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« Où va la lune ? » « Mingus, moins qu’un chien »

— Par Roland Sabra —

Cette année2005-2006 s’annonce donc décidément sous le signe de la reprise, puisque « Mingus ou moins qu’un chien » de Neil King, déjà présentée au Lamentin il ya deux ou trois ans, succédait à la pièce de William Gibson, « Miracle en Alabama« . En deux mots on regrettera l’absence de mise en scène et l’absence de direction d’acteur à moins qu’il ne s’agisse dans ce cas d’une impossibilité liée au comédien lui-même. Dommage, vraiment dommage! Le CMAC ne va pas mieux quand on songe à l’affligeant spectacle que nous a vendu La Cie Zadith Ballet Théâtre : «  Où va la lune? » Où va Jean-Claude Zadith? Nulle part, il semble figé, immobilisé empêtré dans le début des années 70 du siècle dernier, privé de toute capacité créatrice, incapable de susciter la moindre émotion. Un spectacle ennuyeux au possible, d’une immense platitude, à peine sauvé par « La Métamorphose » des cubains de la Cie Narcisco Medina.

 

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Philippe ADRIEN : un metteur en scène mercenaire et … amnésique !

— Par Roland Sabra —

dehors  Philippe ADRIEN dirige le Théâtre de la Tempête à la Cartoucherie à Paris. On connaît les conditions honteuses dans lesquelles il a signé la mise en scène de « Phèdre » à l’ATRIUM (voir Le Naïf n° 125), spectacle financé par le Conseil Régional à hauteur de 100 000 Euros. Nous avions dénoncé une opération coloniale méprisante pour les peuples de la Caraïbes. En effet Philippe ADRIEN avait délégué deux de ses adjoints pour mettre en scène son ancienne élève Aurélie DALMAT, celle-ci lui ayant passé commande de ce spectacle financé donc avec des fonds publics. Il s’était contenté d’arriver deux semaines avant la première pour les « derniers réglages ». « Un spectacle bon pour les antillais, pas pour les parisiens » avions nous titré, en affirmant que jamais ce metteur -en-scène de renom, n’accepterait d’endosser devant les siens, parisiens donc, la paternité d’un aussi mauvais travail. Nous serion-nous trompés? Hélas mille fois hélas!

Depuis le 13 septembre et jusqu’au 23 Octobre 2005 il met en scène un autre Racine,  » Andromaque  » présenté dans la presse parisienne ( Télérama, Les Echos) et sur son site du Théâtre de la Tempête dans la rubrique actualité( http://www.la-tempete.fr/

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« Roméo et Juliette » se donne à voir, moins à entendre? Une ouverture de saison théâtrale plutôt réussie

— Par Roland Sabra —

Avant toute chose il faut rendre grâce à Ludwin Lopez, homme de talent et scénographe attitré de Yoshvani Medina. Il a dessiné pour « Roméo et Juliette » un bel espace dans une succession de tableaux réussis. Nicole Vilo à la réalisation des costumes et des accessoires, Sylviane Alphonse la modéliste, Denise Atouillant la couturière participent à la mise en valeur du travail de Ludwin Lopez. Le spectacle, grâce à lui est un plaisir pour les yeux, encore que l’usage abusif de films de PVC n’ajoute pas forcément à la beauté…. justement plastique du plateau. Mais il est bien épaulé par les très belles lumières de José Cloquell. A la contrebasse Carlos Pinto, chargé de la direction musicale s’efforce avec succès d’être en harmonie, c’est le moins qu’on puisse attendre, avec les propos de la scène. Par contrecoup les chansonnettes poussées par Yoshvani Medina, passent plus difficilement la rampe. D’ailleurs la jauge de la salle, la profondeur de la scène supporteraient l’utilisation de micro VHF par les protagonistes. Mais si l’on ajoute que la transposition à Saint-Pierre loin de mutiler la pièce de Shakespeare est tout à fait crédible et en souligne avec bonheur l’intemporalité on peut se demander d’où vient ce sentiment mitigé à la sortie de la salle?

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« Combat de femmes » de Luc Saint Eloy : en finir avec la complaisance aliénante dans le domaine culturel

 — Par Roland Sabra —

combat de femmes

Les techniques de Võ pour les femmes, un art qui consiste en l’apprentissage des formes de combat traditionnelles auprès de maîtres d’arts martiaux

« Incest ? The game all family can play! » disent avec l’humour qui les caractérise nos amis anglais. Luc Saint-Eloy, parisien d’origine guadeloupéenne aborde le sujet sous un autre angle dans « Combat de Femmes » une pièce qu’il a écrite mise en scène et présentée dans une première version aux foyolais le 08 juillet 2005 dans le cadre du 34 ème Festival de Fort-de-France « Imaginaires Insulaires ». Le texte écrit il y dix ans de cela est resté lettre morte pendant tout ce temps, sans que personne n’accepte d’en financer le montage et il aura fallu la nécessité de trouver quelque chose à montrer dans l’urgence de la préparation du festival pour qu’il soit présenté. Le thème est un peu sulfureux . Deux jeunes femmes entretiennent une liaison amoureuse, ce qui est ici et ailleurs déjà hors norme, mais facteur aggravant elles découvrent qu’elles sont soeurs par leur mère, l’une ayant été abandonnée, peut-être vendue, malgré quelques dénégations, à sa naissance à une famille d’adoption.

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« Roméo et Juliette » de Yoshvani Medina : peut-on aimer son ennemi?

— Par Roland Sabra —

Cette question Yoshvani Medina et la troupe du « Théâtre Si » en résidence à l’Atrium la posent dans une transcription caribéenne de Roméo et Juliette le 17 septembre 2005 en ouverture de la saison théâtrale 2005-2006. Son oeuvre théâtrale, plutôt baroque, marquée du sceau de la passion semble s’articuler autour d’un questionnement celui de la confrontation à l’impossible. Comment aimer ce que l’on éprouve comme une menace, comme un ennemi? Qu’il s’agisse de son ennemi intérieur comme sa part d’homosexualité dans « Suicida Me » ? De son ennemi conjugal que l’on a épousé et qui nous trahit dans « Circuit fermé » ? De son ennemi familier, familial, le père, la mère, qui nous a engendré et qui nous a violé dans « Merde! » aux dernières rencontres guadeloupéennes de « Textes et Paroles ». Avec Roméo et Juliette il s’attaque à cet interdit social, ce tabou constitutif de nos sociétés qu’est l’amour de l’ennemi.

Il nous a accordé une entrevue dont voici la première partie, la seconde sera publiée dans le prochain numéro du Naïf*

Le Naïf : Comment peut-on aimer son ennemi?

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IAGO » de José Exélis, un pari risqué, osé et en grande partie gagné

—Par Roland Sabra —

 Iago, adaptation et mise en scène de José Exelis

Gilbert Laumord : Othello, Iago, Cassio etc.

On ne le répétera jamais assez, la première question, celle qui conditionne toutes les autres que tout metteur en scène devrait se poser avant de monter un texte est celle-ci : «  Quelle urgence y a-t-il, ici et maintenant, à le faire ? » José Exelis y répond pleinement en présentant son « IAGO » d’après Othello de Shakespeare. Gilbert Laumord, en scène monologue le texte, il est est tour à tour Iago, Othello, Cassio Desdémones etc. Il y a là une prise de risque osée.

Le début est un peu confus, brouillon, tant il est difficile de suivre le texte dans la multitude de personnages convoquée devant le spectateur. Ce parti pris contraint son comédien à un jeu outré, caricatural, à la limite du grand guignol qui n’est pas son registre de prédilection. Ce n’est que quand il a devant lui un peu d’espace pour habiter son texte que G. Laumord capte l’attention et déploie son talent. Comédien à la présence puissante, massive et dense il excelle dans les mouvements lents beaucoup moins dans la précipitation.

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Julie BESSARD du 25 mai au 21 juin 2005

 

 

Mémoires- Installation 2004 paille et agrafes 6m X 4m

L’œuvre, le lieu, le public

Les Ombres Portées de Julie Bessard, entre dessin et sculpture, bousculent les catégories artistiques. Reflets de son monde intérieur, projections de son imaginaire secret, traces d’une absence, ces silhouettes abandonnées, masques, ailes, mandibules, corsets, cocons, chrysalides, insectes sont repeuplées par les phantasmes lovés dans les coulisses de l’inconscient.

Ces formes-signes sont de véritables dessins dans l’espace. Elles s’inscrivent dans le prolongement des contestations de la sculpture moderne apparues dans les années vingt et trente. Œuvres – processus plus qu’objets terminés, elles flottent, autonomes, en suspens et questionnent la notion de l’installation, de la relation de l’œuvre avec le lieu d’exposition et du partage d’un espace sensible avec le public. Cependant le génie du lieu n’est pas, comme pour la plupart des artistes qui pratiquent l’in-situ, la source inspiratrice de l’œuvre. Au contraire, l’architecture de l’œuvre s’impose au lieu, le crée en quelque sorte. Une multitude d’éléments fins installés rythmiquement ponctuent l’espace. Le matériau, de la paille de modiste, renforce la remise en question de ce que l’on considère traditionnellement comme l’objet sculptural.

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Dimanche avec un Dorlis

— Par Alvina Ruprecht —

dorlisUne production de la compagnie du Tout-monde
Texte : Patrick Chamoiseau
Mise en scène: Greg Germain
Scénographie et costumes: Erik Plaza-Cochet
Paysage sonore: François Leymarie
Eclairagee: Valérie Pétris

Distribution:
Gunther Germain Dorlis
Amel Aidoudi la femme

Créée à la Chapelle du verbe incarné en 2004 , la pièce de Chamoiseau est reprise cette année en Avignon avec la même distribution. Décidément , Greg Germain a une prédilection pour la psychanalyse, surtout depuis sa mise en scène de la Damnation de Freud ou les ethnopsychanalystes ont voulu montrer l’efficacité de certains rituels africains qui ont précédé de loin la psychanalyse européenne.

Pour sa part, Patrick Chamoiseau semble reprendre une thématique, déjà exploitée par Ernst Pépin (L’Homme au bâton) ou un personnage mystérieux pénètre chez les femmes la nuit pour les violer avec son bâton. Un cas d’ hystérie collective? la projection de femmes frustrées? La manifestation d’un esprit de nuit? Les rumeurs courent et l’imaginaire populaire s’enflamme. Il suffit de dire que dans le panthéon des créatures « magiques » issues de la tradition afro-caribéenne, les Soucougnans et les Dorlis, occupent une place privilégiés mais sur le plateau de la Chapelle du verbe incarné; cet esprit de nuit perd un peu son rayonnement.

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Un tombereau d’injures en guise d’argumentation!

 — Par Roland Sabra —

injures«Fouille-merde, impotent, triste sire, crapule moralisatrice, prétendu journaliste d’investigation, ignorant etc. ». Se faire épingler par deux critiques différents, en quelques mois, comme « mercenaire » et ce sans aucune consultation, contrairement au procès d’intention dont il semble friand, conduit Ph. Adrien à vomir un flot d’insultes à l’endroit de Roland Sabra qui, force est d’en convenir, ne s’est jamais situé dans ce fossé fangeux et qui le laisse volontiers comme lieu d’aisance au metteur en scène parisien.

Les faits, simplement les faits et ils sont têtus comme disait Lénine.


L’Andromaque « parisienne » dont parle Ph.Adrien « présentée dans une première version » en décembre dernier (citation) était donc un travail d’atelier d’un an jugé insuffisamment abouti pour qu’il soit repris, retravaillé et présenté 10 mois plus tard dans une forme enfin acceptable pour le public parisien. C’est ce que « Le Naïf » a écrit. La gestation de la mise en scène a donc duré au moins deux ans.


La Phèdre présentée à Fort-de-France a suscité un travail préparatoire de 5 semaines de F.

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Méfiance

 — Par Philippe Adrien, metteur en scène de Phèdre —

philippe_adrienMes amis martiniquais ont souhaité que je réponde aux attaques, aussi piètres que mensongères, du dénommé Sabra Nous vivons en effet dans un temps où n’importe quel individu, sans visage ni mandat, peut se permettre d’inonder la toile de ses invectives, en toute impunité.

Roland Sabra me traite de « mercenaire », reprenant ainsi le terme utilisé naguère par un critique parisien rendu jaloux par mon incursion dans le théâtre privé, pour « Doux oiseau de jeunesse » de Tenessee Williams. C’était en février dernier

On voit bien comment s’y prend notre prétendu « -journaliste d’investigation ». S’avisant un beau matin qu’un certain Philippe Adrien, metteur en scène métropolitain dont il n’a pas la moindre idée., mais qui pourtant semble avoir quelque réputation, menace de débarquer à Fort-de-France, il se précipite sur Internet et y trouve évidemment toutes les informations possibles sur un par-cours professionnel de plus de Trente ans.. Que- retient-il ? Un seul mot « mercenaire » dont il lui semble – « Le Naïf » – qu’il est susceptible, sous sa plume vengeresse, de discréditer l’homme et l’artiste.

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Des militants de la cause théâtrale

— Par Roland Sabra —

Les rencontres théâtrales académiques ont eu lieu salle Frantz Fanon au CMAC les 02, 03 et 04 mai 2005.

Les élèves qui suivent dans leurs établissements des ateliers ou des options « théâtre », encadrés par des professeurs et des spécialistes qui les épaulent viennent confronter leurs travaux pendant quelques jours. L’ouverture de ces journées a débuté par une représentation de la Phèdre « signée » par Philippe Adrien. On pouvait mieux commencer. .. A remarquer cependant Mike Fédée dans le rôle d’Hippolyte. Encore lycéen, il était présent l’après-midi même dans différentes prestations dont un bon travail extrait de « Dames des noyés » de Nelson Rodrigués: belle occupation sensuelle de l’espace, trouvailles de jeux par les élèves, fous rires mal dissimulés, plaisir de jouer et public acquis par avance, étaient au rendez-vous. Un théâtre en-vie.

Ce n’est pas toujours le cas. Les prestations sont inégales tant du côté des apprentis comédiens que du côté de ceux, celles qui les encadrent. Les cultures théâtrales sont diverses, les investissements personnels de même. Cela va du théâtre de patronage, (« Les joyeuses commères de Winsor » où on voit clairement que les mamans ont été largement mises à contribution pour confectionner de beaux costumes, de belles robes, (et c’est là l’unique intérêt de la chose) à un vrai travail de réflexion sur ce qu’est un texte, sur la façon de le lire, de le dire, de le jouer(« Les femmes savantes »).

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« Phèdre » de Philippe Adrien : un metteur en scène mercenaire, un spectacle bon pour les antillais, pas pour les parisiens.

— Par Roland Sabra —

dalmat_phedreLe ciel est vide et les dieux sont morts de n’avoir jamais existé ou de s’être mêles d’un peu trop près à la vie des hommes. L’existence des hommes, ces êtres pour la mort, en est irrémédiablement perdue. Descendantes des dieux les lignées sont maudites. C’est sans doute là le ressort du tragique dans la Phèdre de Racine. Les personnages sont traversés par la démesure, la fatalité et la culpabilité dans une construction racinienne méthodique.

La démesure en fait les sujets d’un ordre qui les dépasse. Phèdre aime, malgré elle, d’un amour incestueux Hippolyte ce beau fils (!) de Thèsée son époux. L’absence du Père, voire sa mort annoncée, provoque l’aveu de cet amour au beau-fils épouvanté par la nudité violente de ce désir féminin. Mais le Père mort bouge encore. Il revient. Il revient pour juger, pour condamner l’inceste, anéantir le fils. Phèdre est fille de Pasiphaé dont les amoures monstrueuses avec un taureau donnèrent naissance au Minotaure. Thésée, élevé par sa mère et son grand-père dans l’ignorance de sa filiation paternelle, massacre ses cousins, débarrasse Athènes du Minotaure et se fait reconnaître par ses mérites, fils d’Egée.

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Tempêtes et naufrages en Martinique

—Par Roland Sabra —

Il est des signifiants dont les effets sont quelques fois dévastateurs. Ainsi « tempête » est d’un maniement risqué. Jean-Paul Césaire et Aurélie Dalmat en ont fait la démonstration à divers degrés cette année. On se souvient du travail du premier, présenté en début de saison à l’Atrium, à partir de la pièce d’Aimé Césaire « Une tempête ». On s’en souvient car rarement un travail avait été aussi mauvais. Tout d’abord, il y avait cette tentative affligeante de « moderniser » le texte en remplaçant le vecteur du naufrage, le navire, par un avion. On reste confondu par une telle avancée qui permet de remplacer les chevaux et autres carrosses des pièces de Shakespeare et Molière par « Twingo » Megane, et autres C4. Comment les professeurs de lettres françaises et anglaises n’y ont-ils pas pensé plus tôt? Voilà le moyen radical pour inciter les jeunes à découvrir les classiques. Ensuite il y avait, autre modernité, ces écrans de veille d’ordinateurs utilisés comme décor, mais aussi cette absence de sens du plateau, ce jeu statique des comédiens embarqués dans cette galère, et puis surtout une lecture qui décentrait le texte en faveur de Caliban.

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« Brodeuses » : un film de chair et de fil

—Par Roland Sabra —

Français (1h28). Réalisation : Eléonore Faucher. Scénario : E. Faucher et Gaëlle Macé. Avec : Lola Naymark (Claire), Ariane Ascaride (Mme Mélikian), Marie Félix (Lucile), Thomas Laroppe (Guillaume), Arthur Quehen (Thomas), Jackie Berroyer (M. Lescuyer). Grand Prix de la Semaine de la Critique Cannes 2004, Prix Michel d’Orano 2004

Si un Homme sur deux est une femme, elles sont donc comme l’écrit joliment Mao « la moitié du ciel ». Et quand elles font leur cinéma c’est à nous tous quelles dédient leur travail c’est du moins le cas de ce beau film, tellurique chargé de chair et de fil, de fruit et de sang dont une jeune femme nous fait cadeau : Brodeuses,. Faucher Eléonore l’auteure dont les décompositions signifiantes du nom sont à elles seules une exploration sans fin nous conte une histoire toute simple et infiniment complexe celle de l’enchevêtrement de deux vies . Celle de Claire, dix-sept ans qui se découvre enceinte, un peu par hasard, au-delà des délais d’une hypothétique IVG et celle de Mme Mélikian 50 ans qui vient de perdre son fils « adulescent » dans un accident de moto.

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BIGUINE, à la fois documentaire et fiction

— par Christian Antourel —

 biguineComme chaque fois où un tubercule est recherché, cultivé, fouillé et finalement débusqué, réalisé, la satisfaction ressentie alors peut-être à son comble mais l’effort fut-il de toute beauté, il n’en demeure pas moins sûr qu’un tubercule reste une racine et n’est jamais un arbre.

La difficulté de faire, ne fait pas l’Art ; loin s’en faut. Disons au contraire, qu’elle souligne et stigmatise un handicap génétique ; que le rythme diabolisé de la biguine ne parvient pas à masquer.

Biguine, est ici documentaire et fiction à la fois.Le rêve est celui des auteurs, tout englués dans un cinéma sucre d’orge « Filibo », « Lotchyo » mais aussi « Bwa dan tchiou ».

La réalité reste un non-dit trop évident, contrarié. Une impossibilité d’être, avouée et révélée en 90 minutes d’un film innocent prit en otage.

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Contre le salaire au mérite dans l’enseignement.

— Par Jean-Yves Mas —

evaluation_merite« Je sais que je suis minoritaire et je ne crois pas être un crétin obscurantiste, mais je pense (et c’est difficile de l’entendre et de le dire pour un enseignant) qu’il faut participer de la résistance à l’évaluation de ce qui n’est pas évaluable (…) L’évaluation individualisée des performances est une ineptie, mais on préfère s’en tenir à des méthodes objectives qui ne fonctionne nullement comme une reconnaissance mais comme une menace »

Christophe Dejours.

Dans le discours actuellement dominant sur l’éducation, il existe une proposition récurrente selon laquelle l’évaluation des établissements scolaires et de leurs agents permettrait d’améliorer l’efficacité de l’ensemble du système éducatif. En effet pour F.Dubet et M. Duru-Bellat il faudrait «  passer d’un système de gestion par les normes …à un système prenant au sérieux les capacités d’inventivité des établissements  en se polarisant sur les effets de leurs pratiques , bref à une gestion par les résultats » 1.Ce qui implique donc d’évaluer les établissements, mais aussi leurs agents, car même si cette dernière mesure n’est pas suggérée telle quelle, elle semble tout de même implicite lorsque les auteurs estiment que «  les établissement devraient être audités régulièrement par des équipes formées d’inspecteurs, de professionnels, de chercheurs et d’usagers (élus, parents).

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« Assaut à la nuit » de Roussan Camille

— Par Jean-Durosier DESRIVIERES

camille_roussanTopographie inventée, dans l’attente du jour

Une lecture d’Assaut à la nuit1 de Roussan Camille2

Il est des poèmes et des poètes qui vous obligent à vous attarder dans leur univers, à y prendre pied, en dépit de tout. Indigénisme, négritude, négrisme, « noirisme »… tout cela peut vous irriter. Rien que des théories, des concepts, des idées à générer crainte et méfiance perpétuelles chez certains lecteurs. Mais le chant poétique – hors tout champ catégorique, carcéral, hormis son propre champ, ouvert, en marge des œillères – stipule toujours un possible émerveillement. Serait-il ainsi de celui de Camille ?

J’ai passé des nuits quasi inassouvies avec Camille. Entre nous, un poème, un complice, une jeune femme : « Nedje ». Je l’ai traînée avec moi, en maints lieux clairs-obscurs : café, cabaret, piano-bar, hôtel, et que sais-je encore. Elle épouse toutes les inflexions de ma voix, tous les caprices de mes lèvres, mon souffle, au gré du rythme, de la mélodie, du poids de ses propres mots et de l’élan du cœur brûlant les planches.

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Des sévices dans les services

— Par Christophe Dejours* —
sevices_servicesLa volonté collective de coopération est indispensable pour atteindre la qualité. Mais elle est aussi le moyen indépassable de régulation des souffrances individuelles et de contrôle des dérives.

D es catastrophes industrielles et commerciales ont endeuillé l’été : le crash du Concorde à Roissy, le naufrage du Koursk en mer de Barents, le rappel de 6,5 millions de pneus Firestone qui auraient déjà provoqué 62 morts. Mais, dans l’ombre, il y a d’autres tragédies moins spectaculaires, comme la fermeture de la clinique de la Martinière et le récit de Christine Noël dont la grand-mère, hospitalisée à Marseille, est décédée dans des conditions lamentables.
La petite-fille retrouve sa grand-mère  » couverte de cloques et de brûlures. Une aide- soignante l’avait contrainte à prendre une douche sous l’eau brûlante « , et avait  » sans se soucier de ses cris, poursuivi sa besogne jusqu’à brûler la majeure partie du corps « . Et de préciser  » que cette aide-soignante du service de neurogériatrie inflige quotidiennement des brûlures aux malades qu’elle a en charge de doucher. Ma grand-mère a été une de ses victimes « .

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Richesse des nations et promesse de bonheur

— Par Christophe Dejours —
travail_&_mafiaLe « caïdat » et les organisations mafieuses commencent à coloniser les zones exclues de la prospérité.
Avec le retour de la croissance, on attendait que la société don-ne des signes de réjouissance. En fait les réactions sont discordantes et prêtent aux malentendus. Pour peu qu’on soit trop loin des lieux du drame où se fomentent les manifestations de protestation, on en vient vite – trop vite – à condamner ceux qu’on prend pour des geignards. Un exemple ? Celui de cette grande entreprise où ont été embauchés, en deux ans, 2 000 jeunes possédant des diplômes commerciaux. Confrontés à un flux ininterrompu de clients, ils se plaignent d’une surcharge et d’une dégradation insupportable des relations de travail. Et pourtant, ils bénéficient d’un statut et de revenus confortables, doublés d’un temps de travail record ne dépassant pas 30 heures par semaine ! Des mouvements de grève se préparent.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire de l’extérieur, ce ne sont pas des caprices d’enfants gâtés. L’investigation clinique révèle une souffrance indiscutable, confirmée par des décompensations psychopathologiques en nombre.

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Réévaluer l’évaluation

— Par Christophe Dejours*–

evaluationsAucune production, aucune entreprise, aucune organisation, aucune armée ne serait opérationnelle si les travailleurs exécutaient les ordres. Travailler suppose toujours des infractions aux règlements, aux procédures, aux prescriptions.
Réévaluer l’évaluation On évalue un patrimoine, le débit d’un fleuve ou la population d’un territoire : l’évaluation est devenue le signe extérieur de dignité de la démarche scientifique. Par mimétisme ou par vanité on évalue ce qui n’est pas objectif : des intentions (comme les intentions de vote), le stress, voire la dépression, on évalue même l’intelligence ! N’y a-t-il donc pas de limite à l’évaluation ?
Le domaine du travail est lui aussi concerné. Or toute situation de travail se caractérise par l’écart irréductible entre conception, organisation, procédures et prescriptions, d’un côté ; modes opératoires, coups de main, ficelles, « tacit skills » (habiletés tacites), de l’autre. Quelles que soient la nature de la production (de biens ou de servi- ces) et la méthode d’organisation du travail, y compris dans les chaînes de montage lorsque les cycles de travail sont inférieurs à 60 secondes, les travailleurs ne respectent pas les prescriptions.

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A propos d’un propos pseudo-philosophique

 —Par Raphaël Confiant, Ecrivain et créoliste —

 creolesDepuis que la controverse autour du projet « Humanités créoles » mis en œuvre par Bernard Alaric et quelques-uns de ses collègues inspecteurs de l’Education Nationale, projet contesté par le Ministère et qualifié de « communautariste », a pris de l’ampleur (débats télévisés, articles de presse etc…), on voit fleurir ici et là des contributions pour le moins curieuses. La plus hilarante est celle d’un collègue de B. Alaric qui se fend d’un long texte ressemblant à la dissertation d’un élève besogneux, bourrée de citations ou de références à des auteurs/des ouvrages prestigieux. Ce texte est pompeusement intitulé « A propos des humanités créoles et d’un problème plus général » et l’auteur, d’entrée de jeu, se pose « en tant que philosophe ». Il signe d’ailleurs son propos : « docteur en philosophie ». S’agit-il d’une naïveté ou d’un désir d’en imposer au vulgum peccus ? Les deux sans doute car chacun sait qu’il y a un monde entre un « philosophe » et un « professeur ou docteur en philosophie ». De même qu’il y a un monde entre un docteur en littérature et un écrivain, entre un professeur de mathématiques et un mathématicien.

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A propos des humanités créoles et d’un problème plus général

Par Pierre Zabulon

Docteur en philosophie 

creolesLes idées générales ne sont ni vraies ni fausses,

ni justes, ni injustes,

mais creuses. 

Paul Veyne

   L’examen du texte intitulé « Les humanités créoles – Séminaire des corps d’inspection de la Martinique », publié dans un numéro récent de l’hebdomadaire Antilla, appelle de ma part, en tant que philosophe, les observations ci-après qui, je l’espère, permettront d’en appréhender avec davantage d’exactitude la portée, surestimée, me semble-t-il, par ses concepteurs, qui n’ont pas hésité, pour en signifier la grandeur, à employer l’attribut « historique » ; ce qui, soit dit en passant, ne me semble pas refléter une très grande modestie.

 

Ce texte repose en effet sur plusieurs postulats ou affirmations indémontrables dont la légitimité apparaît fortement contestable – ce qui, de mon point de vue, en vicie irrémédiablement le fond .

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Etre et Avoir, un film de Nicolas Philibert

De Nicolas Philibert
Avec Axel

Synopsis :
Un peu partout en France, il existe encore ce qu’on appelle des classes uniques. Ces classes regroupent autour d’un seul maître d’école ou d’une institutrice, tous les enfants d’un même village, de la maternelle au CM2. Entre repli sur soi et ouverture au monde, ces petites troupes hétéroclites partagent la vie de tous les jours, pour le meilleur et pour le pire.. .

La presse en parle :
Chronic’art.com par Jean-Philippe Tessé
La plénitude du film naît de son hors champ : Etre et avoir y embrasse rien moins que le monde entier et le cycle du temps. Le monde qui attend les petits apprentis, le temps qui s’écoule et les façonne pour d’autres aventures. La fin de l’année est là, le maître est au bord des larmes, tout le monde se dit au revoir. Les grands partiront, des nouveaux arriveront, et, si l’on en croit Jojo qui apprend à compter, l’infini est à portée de leurs doigts tâchés d’encre, éternellement multicolores.

Cine Libre par Philippe Leclercq
Nous l’avions dit dès notre retour de Cannes, Etre et avoir est un film magnifique.

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Contre le créolocentrisme : Frankétienne ou Edouard Glissant ?*

 

— Par Jean Durosier Desrivières,—

 

 

Le jury du 13e prix Carbet de la Caraïbe, présidé par Edouard Glissant, s’est retrouvé au soir du vendredi 20 décembre à l’Atrium de Fort-de-France, salle Frantz Fanon, pour honorer, face à un public dirait-on sélectif, la dernière parution de Frankétienne : H’éros-Chimères. Ce titre résumerait « de manière profonde et provocatrice les horreurs qui bornent nos horizons ; les tourments et les fantasmes qui peuplent l’imaginaire des humanités contemporaines ». L’auteur reçoit ce prix comme un hommage rendu à la créativité féconde du peuple haïtien qui compte tant de « guerriers de l’imaginaire ». Tout se serait joué entre mise en scène de l’artiste, proximité visible avec le jury et son « jeu/je » parfois morbide et lassant.

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« Les Césaire », La mémoire d’un peuple

— par Marianne Payot —

«Vous ferez un jour de la politique?» «Ah non, ça, jamais! Papa Aimé a assez donné.» La réponse claque, sans hésitation aucune, de la part d’Ina et de Michèle. Il est vrai qu’avec cinquante-six ans de mandat à la mairie de Fort-de-France et quarante-sept (de 1946 à 1993) à l’Assemblée nationale, Aimé Césaire a largement acquitté la quote-part républicaine de la famille. En revanche, le tribut césairien aux lettres et aux arts ne s’est pas interrompu avec le patriarche. Au contraire. Les six enfants d’Aimé et de Suzanne, dite «maman Suzy», ont tous choisi d’œuvrer dans le monde de l’esprit.

Le véritable gène familial est bien là, dans la création et non dans la politique. Et on accréditera volontiers la version selon laquelle Aimé est entré au Parti communiste par hasard, et est devenu, par surprise, maire de Fort-de-France en 1945. En fait, le credo absolu, chez les Césaire, est avant tout l’instruction. C’est maman Nini, la grand-mère d’Aimé, maîtresse femme du Lorrain, qui apprend à lire au futur poète. C’est papa Fernand, l’un des 12 enfants de Nini, arpenteur puis simple petit fonctionnaire, qui, avec sa femme Eléonore, couturière de son état, se serre la ceinture pour envoyer sa progéniture à l’école.

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