie pièce de théâtre, la première écrite par Frédéric Schulz Richard, comédien qui connaît la chanson du théâtre pour l’avoir interprétée avec talent et qu’il nous restitue en la circonstance avec une écriture en abîme où le vrai le dispute au faux à tous moments, avec questions dramatiques, résolutions de conflits et autre climax final, pour nous conter une énième histoire d’amour impossible, amour difficile qu’ils sont quatre à jouer sur la scène du Moulin de Goult, sous la direction savoureuse et tout en finesse de Petra.

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Insurrection perlière Vol. I

Voyage dans l’écrit d’Aimé Césaire, par le dire et la musique, au  travers d’extraits de son œuvre

Textes et poèmes d’Aimé Césaire, lus par Nicole Dogué et Marius Gottin.

Œuvres musicales de (par ordre alphabétique) : Jacky Bernard – Nicol  Bernard – Mario Canonge – Tony Chasseur – Chris Combette – Thierry Fanfant – Jean-Christophe Maillard – Alain Ravaud – Chyco Siméon – Thierry Vaton.

Œuvres visuelles : Victor Anicet

Maquettisme : Yékri ( www.yekri.com)

Produit & réalisé par Tony pour T.C. In Productions et l’association  Dodine.

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« Avé l’assent » (1), par Marius Gottin

Le Lubéron Sud


Le Luberon est l’une des quatre montagnes sacrées de l’arrière pays d’Avignon ; le Mont Ventoux en est la plus haute, j’ai oublié le nom des deux autres mais je sais que le Luberon étend entre Forcalquier et Cavaillon ses 100 kms de montagnes bleues, comme un lézard et que c’est bien parce que les parisiens n’arrivaient pas à prononcer correctement le « e » neutre de Luberon qu’ils ont à un moment de leur fréquentation rapprochée de la région, eu l’idée d’écrire « Lubéron ».

Le Luberon peut s’enorgueillir de ses cigales, de son vin rosé, de ses maisons de pierre, de ses ocres et de ses poteries qui donnent de délicates petites choses sur le marché d’Apt le samedi matin et puis quelque part vers l’aube de l’été, entre Gargas, Viens, Saignon, Bonnieux, le moulin de Goult, Roussillon pour sa seizième édition, Les Soirées d’été en Luberon.

Imaginez vous tout d’abord un couple qui s’aime d’amour tendre autant qu’ils aiment les mots de…René Char par exemple, cela se passe bien avant la célébration du centenaire de sa naissance, qui a une telle envie de donner à entendre sa poésie, à découvrir son monde qu’ils, lui c’est un fou furieux de théâtre, Michel Richard, elle plus douce mais tout aussi obstinée qu’elle est articulée dans sa démarche, Petra Schulz, décident de créer une manifestation qui fait qu’en 1992, le Théâtre Légendes à venir propose les soirées de Gargas.

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Amatya Sen :“La notion de guerre des civilisations s’est insinuée dans l’inconscient collectif.”

Identités, cultures, religions : Prix Nobel et professeur d’économie à Harvard, Amartya Sen tord le cou aux bons sentiments. Une pensée libre et originale.

L’Indien Amartya Sen a aujourd’hui 73 ans et compte parmi les intellectuels les plus brillants de notre époque, les plus éclectiques aussi. Peut-être est-ce pour cela qu’il reste étrangement méconnu en France, parce qu’il est difficile à classer, d’abord dans sa discipline reine, l’économie, pour laquelle il a obtenu le Nobel en 1998. Enseignant à Harvard et à Cambridge, il a depuis longtemps affirmé un regard original, s’inscrivant dans la théorie économique dominante tout en la contestant de l’intérieur par ses travaux sur la pauvreté, l’équité et le bien-être. Mais Amartya Sen pourrait tout aussi justement être présenté comme philosophe, historien, sociologue et analyste politique, sans qu’il perde jamais en cohérence.
Deux ouvrages fraîchement parus permettent de le découvrir ou le redécouvrir. L’Inde, Histoire, culture et identité, voyage érudit et captivant à travers un sous-continent où, comme le résume Sen, « l’hétérodoxie a toujours été l’état naturel des choses et a engendré une tradition de dialogues et de confrontations extrêmement féconde entre islam, hindouisme, bouddhisme et christianisme ».

