M' A

Quand on aime (le théâtre), on a toujours 20 ans

 — Par Roland Sabra —

Un des bonheur de chroniqueur de théâtre est de faire une découverte. Un soir comme ça, vous prenez votre voiture pour affronter les embouteillages, les chauffards, la pluie, la route glissante et la nuit tombante. Une heure pour faire moins de 30 kilomètres, en conduisant vous pensez non pas à la mort de Ivan Illitch mais à Ivan Illich le sociologue écologiste qui avançait que si l’on additionnait au temps passé dans nos bagnoles le temps de travail nécessaire à leur achat et à leur entretien pour diviser la distance parcourue, la vitesse obtenue serait telle qu’on achèterait tous des vélos. Bref, vous êtes un peu morose en allant au Festival de théâtre amateur de Trinité. Vous avez beau être ravi de l’initiative, vous déplorez l’absence quasi totale de communication autour de l’évènement et pour clore le tout vous vous dites que vraiment la municipalité aurait pu investir un minimum dans l’amélioration de la salle et qu’il s’agit là de la part des édiles d’une opération « low coast« . Et comme il se doit, le spectacle commence avec une bonne demi-heure de retard sur l’horaire prévu.

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Daniely Francisque : « Je me considère depuis quelques années comme un metteur en scène « en chantier »

 Daniely Francisque, auteure, metteure en scène, comédienne, danseuse… :

Daniely Francisque, portrait (photo : Carlotta Forsberg)

 Engagée! Dans toutes les acceptions les plus nobles du terme. D’abord dans son métier dont elle explore systématiquement, avec méthode et détermination toutes les palettes, ensuite dans chaque le mode d’expression retenu, sur scène elle impose avec force une présence dont l’évidence n’est pas à questionner. Les arts de la scène sont pour elle les espaces d’une construction identitaire, artistique et culturelle, qu’elle s’approprie avec un professionnalisme, pas si courant en Martinique. Elle a voulu maîtriser les modalités de l’interview qu’elle nous  à accordé et qu’elle considère comme une des dimensions de son métier. Quand elle est interrogée sur son intérêt ou son désintérêt pour ce que tout un chacun connait comme les « auteurs du répertoire », à savoir les Tchékhov, Shakespeare, Brecht, Molière, etc. elle fait semblant de ne pas comprendre la question, quand celle-ci se précise elle cite des auteurs contemporains dont la plupart ont une aura limitée, il faut bien le constater, au champ culturel caribéen. Comme si la recherche identitaire qui la porte était confondue, absorbée par une recherche illusoire des racines ou la quête mythique des origines ( cf.

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Théâtre & Politique

 — Par Marius Gottin —

 

marius_gottinMesdames, Messieurs,

 José Exélis a le nez fin, ou creux. Peut être les deux, j’ai oublié la différence. Vous me direz: c’est son côté artiste, d’aucun diraient handicapé, vous savez lorsque certains, souffrant par ailleurs de manques, développent des facultés particulières qui font qu’ils ressentent les choses différemment et c’est ce ressenti particulier qui explique la vision du monde qu’ils nous restituent en tant qu’artiste.

Il y a de cela plus d’un mois, l’intéressé m’appelle et m’annonce qu’il a pensé à moi pour introduire un débat tournant autour du thème : Théâtre & politique…et me revient cette déclaration de l’ancien président du parlement international des écrivains, l’américain Russel Banks: « la fonction de l’écrivain est de faire en sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne puisse s’en dire innocent »

 Ah bon, cela veut dire qu’à un moment ou à un autre, il faut dire les choses, les nommer, les mettre sur la table ? Sur les questions qui agitent le théâtre (et notre société martiniquaise empêtrée dans des questions identitaires) cela fait déjà trois ans au moins que ces questions tarabustent l’auteur, le metteur en scène, le comédien José  Exélis; et qu’il nous invite, cette année encore, à y réfléchir, à la mise en relation, mise en perspective de deux mots recouvrant deux activités dissemblables mais rien n’est moins sûr, « théâtre et politique ».

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Delta, faut il rester sur un échec ?

 — Par Caroline Romney —

delta_airlines

Après 13 mois d’exploitation effective avec la Martinique et la Guadeloupe, Delta Airlines a effectué ses dernières liaisons à partir de son hub d’Atlanta vers les deux îles, samedi 05 avril2008 . Cet arrêt brutal n’est pas si surprenant ; il intervient après quelques signes annonciateurs de taille. Des coefficients de remplissage sur les dessertes Antilles françaises très médiocres. Un coût du baril du pétrole qui ne cesse de grimper (aujourd’hui, il dépasse les 110$). Un taux de change euro/dollar défavorable qui rend les Antilles françaises chères pour les américains. Et des produits touristiques sur nos îles qui ne correspondraient pas toujours aux attentes des touristes américains dans leur grande majorité.Le Pr Crusol a étudié cette chronique d’un arrêt annoncé dans un article, Delta airlines, les vraies raisons de l’échec (www.jeancrusol.com), raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas. Pour autant, faut-il se dire que l’immense marché nord-américain, de quelque 260 millions d’âmes, doit être abandonné au vu de la conjoncture actuelle et du bilan très mitigé de la desserte opérée par Delta Airlines ? Non, bien sûr.

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Glissant: l’identité-relation contre l’identité nationale

Après la disparition de Césaire et à un mois de la présidence française de l’Union, Rue89 a voulu rencontrer le poète pluriel Edouard Glissant, l’homme du « Tout-Monde ». Pour évoquer la littérature, la mondialité et la créolisation, mais aussi le ministère de l’Identité nationale, et surtout l’Europe-forteresse. Car le dernier ouvrage d’Edouard Glissant questionne en profondeur les fondements de l’identité du Vieux Continent et ses rapports avec le monde.

Pour s’extraire du frigide, du tout-financier et du trop-plein de rationnel, rien de mieux qu’un poète dont les livres forment une véritable assemblée d’archipels. De « Soleil de la conscience » (1956) au « Discours antillais » (1981), de « La Cohée du Lamentin » (2005) au « Quatrième Siècle » (1994), l’œuvre d’Edouard Glissant est une partition poétique unissant passé et présent, imaginaires pragmatiques et utopies. Et surtout, elle est la symbiose de la philosophie, du roman, de l’essai et de la poésie.

Glissant est quelque part un héritier de Césaire: sans la « négritude » du second, la « créolisation » du premier n’aurait pu exister.

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Le théâtre amateur en Martinique est bien vivace

 

De la nécessité d'organiser et de promouvoir le théâtre amateur en Martinique

Le théâtre amateur en Martinique est bien vivace. Michèle Césaire vient de proposer au Théâtre de Foyal les Premières rencontres du Théâtre Amateur, en mai 2008, suivie par la ville de Trinité qui propose elle aussi des rencontres pendant la première semaine de juin. Jandira Bauer de Jesus l’an dernier dans « Madame Marguerite, la jeune Daniely Francisque le 22 mai de cette année, avec Neg Pa Ka Mo, nous ont offert dans des registres très différents, des spectacles porteurs de promesses d’avenir.

La programmation du Théâtre Municipal de Foyal était assez restreinte . Trois pièces, dont une déjà programmée l’an dernier à titre privé. En premier lieu nous avons vu « Le dindon » de Feydeau, mis en scène par Claude Georges Grimonprez  qui dirige  la Compagnie théâtrale Courtes Lignes fondée en 1993  avec  Anne-Marie CLERC. La troupe nous avait gratifié l’an dernier de « Douze hommes en colères. » Il y a dans cette compagnie, un bonheur à jouer dont on ne peut douter, et qui éclate sur scène. C’est cette énergie qui fait oublier les imperfections, les maladresses, inhérentes à cette pratique.

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Projet d’écriture théâtrale (Esquisses)

 

— Par Jean Durosier DESRIVIERES —

Titre :

*Paroles en crue

Genre :

*Drame.

Durée :

*Théoriquement la représentation de cette pièce, encore au stade de projet, devrait osciller entre une heure (1h) et une heure et demie (1h30).

Résumé :

*On est à la Cité de l’Indépendance, un soir de forte averse provoquant un début d’inondation. Deux inconnus, Maton et Voltaire, se retrouvent par hasard sous un abri de fortune, le porche d’un magasin-bric-à-brac où ils se réfugient, en attendant une éventuelle accalmie pour pouvoir rentrer : le premier chez sa compagne Sonia et le second Chez son amante Eva. Alors que l’eau monte graduellement, Maton, enjoué et sans doute habitué à de pareilles situations, éprouve tout simplement, pour tuer le temps, le besoin de parler à son compagnon (Voltaire) de circonstance qui paraît être un Etranger à ses yeux, un coopérant, apparemment coincé et méprisant par-dessus tout. Mais l’eau se fait de plus en plus menaçante, quand soudain passe un cadavre. C’est alors que, sous le choc, la voix de Voltaire se fera entendre de façon plus drue, et l’on discernera également la fragilité du personnage et découvrira presque toute sa vérité.

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André Breton, L’éloge de la rencontre. Antilles, Amérique, Océanie.

 — Par Yves Bernabé—
Ce texte est la traduction écrite, donc nécessairement infidèle, de la présentation orale faite à la Bibliothèque Schoelcher de Fort-de-France le 25 mai 2008. Cette présentation du récent ouvrage de Dominique Berthet s’intéresse à la signification de sa structure et aux questions qu’il suggère et qui rendent compte de l’intérêt de sa lecture.

 I. Ce que dit la structure.

 Le titre de l’ouvrage de D. Berthet rappelle dans un premier temps l’ « âme errante » qui fait le cœur de Nadja, et l’on s’attend d’emblée à des développements sur cette thématique. De fait, en reliant très fortement la vie de Breton avec son œuvre, D. Berthet montre que la rencontre et le hasard sont pour le poète un art de vivre et que la vie et l’écriture ont partie liée. Ainsi, dès le premier chapitre, D. Berthet évoque et analyse cette disposition de Breton à la rencontre, cette disponibilité qui permet l’éclosion subite d’instants vrais, et l’éclosion de la Beauté convulsive, en laissant libre cours à l’inconscient. La trouvaille, la rencontre, dit D. Berthet, répondent au désir enfoui.

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Aimé Césaire et les  » vieilles colonies » : une politique ambiguë

par Thierry Michalon

L’œuvre politique du député Aimé Césaire restera pour la postérité marquée par le rôle-clé qui fut le sien dans la transformation, par la loi du 19 mars 1946, des « vieilles colonies » en départements. Rapporteur de la proposition de loi, il plaida avec vigueur pour que la République prenne acte de l’assimilation culturelle de ces populations à la Nation française, qu’il présentait comme réalisée, et leur étende désormais ses lois, non applicables aux colonies. Mais il ne tarda pas à découvrir et à déplorer les effets de l’application des lois sur la culture de ces peuples, et à regretter cette départementalisation – comme s’il avait pris conscience trop tard de l’impact socio-culturel du droit – au profit d’une vigoureuse revendication d’autonomie…qu’il mit en veilleuse au lendemain de la victoire de la gauche aux élections de 1981.

L’expansion coloniale française se fit, on le sait, en deux phases historiques distinctes, au XVIIème puis au XIXème siècle. Lorsque s’amorça la seconde de ces phases, seuls ne subsistaient sous souveraineté française – le Canada, l’immense Louisiane, la partie ouest de Saint-Domingue (qui produisait à la veille de la Révolution les trois-quarts du sucre du monde et faisait la fortune des ports français) notamment, ayant du être abandonnés – que quelques-uns des territoires ayant constitué le premier empire colonial : la Martinique, la Guadeloupe et ses dépendances, la Guyane, Saint-Pierre-et-Miquelon, la Réunion, Saint-Louis et Gorée au Sénégal, enfin les « comptoirs » de l’Inde.

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Sont-ils ce qu’ils disent être ou sont-ils ce qu’ils font?

— Par Roland Sabra —

Poster-TabouEdito du 20/05/2008

  Le film de Guy Deslauriers, sur un scénario de Patrick Chamoiseau, avec Stomy Bugsy dans le rôle du journaliste martiniquais assassiné rencontre des difficultés de financement. Le budget du film s’élève à 3 millions d’Euros, moitié moins que la moyenne des films français. Les Chti’s ont couté 11 millions d’Euros alors que le budget d’un film étasunien oscille  aux environs de 60 millions de dollars soit 40 millions d’Euros en moyenne, mais  « Titanic »  avait coûté à l’époque 135 Millions d’euros (200MD). Guy Deslauriers précise que le sujet du film, les faits qu’il relate, a privé les producteurs « Kreol Productions » de certains financements habituellement réservés aux films français et d’outremer. En d’autres termes, pour appeler un chat, un chat et une censure une censure, le film a été pénalisé parce que qu’il a eu l’heur de déplaire politiquement. Et le réalisateur d’ajouter « Qu’un certain nombre de partenaires ne sont pas allés au bout de leurs engagements et encore moins de leur promesses. » Ceux-là on voudrait bien les connaître, pour mieux les faire connaître!

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Des nègres et des juges « La scandaleuse affaire Spoutourne » (1831-1834), de Caroline Oudin-Bastide

« Des petits juges » ballotés au gré de l’Histoire

— par Roland Sabra —

un ouvrage de Caroline Oudin-Bastide.

Caroline Oudin-Bastide est historienne, spécialiste de l’histoire de l’esclavage aux Antilles françaises. Après avoir publié en 2005 «  Travail, capitalisme et société esclavagiste », elle nous livre aujourd’hui, en un peu moins de deux cents pages une étude sur l’affaire Spoutourne qui défraya la chronique martiniquaise entre 1831 et 1834. Elle montre combien les colons martiniquais, dont l’opportunisme politique les conduisit à se « faire anglais » ou français selon le moment afin de préserver au plus près de ses origines le système esclavagiste, ont été incapables de prévenir et d’anticiper sur les mouvements de fonds qui allaient conduire à l’effondrement de l’exploitation servile. Pour échapper à l’abolition le refuge dans le giron anglais n’aura fait que retarder, trop longtemps certes, l’inéluctable. L’abolition de la Traite avant celle de l’esclavage était annonciatrice de la fin. Les engagements de la France, vaincue à Waterloo, auprès des autres puissances européennes, l’ont contrainte dans un premier temps à tenter de reprendre en main la justice coloniale, jusqu’alors totalement sous la coupe des colons.

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«Le monde tel qu’il est» de Monchoachi

 Une invite au débat

—par Roland Sabra —


Le débat commence. Monchoachi publie ces jours- ci un petit opuscule  » Le monde tel qu’il est« , d’un cinquantaine de pages qui se veut une réponse à celui de Chaoiseau et Glissant «  Quand les murs tombent« . Ce dernier écrit dans l’urgence d’une situation politique que le nécessitait, la création ignominieuse, d’un « Ministère de l’Immigration et de l’Identité Nationale » présentait les avantages et les imperfections d’un long tract qui permettait d’organiser des débats. Ce qui avait été le cas, dans plusieurs endroits du monde et notamment en Martinique. On se souvient en effet que des élèves du lycée Schoelcher, des étudiants de l’IUFM, des syndicalistes s’étaient emparés du texte et en avaient débattu avec les auteurs. A partir de la dénonciation de ce qu’ils considéraient comme une infamie, Glissant et Chamoiseau portaient sur la place publique la question de la nature d’un futur état  pour la Martinique. Etat-Nation ou Etat-Relation?

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« Eloge de la servilité ». L’écrier, la nuit A tous les Quashie

 

L’écrier, la nuit


A tous les Quashie



Eloge de la servilité. Là où loge la servilité. Non pas son bwabwa pitoyable, l’ancêtre esclave dérespecté dans son maintien et sa retenue, mais la résidence coloniale, au cœur (au corps, an kò’y menm) de nos élites. Déloger la servilité. La tracer, la traquer, la détraquer, tout à trac. Kri ! Est-ce que la cour dort ? Car il était temps de la réveiller de ce cauchemar académique et liturgique qui creuse nos renoncements, et notre abandon au pillage plutôt qu’à la Parole.

