M' A

Traces

Par Eric Pezo. —

  Puisqu’il faut rendre à la terre ce qui appartient à la terre
Rendre à la lumière ce qui appartient à la lumière
Alors unissons nos cœurs et nos voix le temps d’une prière.

De grands marchands de rêves ont pris la route bleue
Qui mène à toutes les savanes du monde pour faire germer
Dans le ventre de la terre qui nous porte, un fleuve d’espoir.
Dans l’immense jardin de l’Art, des graines de lumière Africaines,
Caraïbéennes et d’un ailleurs fraternel habitent encore la sève
De grandes floraisons.

Au milieu de nos saisons de doute et de découragement
Leur foi, leur joie, ont su traire nos hésitations,
Jusqu’à faire roucler notre tambour intérieur,
Devant l’autel des cathédrales qui nous faisaient peur.

D’innombrables capitales résonnent encore de leur souffle
Tant leur talent a pénétré la chair des plus sceptiques, aujourd’hui conquis.
Ils ont fait de ce monde un autre théâtre où les acteurs que nous sommes
Demeurent en face de rêves possibles à condition de garder en mémoire
L’empreinte de leurs pas.

S’il fallait ici même, nommer ne serait-ce qu’une poignée d’entre eux,
Nous aurions pour la plupart d’entre nous le cœur en vertige
Tellement ils nous manquent.

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La fureur est tombée sur la ville écarlate

 par Michel Lercoulois

La fureur est tombée sur la ville écarlate
La fièvre se recuit dans des bouges saumâtres
Un gamin négligent asperge le trottoir
Exhibant sans pudeur un sexe minuscule
Des hommes apeurés reluquent les mamelles
Des filles blondes aux longues jambes nues
Les mendiants se disputent quelques reliefs pourris
Des voleurs farouches jouent leur butin aux dés
Dans les palais les ministres corrompus comptent leur or
Un roi sans joie besogne la chambrière de la reine
Un cul de jatte hagard est posé contre un mur
Les aveugles en passant le piquent de leur canne
Des bourgeoises esseulées pleurent les jours d’antan
Les maris repus de trop de chère bedonnent au fumoir
De jeunes loups naïfs aiguisent leurs couteaux
Sans savoir qu’ils seront les premiers transpercés
Les tendres demoiselles découvrent l’art du stupre
Elles veulent les mâles mûrs affamés et brutaux
Pour cultiver l’obscène entre gens de bon goût
Ailleurs dans les fabriques un vain peuple s’agite
Gens de peu pauvres et puants
Qui triment pour le pain le vin et le taudis
Où s’entasse une marmaille infâme
Aigres parfums de bouffe de merde et de pisse
Avec des cris parfois ou des vagissements
Une vieille à l’article gémit sur son grabat
Peut-être entend-elle les râles du coït
Elle qui aimait tant jadis foutre avec fougue
En bas dans la rue deux ivrognes s’embrassent
Ils mélangent leurs langues sans s’embarrasser
Des relents du pinard
La piquette des dieux
Le nectar des vieux cons
Partout dans la ville la vermine grouille
On est tous frères en Jésus-Christ, pas vrai ?

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Biennale de danse 2010 à Fort-de-France

 — par Roland Sabra —

Semaine 1

 

 

  « Une Tentation d’Eve »  qui s’éternise

 Les ressources financières du CMAC-ATRIUM étant ce qu’elles sont il était difficile de programmer les authentiques ballets contemporains de la Compagnie Marie-Claude Pietragalla qui mobilisent de nombreux artistes. Heureusement la chorégraphe propose aussi des pièces intimistes au nombre desquelles on trouve « Ivresse » créée une première fois en 2001, reprise en 2005 avec en accompagnement musical le groupe de musique tsigane Arbat. « Ivresse » nous était donc proposé en première partie, sans orchestre certes mais avec une bande son.

 

La chorégraphe et son compagnon Julien Derouault, seul danseur en scène, ont un goût prononcé pour l’éclectisme artistique. Mêler danse et image d’animation ou arts martiaux ( Marco Polo), danse et cirque ( Sakountala) par exemple est un axe de travail qui caractérise l’intelligence créatrice de la Compagnie. On retrouve jusque dans la façon de danser ce souci d’explorer des rives étrangères. Julien Derouault en donne une illustration splendide avec un déhanché à la limite du déséquilibre qui fait irrésistiblement penser à des scènes de Bruce Lee.

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Pour une littérature en langues françaises

Où en est-on deux ans après le manifeste  » Pour une littérature-monde « , qui mettait en question la notion de francophonie ?

Où classer Dany Laferriere, Canadien originaire d’Haiti, ou YasminaTraboulsi, Libanaise du Bresil ?

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D’après ce qu’île dit…

 par Jean Durosier DESRIVIERES —

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   Voici ! l’histoire n’est pas plus sophistiquée : je viens d’une ville, d’après ce qu’île dit, sans façon avec nos manières de gueuler nos malheurs à marée haute, d’engueuler tout le bazar du monde, dégueuler sur le quai en plein dans notre baie jusqu’à tout prendre en pleine gueule. Au cœur des cycles : la mort bourrée d’eau sale et d’eau salée, d’après ce qu’île dit, avec force tempêtes et cyclones, et ras-de-marées. Et tremble qui veut : je viens d’une ville, d’après ce qu’île dit, où les hommes négocient l’avenir et la vie à dos d’homme.

Et depuis, des poètes se sont mis à parler comme avant, ils se sont mis à inventer, comme on dit. Et ils inventent n’importe quoi, comme plein d’images de désastres, pour la forme : un semblant de bonheur. Point de vue ni de point-de-vue dans ce monde d’images, d’après ce qu’île dit. Bon repos. Il n’y a que la ville seule et ses règles propres submergées de mille exceptions ; des perspectives naïves à faire grimper la courbe des bourses dans la course aux marchés, plastiques… dramatiques…

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Dies irae dies illa

— