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Marie Stuart, fable sur le pouvoir de Friedrich Schiller

 

— Par Laurence Aurry —

 

 

Théâtre de Fort-de-France les 7,8,9,10,11 octobre à 19h30

 

 

Choisir un drame romantique historique comme Marie Stuart aujourd’hui où le théâtre se fait de moins en moins politique et où la politique se donne de plus en plus en spectacle, relève de la gageure. Comment intéresser les spectateurs contemporains à un conflit qui peut leur paraître si lointain ? Comment rendre la force et le souffle du grand dramaturge allemand, Schiller ? Comment traduire à travers la rivalité de ces figures féminines héroïques, Marie Stuart et Élisabeth 1ère, les enjeux idéologiques, moraux et religieux qui traversèrent le XVIè siècle, en proie aux guerres de religion, et le XVIIIè siècle, avide de libertés ?

 

La tentative est louable. Le choix des costumes et la scénographie témoignent d’une recherche intéressante. La couleur des vêtements, le rouge, le mauve, le gris, symbolise assez bien la passion ou l’austérité selon qu’il s’agit de la séduisante Marie Stuart, de la digne Élisabeth ou des sombres lords, juges de Marie Stuart. Les lignes droites des costumes masculins renforcent le caractère martial de leur personnage.

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« Anjo Negro » : La programmation audacieuse de Michelle Césaire

— Par Roland Sabra —


Ces dernières années elle ne nous avait pas habitués à une telle prise de risque. Une programmation sage, sérieuse, de qualité qui concourrait à former un public qui appréciait ce louable effort de pédagogie. On allait au Théâtre de Foyal, les yeux fermés, il suffisait de les ouvrir dans la salle et de découvrir ce que la programmatrice avait sélectionné bien souvent pour notre bohneur. C’était oublier un peu vite que Michelle Césaire est une femme de théâtre, qu’elle est aussi metteur en scène, et que son regard  s’est affuté à des choix artistiques exigeants, déroutants et parfois élitistes, dans le bon sens du mot. Elle ne a fait la preuve en ramenant de la Chapelle du Verbe Incarné à Avignon Angelo Negro une pièce de Nelson Rodrigues. L’auteur brésilien, cinquième enfant d’une famille de journalistes est né, en 1912 à Recife. Son enfance se déroule dans un climat pulsionnel intense, entre une mère jalouse et possessive et un père absent  de par son implication dans la politique et le journalisme. A l’âge de huit ans il participe à un concours de rédaction en classe et fait la narration d’un adultère!

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Gabriel Garcia Marquez – Une vie» de Gerald Martin

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 Les vies d’un homme nommé Marquez

 

— Par Étienne de Montety —

  – Cette biographie de Gabo a nécessité dix-sept années de travail.

 

En 1957, Gabriel Garcia Marquez est à Paris. Il vit dans la dèche, inconnu, désespéré de ne pouvoir s’adonner à ce vice impuni, l’écriture. Il erre dans les milieux latinos du Quartier latin. Un jour, il croise un colosse barbu qui porte jean et chemise de bûcheron et une casquette de base-ball. C’est Ernest Hemingway, son idole, qu’il apostrophe : «Maestro !» L’écrivain lève la main et lui répond d’une voix juvénile : «Adios, amigo !» L’anecdote comme tant d’autres est rapportée par le biographe de Garcia Marquez, Gerald Martin, dans un ouvrage dont le titre, Une vie, à la sobriété «maupassante», dit mal l’abondance de faits et d’analyses qu’il contient de bout en bout.

 

Le salut d’Hemingway a valeur d’adoubement. À l’époque, Garcia Marquez n’est pas encore entré en littérature. Il voyage en Europe (Berlin-Est, Moscou, Budapest), fourbit ses amis. Mais dans les années qui vont suivre, Gabo – le surnom de l’écrivain – va peu à peu sortir de sa gangue de personnage famélique.

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Sylviane Quitman maquilleuse.