 

Ce qui habite Monchoachi c’est le cri. Monchoachi n’écrit pas, il é-crie (yékri) il est cri. Le cri est souffle, il est mantra, il est Nom. Kriyé c’est nommer. Le cri est Création (criation). Il figure un lieu, possiblement habitable et partageable, que nul ne possède en propre (malgré que les lieux communs soient toujours des noms propres). Le cri vient de l’envers des choses, il vibre sa vérité, et d’un saut nous révèle (i ka fè nou soté !). Poétique de l’événement, co-naissance à ce qui vient dans la fatalité tragique, ignorant l’inconnu qui déborde de toute sa grandeur (sa ou pa konnèt gran pasé’w).

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Haïti, Guadeloupe, Dominique : nouvelles écritures théâtrales

 — par José Pliya* —

arlequin-2Le point commun entre les trois territoires à explorer sous l’angle des « nouvelles écritures théâtrales », c’est la Caraïbe. Cette partie du monde a, entre autres singularités, ces insularités multiples, ces langues en archipels : français, anglais, espagnol, créole… À ce titre, on peut dire que le deuxième point commun entre nos trois territoires est la langue créole qu’ils ont en partage. Cela est important, car, comme nous allons le voir, cette langue créole – dont la caractéristique est le mélange d’idiomes, le croisement de formes syntaxiques, la transversalité d’imaginaires linguistiques – reflète assez bien la réalité des scènes théâtrales de ces trois îles, et même de la Grande Caraïbe.

Haïti : entre ancrage local et aspiration à l’universel

Dans le foisonnement artistique perpétuel qui frappe le spectateur qui découvre cette île, le théâtre a toujours eu une place importante. Les années 1970-1980 sont dominées par la figure de grands metteurs en scène comme Syto Cavé et, surtout, le regretté Hervé Denis. Avec eux, le théâtre est une affaire de troupe, de famille et de grands textes du répertoire haïtien (Jacques Stephen Alexis) ou caribéen (Simone Schwarz-Bart, Aimé Césaire) qui sont créés et joués un peu partout dans le monde.

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Le Tour du Monde en 80 Jours

 — par Laurence Aurry —

tour_du_monde_80LE TOUR DU MONDE en 80 Jours, joué à guichets fermés les 6, 7 et 8 mars 2008 au Théâtre de Fort-de-France, nous a offert un vrai moment de détente.

Les auteurs, Sébastien Azzopardi et Sacha Danino, ne se sont pas contentés d’une simple adaptation de l’œuvre romanesque de Jules Verne, comme on a pu en voir au cinéma. Tout en gardant la trame narrative et les principaux personnages du récit de Verne, ils ont su faire preuve d’originalité et de créativité. Le charme du spectacle vient de ce constant décalage entre l’époque représentée, celle de Phileas Fogg, qui pense gagner son pari grâce aux nouveaux moyens de locomotion que l’ère industrielle a développés à la fin du XIXè siècle, et les nombreuses allusions à notre monde contemporain. Les multiples anachronismes qui jalonnent le texte offrent une réécriture amusée et amusante qui nous permet de voyager à travers notre propre époque ou plutôt à travers les représentations que nous nous faisons encore du monde. C’est un tour du monde des caricatures et des clichés, des images toutes faites dans lesquelles nous enfermons volontiers l’Autre.

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 » Le ruban de la fille du pape », de Patrice Louis

— Par Roland Sabra —

            Patrice Louis et les possibles de la non-rencontre.
A propos de son dernier livre  » Le ruban de la fille du pape  »

« Je ne dois rien à personne et personne ne me doit rien »

Il est en avance au rendez-vous. De noir vêtu, à la ville comme à la télévision, avec cette cravate à rayures jaunes dont il doit avoir moult exemplaires. Il est plongé dans la presse, qu’il vient d’acheter. On ne se départ pas d’une vieille maîtresse aussi facilement. Il est avenant, persuadé qu’il y a toujours à apprendre de l’autre et que la rencontre est une richesse. Dans un entretien il se comporte en vrai professionnel. Il connaît les ficelles du métier. L’interview, c’est son quotidien. Difficile de l’emmener là où il ne veut pas aller; il se dérobera prétextant la question ou le thème trop difficile pour lui. Il est venu parler de son dernier livre, de sa première fiction. Et si Breton à la recherche dans Fort-de-France en avril 1941, d’un ruban pour sa fille n’avait pas aperçu dans la vitrine de la mercerie que tenait la sœur de  René Ménil un exemplaire de la revue « Tropiques »?

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L’exploitation des esclaves noirs : un système économique intégré

— Par CATHERINE COQUERY-VIDROVITCH, Professeure émérite à l’Université Paris-Diderot Paris-VII —

Instaurant déjà une « mondialisation » de la force de travail, systématiquement utilisée dans la croissance du capitalisme, la traite transatlantique diffère des autres pratiques esclavagistes.

L’esclavage a existé depuis des temps très anciens. Il est attesté en Europe jusqu’à la fin du Moyen Age. Pendant longtemps, l’esclave n’a pas été défini par sa couleur. Chez les Grecs anciens, pouvait être mis en esclavage tout « barbare » non grec, synonyme de non civilisé. Les Romains eurent des esclaves grecs, mais plus souvent venus des confins de Germanie, de Thrace ou du Proche-Orient. La plupart des esclaves étaient blancs (esclave vient de la région de Slavonie). Au Ve siècle av. JC, Aristote, inspiré par Platon qui avait fait des barbares les ennemis naturels des Grecs, préférait les non-Grecs comme esclaves, « car que certains aient à gouverner et d’autres à être gouvernés n’est pas seulement nécessaire, mais juste -, de naissance, certains sont destinés à la sujétion, d’autres non ».

Chez les Arabo-Musulmans, tout païen, non musulman (équivalent du barbare des Grecs), pouvait être mis en esclavage: à noter que la solution inverse fut adoptée en Occident, puisque le Code noir édicté aux Antilles par Louis XIV (1685) stipule que tous les esclaves doivent être « baptisés et instruits dans la religion catholique ».

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Pour un Centre national à la mémoire des esclavages

— par Édouard Glissant  écrivain.—

Miguel Marajo. http://www.miguel-marajo.com


Au jour de la commémoration des abolitions de l’esclavage, le 10 mai, date proposée par le Comité pour la mémoire des esclavages et de leurs abolitions et ratifiée par l’ancien président Jacques Chirac, il manquera un élément essentiel à cette commémoration, le Centre national que le même Président avait décidé d’édifier à la mémoire des esclavages et dont il m’avait demandé d’assurer la conception. Une première réflexion, Mémoires des esclavages, portant sur l’esprit d’un tel Centre, sur son organisation, et sur les caractères du lieu qui l’accueillera a été remise à l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin qui en a préfacé l’édition par Gallimard et la Documentation française. Dans le temps que demanda la rédaction du texte, les services du Premier ministre et moi-même avons cherché en commun et pendant des mois un site, un immeuble, un emplacement qui eussent pu convenir à l’usage que nous envisagions, et rien n’a été trouvé, à ma grande stupéfaction.

Il avait été convenu avec ces services que nous continuerions les recherches, en nous appuyant sur les indications techniques exposées à la fin des Mémoires des esclavages, indications que je me proposais de reprendre, en les accompagnant de contributions que j’avais sollicitées de personnes ou d’organisations, antillaises le plus souvent, avec lesquelles j’avais pris contact.

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Édouard Glissant : « Agis dans ton lieu, pense avec le monde! »

 Pour le philosophe du Tout-Monde, une énorme question reste

 en suspens: « celle du repentir et de la repentance. » Il s’agit, dit-il,

 « d’éclairer un passé pour que nous entrions tous ensemble

 dans un monde nouveau ». Rencontre.

 

 

L’année 2006 a été marquée à la fois par un très vif débat sur la colonisation et par la première journée de reconnaissance et de commémoration de la traite et de l’esclavage. Pourquoi cette violente résurgence des questions mémorielles ?