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« Madame Marguerite »? : … un peu… beaucoup…

— Par Roland Sabra —

 La qualité d’un travail artistique ne relève pas d’une rationalité mesurable en terme d’analyse coûts/avantages ou d’un calcul de maximisation sous contraintes, sinon « Madame Marguerite » mise en scène par Jandira Bauer avec Widad Amra sur scène décrocherait la palme du meilleur spectacle de l’année! Réalisé sans aucune subvention, ni aucune aide de quelque sorte que ce soit, en dehors des soutiens amicaux de l’ADAPACS pour les répétitions et du Théâtre de Foyal de Michèle Césaire pour la présentation au public, la production de ce spectacle, sans vrai travail de lumières ni environnement sonore, faute de moyens, a été portée de bout en bout par la seule passion de la metteure en scène et de la comédienne. Mais comme chacun sait il est des passions qui dépassent l’étymologie et qui offrent outre la jouissance, assez banale, quelque chose de plus rare, le plaisir pour peu que l’on puisse, (que l’on sache?) transformer l’une en l’autre.

Si la mise en scène de Jandira Bauer, joue assez justement sur la démesure du personnage, elle met l’accent sur la dimension proprement folle de la relation pédagogique.

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Objet inconscient de la voix, la perte, le savoir et le corps

La voix, ses troubles chez les enseignants

 

INSTITUT NATIONAL DE LA SANTE ET DE LA RECHERCHE MEDICALE (France)

Paris; Institut national de la santé et de la recherche médicale;2006;344 pages
(Expertises collectives)

Cet ouvrage présente les travaux du groupe d’experts réunis par l’Inserm dans le cadre de la procédure d’expertise collective, pour répondre à la demande de la Mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN) concernant la voix et ses troubles chez les enseignants. Ce travail s’appuie sur les données scientifiques disponibles en date du deuxième semestre 2005. Environ 570 articles ont constitué la base documentaire de cette expertise. Le rapport analyse les mécanismes physiques et physiologiques de la voix, les pathologies associées à l’usage professionnel de la voix, présente les données épidémiologiques et les traitements de ces pathologies.

La contribution de Paul-Laurent Assoun

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Le Surmoi poétique d’Aimé Césaire

— Par Guillaume SURENA —

 

 

Aimé CÉSAIRE est l’homme public le plus important de l’histoire du 20e siècle martiniquais : il réalise à la fois l’aspiration profonde du peuple à l’assimilation et installe en son sein le ferment contraire, l’anti-assimilationnisme, le sentiment national martiniquais. Son influence dépasse la Martinique; sa démarche a aussi contribué’ à la prise de conscience nationale en Guadeloupe et en Guyane.

 

La cohabitation dans l’esprit public de ces deux tendances correspond a une potentialité de la vie psychique : le clivage.

 

C’est Sigmund FREUD, l’un des plus grand novateur scientifique de tous les temps, avec GALLILEE et DARWIN, qui, à la fin de sa vie, en 1938, a théorise’ ce fait clinique passionnant déjà repéré depuis les débuts de l’aventure psychanalytique : le Moi, au lieu de refouler purement et simplement comme sa faiblesse le poussait à le faire jusqu ‘alors va se cliver pour à la fois reconnaître la réalité désagréable et la nier. Un tel Moi capable de cette double opération simultanément est un Moi fort, qu’il faut bien appeler Surmoi, Uber-Ich… en allemand.

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Le pari de la décroissance

—  Serge Latouche —

(Bonus : un entretien-vidéo avec S. Latouche sur la décroissance)
2006, Fayard, 302 pages, 19 euros.

Voilà un ouvrage en passe de devenir un manifeste de la décroissance, sans doute en raison de la plume et de l’habileté de S. Latouche, même si, nous le verrons, il n’est pas sans laisser quelques zones d’ombre.