Christian Antourel —

« Les illusions sont nécessaires et font partie intégrante de l’ordre des choses »

Eloge du maquillage

Peu importe que la ruse et l’artifice soit connu du public le maquillage n’a pas à se cacher si l’effet parvient à faire disparaître du teint toutes les taches et disgrâces que dame nature y a volontairement semé. Il répond à une unité esthétique abstraite devenue incontournable. C’est là que l’artiste maquilleuse est reconnue dans toutes les pratiques, les astuces employées pour subtiliser les traits rebels, dont l’unanimité réclame la fluidité audiovisuelle imperturbable, pour une accroche sur un fond de lumière infernale.
Il est une condition qui ajoute beaucoup à la force d’action du maquillage :
C’est que son exécution reste une légèreté dans le temps et qu’en n’aucune manière, hormis l’exception mise en scène, son passage ne conclut à des immobilisations prostrées dans des attitudes lisses de statues antiques ou à un portrait dans son cadre d’innombrables poupées agissantes. C’eût été lui manquer de respect que d’ôter au maquillage sa nature vivante.

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André Schwarz-Bart, le Juif de nulle part

 

 

 

L’Arche n° 583, décembre 2006, p. 84-89
Par Francine Kaufmann
André Schwarz-Bart a choisi de ne laisser de son passage charnel sur cette terre qu’un mince filet de fumée blanche et quelques cendres. Il a été incinéré au lendemain de Kippour, le 3 octobre 2006, sur l’île de Grande-Terre, dans cette Guadeloupe qu’il avait choisie pour demeure. On se souvient de la dernière page de son chef d’oeuvre, Le dernier des Justes, consacré au massacre des communautés juives d’Europe : « Ainsi donc cette histoire ne s’achèvera pas sur quelque tombe à visiter en souvenir. Car la fumée qui sort des crématoires obéit tout comme une autre aux lois physiques : les particules s’assemblent et se dispersent au vent, qui les pousse. Le seul pèlerinage serait, estimable lecteur, de regarder parfois un ciel d’orage avec mélancolie. »
Il est parti sur la pointe des pieds, comme il avait vécu. Rien d’étonnant, donc, si les jeunes générations connaissent à peine son nom et si les adolescents d’après-guerre se souviennent de lui comme de l’homme d’un seul livre, ce Dernier des Justes qui s’imposa avec évidence comme prix Goncourt 1959.

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« Ces enfants en Echcec scolaire massif » de Julie Ostan-Casimir. Entretien avec Serge Harpin.

enfants_echec_scolaire Julie Ostan-Casimir est psychoogue clinicienne. Docteur en psychopathologie et psychologie clinique ( 2006) , elle travaille depuis 27 ans en Institut Médico-Pédagogique et Institut Médico-Professionnel. Elle nous livre dans cet ouvrage son expérience clinique auprès d’enfants et adolescents en échec scolaire massif.

Entretien entre Serge HARPIN et Julie OSTAN-CASIMIR autour de son livre

Ces enfants en échec scolaire massif, K.Editions, 2009

Serge HARPIN : 1/Vous êtes psychologue à clinicienne, vous travaillez depuis 27 ans en IMP. Vous venez de publier un ouvrage sur le thème de « l’échec scolaire massif ».

Julie OSTAN-CASIMIR : Oui, je suis psychologue clinicienne et je travaille en Institut Médico-Pédagogique (IMP). J’ai publié un livre sur l’échec scolaire dit massif, selon l’expression consacrée, car j’ai souhaité parler d’enfants scolarisés en maternelle et maintenus dans une classe de cette maternelle pour être orientés vers une Classe d’Intégration Scolaire (CLIS), puis vers l’Institut Médico-pédagogique. J’ai préféré présenter ces enfants à partir de leur échec scolaire, que de les présenter déficients au départ. J’ai préféré présenter ces enfants à partir de leur échec scolaire plutôt que de les présenter déficients au départ.

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Le désir, la jeune fille et la mère

 Par DOMINIQUE SELS écrivaine

Encore les seventies. J’étais adolescente. Je voudrais dire mon amitié à Roman Polanski,

j’espère qu’il va vite se tirer de là. Les mères n’osaient profiter de la liberté qui nous était naturelle, elles s’y hasardaient, alternant hardiesse et revirements vertueux. Je sais des histoires où la fille fut importunée par le désir de sa mère, sur elle projeté ; la mère la mène vers un homme mûr ; favorise un rapprochement ; son fantasme accompli par procuration, elle crie, soit chasse sa fille, soit s’indigne contre le monstre qui en aura abusé, et qui est en fait tombé dans le panneau. C’est pas la faute à Voltaire, toujours la faute à la fille ou à l’homme : pourvu qu’on n’attaque pas la moralité de la mère.

Protégeons les filles de leur mère plutôt que de Polanski. J’espère qu’aujourd’hui, les filles rencontrent des cinéastes pour une leçon de scénario ou de mise en scène, non pour des photos. Mesdames, n’en avez-vous pas assez de jouer les niaises depuis des millénaires ? Depuis quand un peintre ne couche-t-il pas avec son modèle ?

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Prix Nobel de Littérature 2009

Herta Müller, du Banat roumain à Hambourg

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Le pouvoir et le président de la République en particulier sont la cible des protestations sur l’île. Crédits photo : AFP

  » Nous sommes partis de chez nous avec notre tête, mais avec nos pieds nous sommes encore dans un autre village.  » Un art de la fugue.

À sa parution en français (1988), juste après l’arrivée d’Herta Müller en Allemagne (mars 1987), l’Homme est un grand faisan sur terre avait été pour le public français une révélation. Celui-ci découvrait des vérités cachées sur une minorité allemande, les Souabes de la Roumanie  » communiste « , et un auteur doué d’un style incomparable, qui creusait toutes les possibilités d’expression d’une naïveté acide. Six ans auparavant, Herta Müller avait déchaîné les colères et les tracasseries de la Securitate et de ses instruments en publiant Niederungen, une chronique impitoyable d’un village, d’une famille, d’une enfance traumatisée du Banat, province roumaine peuplée d’Allemands installés dans cette région danubienne depuis sa reconquête au XVIIIe siècle par le régime habsbourgeois ; la chronique d’un monde marqué par la peur et la haine, l’intolérance et la violence, d’un monde retardataire, rétrograde, muselé par un catholicisme putride et superstitieux, sur fond de gestion politique et économique calamiteuse pratiquée par un régime  » communiste  » corrompu ; de répressions et de survivance d’un passé fasciste à peine déguisé.

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Une lecture sensuelle du Cahier d’un retour au pays natal

 
— Par Roland Sabra —

Comment mettre en scène un poème de cette trempe. Beaucoup s’y essaient, peu réussissent. Jacques Martial en avait donné un version presque guerrière? Rudy Silaire nous offre une version ronde comme le comédien et pleine de sensualité et de douceurs caribéennes. Même quand il élève la voix, il donne le sentiment de jouer à se mettre en colère. Il semble suffisamment sûr de lui, sur scène pour quitter sans encombre et pour notre bonheur de spectateur les rivages fascisants du virilisme, cette maladie infantile de la masculinité. Sa personnalité est donc assez forte pour éviter de se faire oublier sur scène. Dirigé par un autre metteur en scène que lui même il est contraint d’adopter d’autres codes que ceux que « naturellement »-mais qu’il y a-t-il de naturel dans le théâtre- il pratique. La belle pénombre dans laquelle baigne la scène et l’excellent accompagnement musical de Laurent Phénis, créateur de la bambou muzik – décidément la Martinique est un pays musicien- n’arrivent pas toujours à faire oublier ce manque de distance critique de Rudy Silaire mettant en scène Rudy Silaire.

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Une lecture sensuelle du Cahier d’un retour au pays natal

— Par Roland Sabra —

rudy_sylaireComment mettre en scène un poème de cette trempe. Beaucoup s’y essaient, peu réussissent. Jacques Martial en avait donné un version presque guerrière? Rudy Sylaire nous offre une version ronde comme le comédien et pleine de sensualité et de douceurs caribéennes. Même quand il élève la voix, il donne le sentiment de jouer à se mettre en colère. Il semble suffisamment sûr de lui, sur scène pour quitter sans encombre et pour notre bonheur de spectateur les rivages fascisants du virilisme, cette maladie infantile de la masculinité. Sa personnalité est donc assez forte pour éviter de se faire oublier sur scène. Dirigé par un autre metteur en scène que lui même il est contraint d’adopter d’autres codes que ceux que « naturellement »-mais qu’il y a-t-il de naturel dans le théâtre- il pratique. La belle pénombre dans laquelle baigne la scène et l’excellent accompagnement musical de Laurent Phénis, créateur de la bambou muzik – décidément la Martinique est un pays musicien- n’arrivent pas toujours à faire oublier ce manque de distance critique de Rudy Sylaire mettant en scène Rudy Sylaire.

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« Comme deux frères » : un travail perfectible sur un texte un peu faible

— Par Roland Sabra —

L’argument est d’une grande simplicité. Deux hommes, qui se connaissent depuis l’enfance, auteurs de mauvais coups sont en prison pour meurtre. Est-ce toujours le même qui comme d’habitude va endosser la responsabilité du crime? Et si oui à quel prix? Quand un malfrat a tout perdu que lui reste-t-il à offrir en échange pour échapper à l’enfer de la prison? Sa virilité?. Le texte de Maryse Condé ne le dit pas clairement mais le suggère avec insistance. Sur un fond de critique sociale sans concession l’auteure récite son credo, à savoir qu’il faut rompre avec l’idéologie victimaire à laquelle les victimes elles-mêmes font semblant de croire. Elle appelle à la responsabilité des individus pour les sortir de leur condition de sujet et pour qu’ils adviennent à la position d’acteur de leur propre destin. Si l’intention est louable son mode d’expression, le texte théâtral l’est beaucoup moins. Il faudra bien que Maryse Condé y consente, n’est pas auteure de théâtre qui veut et le travail d’élagage de José Plya, de coupe dans un texte à l’origine injouable parce bien trop « littéraire » allège le propos au risque de le vider de sens.

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La gestion d’un territoire dans la perspective du développement durable et solidaire : Le cas de la Martinique

 — par Emmanuel JOS —

Introduction : précisions conceptuelles et problématique

Au début de cet exposé, il convient d’apporter quelques précisions sur la signification des termes que nous seront amenés à utiliser.

1 – Définitions :

Gestion du territoire : le terme de gestion renvoie le plus souvent au domaine budgétaire et financier. Le gestionnaire d’un établissement est souvent celui qui s’occupe des finances. Dans un sens plus large, qui sera celui retenu ici, gérer signifie prendre en charge, exercer une responsabilité sur, administrer, utiliser un certain nombre de moyens pour parvenir à une fin. La gestion du territoire signifie alors tirer le meilleur parti du territoire en fonction d’objectifs que l’on s’est assigné.

Dans ce sens gestion du territoire se rapproche d’aménagement du territoire sauf que par aménagement du territoire on aura tendance à entendre : choix des localisations d’équipements, d’investissements, d’activités sur un territoire donné. Ces choix procèdent de décisions politiques autrement dit de ceux qui détiennent le pouvoir. Ceux qui détiennent le pouvoir de décision ou plus largement le pouvoir d’influence, ce sont bien entendu les élus mais pas seulement eux, il y a tous ceux qui exercent une influence effective sur les choix qui sont fait.

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La coulée de la Rivière Blanche, de Louis Boutrin

 

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<Louis Boutrin nominé
pour le Grand Prix littéraire des Caraïbes 2009

La « Coulée de la Rivière Blanche » est le premier roman de Louis Boutrin mais c’est son 5ème ouvrage. 

 

Le roman de Louis Boutrin, « La Coulée de la Rivière Blanche » (Éditions Edilivre) vient d’être retenu par l’Association des écrivains de langue française (ADELF) dans sa sélection 2009 du Grand Prix Littéraire des Caraïbes. Ce Prix a été créé à Paris en 1965 par l’Association des écrivains de langue française (ADELF).Il est destiné à distinguer un auteur francophone issudes Antilles(MartiniqueGuadeloupeHaïtiGuyane, etc.). Il est remis tous les deux ans. D’autres prix sont décernés par l’ADELF pour les diverses régions francophones.