 

Édouard Glissant : Les non-dits, en ce qui concerne l’esclavage, sont innombrables. D’abord de la part des descendants d’anciens esclaves, dont certains ne veulent pas entendre parler de ce passé. C’est un non-dit très grave, car il laisse en suspens quelque chose qui n’est pas résolu. Du côté des descendants des anciens esclavagistes, le non-dit est tout aussi présent. Il y a des maladies de la mémoire. Tant individuelles que collectives. Traiter la question de l’esclavage est une manière d’essayer de guérir ces maladies de la mémoire. D’un côté comme de l’autre. L’an dernier, nous nous sommes disputés sur cette question, mais en réalité nous ne l’avons pas traitée.

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« Monsieur Jourdain » : baroque et jubilatoire

  — Par Roland Sabra —

Didier Carette n’aime pas Molière. Il a du mal avec le théâtre du XVII ème siècle dont il trouve l’écriture trop « monologuante » et les personnages trop « monolithes ». Le contraire de ce qu’il aime dit-il. Le metteur en scène à des affinités avec Brecht, avec Shakespeare, pas beaucoup avec Jean-Baptiste Poquelin. C’est pour des raisons économiques, pour assurer des recettes, il faut bien vivre, qu’il se contraint à monter « Le Bourgeois gentilhomme » pièce du répertoire dont le grand public est friand. Comme Didier Carette est un homme de paradoxes que les défis stimulent il confie le rôle de M. Jourdain à Georges Gaillard qui lui détestait franchement cette pièce et « Le Medecin malgré lui » avec. Le résultat? Il est jubilatoire! Comme quoi l’art est avant tout affaire de labeur et d’intelligence.

Le travail de Didier Carette se situe dans la veine d’un théâtre baroque qu’il tire vers l’expressionnisme allemand à la Murnau pour inventer, à l’instar du cinéma de même nom, une sorte de théâtre noir, de théâtre d’horreur dans lequel il s’évertue à chercher dans les personnages les plus négatifs ce qu’il y a d’humanité profonde, enfouie.

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Un poète politique : Aimé Césaire

MAGAZINE LITTÉRAIRE n° 34. Mensuel. La littérature et la drogue. Novembre 1969. 59 p.



aime_cesaire-9_300Il est député de la Martinique depuis la Libération, il a été avec Senghor, reconnu comme le plus grand poète noir d’expression française. Comment s’accordent, en lui, la négritude, la poésie et la politique ?


Le Magasine Littéraire. — Quels ont été vos sentiments, quelle a été votre impression quand vous avez quitté la Martinique pour venir terminer, en tant que boursier, vos études à Paris ?

Aimé Césaire. — Je n’ai pas du tout quitté la Martinique avec regret, j’étais très content de partir. Incontestablement, c’était une joie de secouer la poussière de mes sandales sur cette île où j’avais l’impression d’étouffer. Je ne me plaisais pas dans cette société étroite, mesquine ; et, aller en France, c’était pour moi un acte de libération.

— Est-ce qu’alors vous vous sentiez colonisé ?

— C’était confus ; je ne savais pas grand chose de ça. Existentiellement, je me sentais mal à l’aise ; j’étouffais dans cette île, dans cette société qui ne m’apportait rien et dont, très tôt, j’ai mesuré le vide.

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Bien d’autres soufrières

— Par Alain Foix —

aime_cesaire-9_300Un homme, un homme seul, un athlète. Silence. Il avance. Une présence, une puissance. Il fait front. Seul. Il affronte ce silence qu’il impose. Il s’amasse et les planches sous ses pieds se rassemblent et la scène d’Odéon est un surf et la salle une vague qui se cambre, se retient et son souffle arrêté et le temps sous le verbe s’épaissit. C’est Césaire qui chevauche Jacques Martial. C’est Martial qui subjugue l’Odéon. Déferlantes de mots, cataractes du verbe, c’est un fleuve qui déborde de son lit. C’est un Nil dont Césaire est la source. Bords et débords, sacs et ressacs, flux et reflux, des mots lumières, des mots cheval au galop. Bombardements. Et c’est Toussaint Louverture, et c’est le roi Christophe, et c’est Nelson Mandela et Martin Luther King et ce vieux noir râblé, ratatiné sur son siège d’autocar et plié sous le fouet d’un mépris millénaire et toute la négraille qui se dresse, nuée. Nuée ardente aux bouches noires des soufrières, et au cœur des montagnes des oubliés du monde, la forge d’Héphaïstos sous les mots de Césaire martèle la « lance de nuit » d’une belle poésie.