Après avoir précisé dans une introduction le statut de la notion de décroissance, S. Latouche évoque les raisons de la nécessité du choix d’une société de décroissance – « la décroissance, pourquoi ? » – puis il identifie les « étapes » à franchir qui nous y mèneront – « la décroissance, comment ? » -, avant de clore son ouvrage par une réflexion sur la pédagogie des catastrophes. Reprenons brièvement chacun de ces points.

La décroissance, un slogan

Qu’est-ce que la décroissance ? A vrai dire, on n’en trouve pas de définition précise, car « la décroissance n’est pas un concept […] mais un slogan politique » [p. 16], « une bannière derrière laquelle se regroupent ceux qui ont procédé à une critique radicale du développement et qui veulent dessiner les contours d’un projet alternatif pour une politique de l’après-développement » [p.

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MOLIERE Folie’s ou l’ébauche d’un projet intéressant

— Par Roland Sabra —

 L’idée du Théâtre du Flamboyant de Lucette Salibur est excellente : faire découvrir à la génération du zapping quelques textes de Molière. Comment? Et bien en montant un zapping de scènes issues des pièces du directeur de l’illustre théâtre! Michel Dural, professeur de Lettres et de Théâtre, bien connu dans le monde théâtral martiniquais a donc été chargé d’une adaptation, un choix d’extraits, de répliques quelques fois écourtées mais toujours fidèles à l’esprit de la pièce en un mot : d’un montage de textes en forme de « promenade guidée dans l’œuvre de Molière. » selon les propres termes de Michel Dural. Le choix des scènes qu’il a retenues lui appartient et chaque amateur en ferait un différent selon son cœur mais commencer par « L’impromptu de Versailles » est assez judicieux. Enfin l’adaptateur propose et le metteur en scène dispose.

Ce qui a été montré Jeudi 14 juin dans la Salle Aimé Césaire du Lycée Schoelcher était encore brouillon, mal ficelé, inégal, pour tout dire peu abouti. Deux locomotives tirent tant bien que mal, le spectacle.

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« Madame Marguerite » de Roberto Athayde : Jandira Bauer met en scène Widad Amra

 — Par Roland Sabra — 

Widad Amra dans le rôle de « Madame Marguerite »

 Sommes-nous éduqués et  dirigés par des fous?

Pourquoi sommes-nous éduqués et dirigés par des fous? Quel rapport le pouvoir entretient-il avec la folie? Les exemples sont nombreux dans l’histoire et tout récemment la campagne pour l’élection présidentielle a par exemple donné lieu à de nombreuses publications sur les dérèglements et autres travers  réels ou supposés du nouveau chef de l’État.

Vouloir le pouvoir, en rêver depuis sa tendre enfance est semble-t-il un symptôme pathologique, mais cela n’explique pas pourquoi le citoyen lambda délègue, accorde ses suffrages, désire être dirigés par de tels individus. La pièce de Roberto Athayde « Madame Marguerite » mise en scène par Jandira Bauer avec Widad Amra, donne quelques éléments de réponse à cette énigme.

Madame Marguerite est une institutrice plutôt vieux jeu qui enseigne la biologie, les mathématiques, les langues, le français, l’histoire la géographie, la sexualité enfin tout, la vie quoi!

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Amartya Sen : pour une identité multiple

 

 

Le prix Nobel d’économie 1998 est l’un des plus grands penseurs actuels. Il publie aujourd’hui deux nouveaux livres, « Identité et violence » et « L’Inde. Histoire, culture et identité », chez Odile Jacob. L’occasion pour nous d’aborder ces thèmes brûlants d’actualité en sa compagnie.

 

Prix Nobel d’économie en 1998, Amartya Sen, 73 ans, est plus qu’un grand expert international. C’est un penseur d’envergure, dont l’oeuvre se situe au carrefour de l’économie, de la philosophie, des sciences sociales et de la théorie politique. Sa démarche constante est de mettre l’accent sur les conditions morales, humaines et sociales des mécanismes économiques. Il n’a cessé d’insister sur le fait que « l’économie est une science morale » et que le développement est le point de départ de la liberté. Son originalité est aussi d’avoir toujours en vue les aspects pratiques de la vie politique : avoir le droit de voter ne sert à rien sans l’éducation nécessaire pour comprendre les choix proposés et sans les moyens de transport pour se rendre au bureau de vote…

Attentif à tous les aspects de la mondialisation, il en est lui-même une incarnation.

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Droits d’auteurs? C’est le mauvais problème.

— Par Alvina Ruprecht —

Il y aurait une réponse a faire à cet article de Nathaniel Herzberg, surtout étant donné les débats sur les rapports entre les artistes originaires de la « périphérie » et les institutions du « centre », débats qui battent leur plein actuellement sur le territoire de la  France. Le  journaliste  passe à côté d’un autre aspect du problème qui est aussi important que celui du  pouvoir des auteurs sur leurs textes dramaturgiques.

Tout ceci  a éclaté  lors de la discussion qui a eu lieu pendant la table ronde de la semaine de la Caraïbe organisée dans le Petit Studio du Louvre à Paris au mois de mars (2007) et à laquelle j’ai eu le plaisir d’assister. Le désir de Koltès de voir le personnage joué par un acteur d’origine arabe entre dans la discussion sur la marginalisation des acteurs d’origine antillaise et africaine qui ont du mal à pénétrer les institutions  canoniques du théâtre français,  milieu fermé et blanc qui exclut systématiquement  ceux qui ne leur ressemblent pas. Les témoignages dans ce sens ont fusé pendant cette table ronde et c’était  très embarrassant, voire une honte pour la  France,  d’entendre  des comédiens  raconter qu’ils suivent des formations, qu’ils acquièrent un statut professionnel  mais après , quoi faire?

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« Lettre sur la justice sociale » de Michel Herland

par J. Brasseul


Michel Herland, Lettres sur la justice sociale à un ami de l’humanité. Paris : Le Manuscrit, 338 p., 2006.

 

La France est le pays de la justice sociale, dans les mots sinon dans les faits. Nul thème n’est aussi porteur, aussi déclamé, nulle opposition à la notion autant vilipendée. Dans les faits, il en va tout autrement, bien sûr, puisque le taux de chômage est le double de la plupart des pays développés comparables, puisque les détenteurs d’emplois font tout pour les protéger, même si c’est au détriment de ceux qui n’en ont pas, même s’il faut bloquer pour cela l’accès aux plus démunis, aux plus défavorisés, aux plus récents arrivés. Dans les faits également, les inégalités sont criantes, la richesse étalée côtoie la misère sordide, les écarts de revenus sont bien plus importants que dans l’Europe nordique, alpine ou germanique. En France, il y a une alliance de fait, comme le notait Michel Crozier (pourtant après l’éruption de 1968), entre l’individualisme anarchisant et la bureaucratie centralisatrice. C’est en tout cas la légende de couverture de son maître livre, La Société bloquée (1) : « Pourquoi la France est-elle un pays conservateur ?

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« V’là la jeune garde qui s’avance sur les tréteaux »

— Par Roland Sabra —

Les rencontres théâtrales académiques ont joué les prolongations les 09 et 10 mai 2007 grâce à la complicité de Michèle Césaire qui a mis à disposition la salle du théâtre de Foyal pour que les parents de nos chères têtes crépues ou non, blondes ou non puissent découvrir l’étendue des talents de leurs progénitures. Ceci est à prendre au sérieux, car il faut les avoir entendus disserter allègement sur l’étonnante modernité de Marivaux par exemple, il faut les avoir vus investir l’espace scénique avec un bonheur parfois inégal mais souvent inégalé pour ne pas douter de l’existence d’un potentiel théâtral non négligeable en Martinique. Ces adolescents là s’y connaissent en théâtre et ils pourraient en remontrer à plus d’un «critique».Les sections théâtre dans les établissements scolaires fonctionnent en partenariat avec des comédiens, metteurs en scène, gens de la scène. Jandira Bauer, d’origine brésilienne et qui vit depuis de longues années en Martinique est une de ceux-là et à ce titre elle a accompagné, guidé, suscité plus d’une vingtaine de travaux d’élèves présentés au début du mois de mai dans la salle Frantz Fanon de l’Atrium.

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Théâtre de Foyal : un jeune homme de 95 ans

 — Par Roland Sabra —

1912. La municipalité foyalaise décide d’adjoindre au bâtiment, qui abrite les élus un théâtre. Dix ans auparavant le théâtre de Saint-Pierre disparaissait dans la tragédie de la Pelée. Drôle d’idée direz-vous, n’y avait-il rien de plus urgent? Et bien c’est de cette drôle d’idée dont nous avons hérité sans toujours mesurer la chance que nous avons.

L’architecture du théâtre à l’italienne se construit entre le début du XVI ème et la fin du XVIII eme siècle.

La forme retenue le plus souvent est celle du fer à cheval face à une cage de scène occupant plus d’espace avec un proscénium ( avant-scène ) débordant sur la salle mais de même ouverture que la scène elle-même. De chaque côté du cadre de scène, se superposent des loges compartimentées, plus ou moins richement décorées en fonction du rang social des occupants titulaires.

Ce qui frappe au premier abord c’est la disproportion qui existe entre la cage de scène et la surface du parterre, à l’avantage des comédiens. Les cintres sont très hauts placés pour y monter les décors à l’aide de cordages.

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Mémoires des esclavages et voltige des langues

— Par Edouard Glissant —

A l’heure où la France célèbre pour la deuxième fois, le 10 mai, les  » Mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions « , l’écrivain Edouard Glissant, chargé par le premier ministre, Dominique de Villepin, d’ » une mission de préfiguration d’un centre national consacré à la traite, à l’esclavage et à leurs abolitions « , publie Mémoire des esclavages, chez Gallimard. Un ouvrage dans lequel il présente le projet qui lui a été confié, et repère les traces de cette histoire douloureuse.  » Le Monde des livres  » en publie un extrait.

La même douleur de l’arrachement, et la même totale spoliation. L’Africain déporté est dépouillé de ses langues, de ses dieux, de ses outils, de ses instruments quotidiens, de son savoir, de sa mesure du temps, de son imaginaire des paysages, tout cela s’est englouti et a été digéré dans le ventre du bateau négrier et, par opposition au migrant armé venu du nord-ouest de l’Europe, et qui entreprend tout de suite de forger les instruments de sa domination (qui sera le capitalisme industriel puis technologique et financier), ou ensuite au migrant domestique ou familial, venu d’Italie ou de Chine ou de la péninsule Ibérique, d’Ecosse ou d’Irlande, les régions pauvres des îles Britanniques, avec ses poêles et ses fourneaux, les portraits de tout son clan, et qui fait commerce (c’est le capitalisme marchand, soumis au premier), l’Africain est le migrant nu, et qui n’a plus même à nourrir l’espoir d’un retour au pays natal, sauf dans les obstinations suicidaires des Ibos.

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« Départ » : excellent José Exelis !

par Selim Lander —

au théâtre de Fort-de-France

« Je t’ouvrirai les ailes battantes de

mon cœur impudique », S. Martelly.

José Exelis et la compagnie « les Enfants de la mer » ont présenté les 20 et 21 avril un spectacle d’une rare qualité dans un théâtre hélas presque vide. Il est permis d’espérer que l’absence des amateurs habituels s’explique par la concurrence, ces soirs-là, d’autres manifestations culturelles apparemment mieux achalandées. On sait déjà que le public martiniquais n’est pas suffisamment nombreux pour que les organisateurs de spectacle puissent se faire concurrence. Quoi qu’il en soit, il est dommage que DÉPART n’ait pas été vu par davantage de spectateurs, car les occasions de découvrir un théâtre à la fois non conventionnel et réussi ne sont pas si fréquentes.