L’écrivain Martiniquais Xavier Orville fut lauréat en 1979 pour « Délice et le fromager » (Editions Grasset). 

Liste des prix décernés 

1965 : Jean Price Mars (Haïti)
1967 : Raphaël Tardon (Martinique), décerné à titre posthume pour l’ensemble de son œuvre
1971 : Marie-Magdeleine Carbet (Martinique), Roses de ta grâce
1975 : Jean-Louis Baghio’o (Guadeloupe), Le flamboyant à fleurs bleues, Calmann-Lévy éd.

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Lycée Schoelcher : le SNES demande des conditions de travail décentes

— Par le SNES Martinique —

 » Concernant le lycée Schœlcher et la polémique que tente de lever Marie-Sainte, la position que le SNES du lycée Schœlcher défendra sera la suivante : le SNES, en tant que syndicat, s’est interdit d’intervenir dans le débat de la construction du lycée concernant la conservation de tout ou partie du bâti, sur une reconstruction à l’identique ou moderne. Notre position a été la suivante : nous demandons des conditions décentes de travail pour les élèves et les personnels du lycée.

Concernant l’historique de cette reconstruction il faut rappeler que le Président Marie-Jeanne a toujours été favorable à l’idée de raser le lycée Schœlcher. C’est ce qu’il nous a exprimé dès 2000 lorsque nous avons commencé à batailler pour sa reconstruction. Pour information, la Région réalisait des travaux qui n’ont d’ailleurs pas été terminés, sur le budget de 1998. C’est dire l’intérêt que la collectivité avait à l’égard du lycée. Par la suite, on a vu apparaître – puis disparaître dans les limbes – un document qui se voulait une prospective d’entretien, de rénovation et de construction des lycées de la Martinique.

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« Il faut sauver le lycée Schoelcher » Qu’on m’explique !

— Par Zaka Toto. Blogueur antillespolitique.com —

 1. Parce que la symbolique du lycée Schoelcher n’est pas univoque.
Le lycée Schoelcher a servi à l’éducation et à la formation des Martiniquais. Il a ouvert les portes des bourses et de l’excellence à quelques individus. Effectivement, le lycée Schoelcher à Fort-de-France représente une rupture, un premier pas.
L’opposition première entre le lycée de Fort-de-France et celui de Saint-Pierre avant 1902 est celle d’une éducation à vocation, je précise, laïque, égalitaire contre une éducation religieuse, privée, réservée à l’élite de l’argent, du pouvoir, à l’élite de la couleur.
Mais après ? Quand il ne reste plus rien de Saint-Pierre ? Les békés et les mulâtres ont-ils fui le meilleur lycée ? Non, Schoelcher aussi était leur domaine. Comme d’autres. Et à la bigoterie coloniale s’est substituée la bigoterie républicaine.
Ou elles se sont entendues…
Du français tu liras, la loi tu adoreras, ton grec et ton latin tu réciteras et de Vercingétorix tout tu sauras. Point. Rien d’autre. Césaire, Fanon, Manville, d’autres sont devenus ce qu’ils sont devenus contre la vénérable institution.
Le mépris des campagnes et des « descendus » restait le même, la permanence des castes par le statut (argent et couleurs) toujours vivace.

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« Si on ne repense pas le travail, il faut s’attendre à pire que des suicides »

— Par Christophe Dejours, psychanalyste —

Auteur de « Suicide et travail : que faire ? » (PUF, 2009), Christophe Dejours, psychanalyste, appelle à repenser le travail pour sortir des logiques gestionnaires qui détruisent le tissu socio-professionnel tout en faisant croire qu’elles traitent les problèmes des salariés.

Pourquoi parle-t-on plus aujourd’hui du suicide au travail ?

Christophe Dejours : Parce que les suicides sur les lieux de travail n’existaient pas avant. Ils sont apparus il y a une douzaine d’années, sans avoir été relayés. Le tournant s’est opéré en 2007, avec les cas de suicides chez Renault et Peugeot.

Les premiers suicides dont j’ai entendu parler constituaient pour moi une forme de décompensation psycho-pathologique parmi d’autres. C’est la répétition des choses qui est devenue hallucinante. Non seulement, il y avait un suicide sur les lieux de travail mais généralement il ne se passait rien après. Ces suicides au travail marquent incontestablement une sorte de bascule qui frappe le monde du travail.

Pour un suicide lié au travail combien de tentatives de suicide et de personnes internées en raison du travail ?

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« Comme deux frères » : le théâtre comme résistance. Entretien avec José Exélis

— Propos recueillis par Roland Sabra —

Roland Sabra : Vous montez aujourd’hui «  Comme deux frères de Maryse Condé , qu’est-ce qui guide vos choix dans l’ensemble de ce que vous avez fait ces dernières années?

José Exélis : Des coups de cœur ! Il n’y a pas de carrière prédéterminée sur un choix de textes précis. Je disais à l’instant aux comédiens qui faisaient valoir que j’exigeais d’eux aujourd’hui des choses que je n’exigeais pas il y a quelque temps, que j’avais changé entre temps, que tous nous changions, que nous ne sommes plus aujourd’hui ce que nous étions il y a ne serait-ce qu’un mois. J’ai des coups de cœur sur des textes, des univers, des atmosphères à un moment précis et c’est le cœur qui me guide mais la raison n’est pas loin pour autant car je réalise qu’en dehors des essais que je fais, du roman à la scène ou du poème à la scène, dont on pourra discuter, il y a un théâtre de résistance qui m’interpelle.

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Est-il, ici, légal d’être nègre ?

— Par Philippe YERRO,Stéphane TEROSIER,Pascal DELYON,Clarisse LAPART,—

 

 

Les voies du Seigneur sont impénétrables. Il aura fallu l’humiliation d’un petit ange par un fonctionnaire trop zélé devant les caméras de RFO, pour que nous puissions mesurer l’ampleur de l’esclavage mental dans ce pays. Les réactions suscitées par ce regrettable incident nous mènent à tirer le double constat d’une société travaillée en profondeur par le déni de l’Afrique et de la négritude fondamentale du peuple martiniquais, mais qui a nourri l’émergence de générations actives, fière de leur histoire nègre, déterminées à dénoncer l’iniquité et la profitasyon. Et à faire en sorte que les choses changent, ici et maintenant.
Si reproches nous adressons au Proviseur du Lycée J. Gaillard, ce n’est pas de vouloir faire régner l’ordre dans son établissement. C’est d’avoir associé, par nature, le désordre à la coiffure africaine. Si, de son point de vue, à la Pointe des Nègres la négritude n’a pas sa place, c’est qu’il s’est cru autorisé d’une décision du Conseil d’Administration de l’établissement, en dépit de l’illégalité manifeste qu’elle pouvait revêtir. Passons sur les faits que les propos télévisés (« Ni locks, ni tresses, ni nattes ») semblent ne s’appuyer sur aucune des résolutions du CA invoquées par le Proviseur (lire les propos de M.

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Penser le patrimoine : le patrimoine, promesse d’avenir

— par Elisabeth Landi —

« de tout paysage garder intense la transe du passage … »
Aimé Césaire, Moi, Laminaire…

 

La démolition et la reconstruction programmée du Lycée Schœlcher suscitent un débat dans la population de la Martinique. Un collectif s’est constitué pour la sauvegarde de ce lycée en tant que patrimoine architectural et culturel de la Martinique. Qu’il y ait débat montre que la perception patrimoniale ne va pas de soi. Comme il y a une perception morale ou une perception esthétique, il y a une perception patrimoniale qui est évolutive et propre à chaque société. Pour certains, le lycée est un fleuron de l’architecture contemporaine dite « moderniste » qu’il faut conserver à tout prix. C’est le symbole de la mémoire de la construction de l’espace public, de la conquête du droit à l’éducation pour lesquels les familles martiniquaises se sont battues depuis deux siècles. Pour d’autres, le bâtiment est vieux, dangereux pour les usagers et ne comporte aucun intérêt esthétique particulier. Il y a bien là le signe d’un malaise, d’une interrogation face à la question de la perception patrimoniale.

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Chlordécone : un procès menacé

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Un vice de procédure pourrait annuler la plainte de producteurs et consommateurs guadeloupéens pour empoisonnement au chlordécone, un pesticide utilisé aux Antilles pendant vingt ans, suspecté d’être à l’origine de cancers. La cour d’appel de Paris doit se prononcer jeudi matin.

 

Y aura-t-il un procès du chlordécone? La cour d’appel de Paris doit se prononcer jeudi sur la recevabilité ou non de la plainte pour « mise en danger d’autrui » déposée en février 2006 par l’Union régionale des Consommateurs et l’Union des producteurs de Guadeloupe, avec le soutien des Verts. Ce qu’ils dénoncent: la contamination de la population au chlordécone, pesticide utilisé durant une vingtaine d’années dans les champs de bananiers pour combattre le charançon, et suspecté d’avoir de graves conséquences sur la santé.

L’alerte est donnée dès le milieu des années 1970. Plusieurs études s’inquiètent de ses effets sur l’homme. Cancérigène, mais aussi perturbateur endocrinien, voilà la réputation sulfureuse que traîne le chlordécone. Aux Etats-Unis, le produit est d’ailleurs interdit dès 1976. La France attend 1990 pour suivre l’exemple, en accordant même une dérogation aux Antilles jusqu’en 1993.

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Aliker contre Aubéry, l’Altruisme contre l’Argent

— Par Pierre Pinalie —

(« Château Aubéry », de Georges É.Mauvois)

 chateau_auberyÉtonnant et passionnant ouvrage, ce livre de Georges Éleuthère Mauvois, consacré à un héros martiniquais sordidement assassiné, le noble militant André Aliker, jeté ligoté dans la Mer caraïbe en 1934, sur ordre du richissime Eugène Aubéry, usinier régnant sur le domaine du Lareinty. L’auteur, qui fut avocat au temps où l’administration coloniale l’avait révoqué de l’administration des P.T.T., nous livre sur 118 pages un extraordinaire plaidoyer fondé sur les deux plans, le civil et le pénal.

 

 

Le journal « Justice » dans un monde injuste

 

Dans la première partie, une longue série de problèmes financiers nous est présentée autour de la construction du château Aubéry, et des relations d’Aubéry avec des membres de son milieu social. Les chèques versés à des magistrats permettent à la Cour d’appel de Fort-de-France de réformer les jugements de première instance, ce qui a pour effet de décharger en 1930 les Aubéry d’une condamnation et d’une amende. Et en dehors des affaires de la riche bourgeoisie, le nouveau châtelain Aubéry est très passionné par les combats de coqs, ce qui le rapproche de modestes citoyens martiniquais ou venus des îles proches, et lui fournit ainsi une main-d’œuvre particulière hors du travail de la canne à sucre.

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La taxe carbone, nouvelle pensée unique ?

— par Istvan Felkaï —

 

Le débat sur la taxe carbone s’est envenimé ces derniers jours en France. En Belgique aussi, l’idée de cette taxe est avancée par une partie du monde politique et suscite autant d’intérêt autant que de polémiques.

La controverse agite la gauche, les Verts et la famille socialiste française. Certains opposants se demandent si cette taxe carbone n’est pas le ferment d’une nouvelle pensée unique. Non pas qu’il faille remettre en cause la nécessité de la lutte contre les gaz à effet de serre et les changements climatiques.

Au contraire. Mais, à défaut de puissants correctifs dont les mécanismes sont aléatoires pour aider les revenus modestes et moyens (comme le souhaite Michel Rocard), cette taxe pénaliserait les milieux populaires, et l’injustice sociale, que craignent les socialistes, serait criante. De quoi pénaliser surtout les usagers captifs de leur véhicule, soit parce qu’ils habitent loin de leur lieu de travail, soit parce qu’il n’y a pas toujours de transports en commun, notamment en zone rurale. 

Seraient pénalisés également les habitants de logements mal isolés et n’ayant pas les moyens d’investir dans de nouveaux chauffages (malgré les aides publiques, pompes à chaleur, panneaux solaires et autres chauffages non polluants se vendent à prix prohibitifs…).

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BIEN MÈSI MISIÉ PINALIE !

 

— par Serge HARPIN —

 

DICTIONNAIRE ÉLEMENTAIRE FRANCAIS/CRÉOLE

 

de Pierre Pinalie, Éditions L’harmattan, 2009

 

Il n’y a rien de plus humain que la tendance à « naturaliser » les acquis des luttes passées, à les appréhender comme s’ils allaient de soi, comme s’ils avaient toujours été. La « naturalisation » se fait le plus souvent par oubli ou ignorance. Elle est aussi quelquefois produite à dessein par la substitution du mythe à l’histoire : on raconte alors des histoires, ses désirs. On instrumentalise le passé. Il en est ainsi du combat pour la reconnaissance des Créoles en tant que langues comme pour tout le reste. D’où un devoir d’histoire qui commence toujours par un rappel des faits :

 

1970. Création de l’AMEP. Le créole est expérimenté comme langue d’enseignement, langue de transmission des savoirs.

 

– 1976. Option créole à l’UAG. Le créole entre dans l’enseignement supérieur. Proposition d’un système orthographique par le GEREC.

 

– 1977. Parution du journal GRIF AN TÈ. Le créole fait ses premiers pas comme langue de média écrit.

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« Le Collier d’Hélène » : lorsque le Québec et la Martinique se croisent.

 — Par Alvina Ruprecht —

 
La Compagnie du Flamboyant à la Chapelle du verbe incarné – Avignon 2009

Mise en scène : Lucette Salibur, une production du Théâtre du Flamboyant
Musique : Alfred Fantone
Scénographie, accessoires, costumes, graphisme; Ludwin Lopez
Distribution :
Hélène : Daniely Francisque
Nabil : Patrice Le Namouric
Ruddy Sylaire : plusieurs personnages dans la ville
Lucette Salibur : la femme qui cherche son fils
Le Collier d’Hélène (de Carole Fréchette) a été traduit dans de nombreuses langues et joué à travers le monde. Créée par Nabil El Azan et sa compagnie la Barraca en 2002 puis au Théâtre du Rond-point en 2003, la pièce vient d’être reprise par El Azan avec une distribution palestinienne (voir la critique de Philippe Duvignal). Maintenant, à Avignon, nous pouvons voir une nouvelle mise en scène du Collier créée en 2007 à Fort-de-France par la metteuse en scène martiniquaise Lucette Salibur.
Une réalisation extrêmement intéressante car elle resitue le texte québécois, dans une dynamique nouvelle. Le travail très dépouillé d’El Azan a recours à des films de fond évoquant une ville (peut-être Beyrouth) détruite par la guerre, mais mettant en valeur le personnage principal, Hélène une française de passage dans le pays pour un colloque.

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« Bintou » : tragédie urbaine et émergence d’une metteuse en scène

 — Par Alvina Ruprecht —

Création 2009 Prix de la Presse au Festival Off d’Avignon 2009


Nous connaissons déjà l’œuvre de Koffi Kwahulé, à mon avis un des meilleurs auteurs dramatiques de langue française de sa génération. Souvent jouées à Avignon, ses pièces construisent un monde symbolique qui décortique les soubassements du pouvoir où les anges exterminateurs mènent leurs victimes à leur perte. Un monde terrifiant qui cerne la psyché ébranlée de ces êtres pris dans un monde en transformation qu’ils essaient de cerner mais que souvent, ils ne comprennent pas.Bintou nous place devant une de ces expériences limites. Ce texte très puissant, issu du monde de la culture populaire urbaine est d’une actualité brulante, il est structuré comme une tragédie grecque. Un chœur syncopé nous accueille dès le départ dans cette descente vers les enfers. Bintou, une jeune révoltée genre Antigone, défie les dieux, refuse la tradition de ses parents et ensorcelle les membre de sa bande qui se laissent mener vers leur propre destruction. Un réquisitoire contre l’excision, une mise en évidence des conflits profonds qui déchirent les jeunes de l’immigration, un texte lyrique, féroce, réaliste et mythique à en couper le souffle.

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