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Comment raison garder?

  A PROPOS DES HOMMAGES A AIME CÉSAIRE :

 — par Georges MAUVOIS (junior) —

 aime_cesaire-9_300De nombreux hommages sont rendus à Aimé Césaire depuis l’annonce de son décès, le 16 avril 2008. Ces hommages nous paraissent légitimes. dans la mesure où ils manifestent toute la gratitude qu’éprouve notre peuple à l’égard d’un de ses fils les plus dévoués et les plus brillants. Car il s’agit de saluer le départ d’un fils. S’il est vrai qu’il fut un père aux yeux de nombreux compatriotes, il fut d’abord un fils, héritier d’une longue résistance dont les prémisses doivent être recherchés bien en amont de sa propre existence, à commencer par les cales puantes où se constituèrent les premiers éléments de notre devenir collectif.

 

. A Fort-de-France notamment, des propositions multiples sont en train d’apparaître. Elles vont de l’érection de monuments multiples aux plus invraisemblables projets (sur ce dernier point, on relira les dernières parutions de France-Antilles, où sont parfois mentionnés des projets pharaoniques contre lesquels Césaire eût été le premier à s’insurger) Toutes ces propositions prétendent honorer et célébrer la mémoire du défunt.

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Comité de soutien au film « ALIKER »

du réalisateur Guy des LAURIERS

L’objectif du comité qui s’est constitué le 30 avril 2008 est de :

  • Soutenir financièrement la production de ce film. En effet, suite à des problèmes techniques et à la détérioration de la pellicule ayant entraîné un sinistre important pour le film, les fonds récoltés majoritairement auprès des collectivités locales de Martinique, Guadeloupe, Guyane et de quelques entreprises privées s’avèrent insuffisants.

  • 85.000 €uros sont nécessaires pour achever la production et envisager une sortie sur les écrans pour la fin de cette année 2008.

  • L’importance de ce film du point de vue historique est incontestable et nous ne pouvons laisser mourir une telle initiative !

  • Au-delà de l’aide financière, le comité et tous ceux qui le soutiennent veulent contribuer par leur action à faire connaître des faits historiques qui ont marqué et marquent encore la société martiniquaise.

comité de soutien au film « ALIKER »

du réalisateur Guy des LAURIERS

André Aliker est mort le 12 janvier 1934 assassiné par les puissances d’argent de ce pays, parce qu’il avait osé l’impensable :

affronter le riche béké AUBERY, propriétaire de l’usine du Lareinty.

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« Cahier d’un retour mal assuré au pays des bonnes intentions» « Mann ist, was mann isst »

— Par Roland Sabra —

Yé Mystikwi! et Mangeons!

Photo Philippe

Yé Mystikwi ! Deux spectacles pour clore la biennale de danse contemporaine. Tout d’abord une chorégraphie de Lucien Peter inspirée du « Cahier d’un retour au pays natal » dont on retiendra la belle mise en lumière de José Cloquel et la difficulté à passer des bonnes intentions à la réalisation. Dès la lecture du prologue(1) par le psychanalyste Guillaume Suréna, les danseurs apparaissent sur scène un peu, et dans la salle, beaucoup, en se déplaçant comme des automates, de façon mécanique mi zombies mi-âmes errantes à la recherche d’un havre sur le fond de la scène une sorte de lune bleue tordue qui servira d’écran aux projections multimédia, à dire vrai beaucoup d’écrans de veille repiqués d’un Winamp quelconque. Sur la scène se dessine un espace qui semble figurer l’île yougoslave dont le nom et la vue vont déclencher l’écriture du cahier. En fond musical plus qu’en accompagnement la voix de Césaire se fait entendre dans un environnement sonore confus : sur la voix du poète la gestuelle de la danseuse se construit en opposition aux gestes des automates.

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