On sait la fonction du théâtre : divertir, nous sortir de nous-même, de nos difficultés quotidiennes en nous donnant à rire (la comédie) ou à trembler (la tragédie) au spectacle des ridicules ou des malheurs de personnages mythiques ou inventés. Mais, bien sûr, la condition humaine étant ce qu’elle est, les sentiments joués par les acteurs nous renvoient finalement quelque part à nous-même… Pour réussir son entreprise paradoxale, le théâtre joue normalement sur l’intrigue qui fait le lien entre les divers personnages.

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« Wopso » et « Départs » : les audaces maîtrisées de José Exélis

— Par Roland Sabra —

José Exélis est un homme d’aventure. Aventure littéraire et théâtrale il va de soi. José Exélis aime les femmes. La féminité très exactement. Il manifeste un profond respect et une sourde admiration pour le genre féminin, dont il pense à juste titre qu’il est capable d’ intelligence et de subtilité bien supérieures à celles des hommes, et bien évidemment tout cela perle dans son travail de metteur en scène. Dans « Les enfants de la mer », pièce éponyme de sa compagnie, c’est peu dire qu »il aime les femmes, elles sont sept sur scène, à nous donner une leçon de courage, de ténacité, d’entraide et d’espoir au coeur sombre des dictatures dans une forme théâtrale de déconstruction des genres. Quand il se confronte à l’Othello de Shakespeare il cristallise la haine et l’envie sur le seul Iago pour en faire le parangon des humaines passions et nous tient en haleine en convoquant sur scène, sur les épaules d’un seul, la troupe entière du Théâtre du Globe.

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Littérature, identité et nationalisme

bjorn_larssonRéaction au manifeste : Björn Larsson

Littérature, identité et nationalisme

Le lundi 2 avril 2007

Par Björn Larsson, écrivain et professeur de français à l’université de Lund en Suède.

 

Chaque année, vers le mois d’octobre, la tension monte dans les ambassades étrangères à Stockholm et en particulier dans les services culturels. Quel est le pays qui cette fois-ci aura la gloire de recevoir le prix Nobel de littérature ? Ceux qui croient avoir un candidat en lice achètent déjà du Champagne et préparent les listes d’invitations pour les réceptions à venir. Il faut dire que certains pays auront dépensé beaucoup d’énergie et d’argent à essayer d’influencer — sans aucun doute inutilement — le choix de l’Académie. Peu d’écrivains refusent d’ailleurs une invitation à venir en Suède donner des conférences, frais payés… par leur propre pays.

Une fois le lauréat annoncé par le secrétaire permanent de l’Académie suédoise, les cris d’enthousiasme et de déception s’étalent dans les médias. Certains se plaignent – les Français souvent plus que d’autres – que l’Académie a manqué de jugement en négligeant tel écrivain national. D’autres protestent parce que celui ou celle – plus rarement – qui a été choisi n’est pas le meilleur écrivain du pays, c’est-à-dire que l’écrivain en question n’est pas le meilleur représentant de la littérature nationale.

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« Oh les beaux jours! » : une leçon de théâtre

— Par Roland Sabra —

 La salle Frantz Fanon accueillait le 23 mars deux personnalités d’exception pour un spectacle à la hauteur de cette réputation. Frederick Wiseman mettait en scène « Oh les beaux jours » de Samuel Beckett et donnait la réplique à Catherine Samie dans le rôle titre.

Frederick Wiseman est un documentariste majeur de notre époque. Né en 1930 ce juriste de formation enseigne d’abord à l’Université de Boston et très vite passionné par les enquêtes de terrain il va, caméra à l’épaule, « filmographier », ausculter en sociologue-cinéaste, la société étasunienne, des cours de justice aux quartiers de Harlem, en passant par un camp d’entraînement d’appelés pour le Vietnam, sans oublier,  la vie quotidienne de la police de Kensas City ni Le fonctionnement d’un grand magasin de luxe à Houston ni même Le logement social. Son coup d’éclat initial date de 1967 quand sort en salle Titicut Folies qui jette un regard d’une acuité terrible sur un hôpital pour aliénés criminels. En 1996 il réalise pour le Français « La Comédie-Française ou L’Amour joué ».

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 » Moi, chien créole  » ou vociférer n’est pas jouer

— Par Roland Sabra —

 On ne met pas en scène n’importe comment n’importe quel texte. Il doit exister un rapport de contiguïté, de connivence entre la lecture du texte et la façon de montrer ce que l’on a retenu de la lecture de ce texte. Par exemple il est difficile de faire du baroque avec un texte de Marguerite Duras. On peut le faire mais ce n’est en aucun cas une obligation. Il est des textes dans les Antilles symptomatiques de ce que Jacques André dans « L’inceste focal » repère comme une écriture emphatique liée à un investissement narcissique de la langue dominante, la langue du maître. . L’auteur caresse longtemps les mots avant d’en livrer l’éclat. Plaisir de l’envolée qui fait retour sur aile etc.

 Le texte, Moi, Chien créole, de Bernard Lagier en est un bon exemple (« Il clamait en français mon bon Monsieur Lacolas!! Quelle leçon pour moi qui rêve de pouvoir déclamer en français un jour peut être… ») avec quelques facilités inhérentes au genre. Le mutisme n’est pas simplement le mutisme c’est un mutisme mortel par exemple.

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Le tramway d’antan n’est plus!

— Par Roland Sabra —

En 1931, à l’Université de Columbia un jeune étudiant de tout juste vingt ans découvre dans l’œuvre théâtrale d’ August Strinberg un écho à ses propres obsessions de folie, tentation de l’alcoolisme, rejet des conventions sociales fascination pour un mysticisme visionnaire et ésotérique. Il sera écrivain lui aussi. Il décrira les passions d’un monde oppressant dans lequel les hommes, les femmes se désirent se déchirent, se haïssent parfois à leur insu dans des atmosphères élégantes et vulgaires entre raffinement et sauvagerie. Il dira en utilisant l’écriture comme sa meilleure thérapie la violence des sentiments balancés entre hétérosexualité et homosexualité. Sa fascination à l’égard de Stringberg auquel il empruntera les thèmes de la tyrannie mortifère du passé, le poids des tares familiales cachées, la duplicité de la morale familiale et celui de la nécessité de faire tomber les masques afin que surgisse dans un dévoilement tragique la vérité des êtres, ira jusqu’à l’ attribution, dans un de ses derniers textes du prénom le l’auteur suédois à son alter ego de fiction et dramaturgique. Mais bien avant cela il s’inspirera de Mademoiselle Julie pour camper le personnage de Blanche dans « Un tramway nommé désir ».

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« Moi, chien créole » : une tragédie d’aujourd’hui

— par Corinne Vasson

« N’est- ce pas monstrueux que ce comédien, ici, dans une pure fiction, dans le rêve d’une passion, puisse si bien soumettre son âme à sa propre pensée, que tout son visage s enflamme sous cette influence, qu’il a les larmes aux yeux, l’effarement dans les traits, la voix brisée, et toute sa personne en harmonie de formes avec son idée ? » (Hamlet, Shakespeare)

Sur le cercle de l’agora, il est là, le Chien créole, tout maigre, torturé par la révélation qui se presse pour sortir de son antre, pour déchirer sa carapace et ses entrailles. Depuis son accrochage involontaire à une dame-jeanne sauveresse, alors que tous les siens disparaissaient dans les eaux, il erre dans la vie et observe les hommes se débattre avec leur animalité en devenir d’Humanité. Cassandre des Caraïbes, le héros de Bernard Lagier, donne tour à tour parole à Titurpis, pauvre âme noyée dans le miel d’amour de Famedeline, et Lacolas, qui,, tentait en vain de se mettre à la Ré/ » (dans le droit chemin). Ces deux-là nourrissent sa passion, son chemin de croix sur la route des hommes.

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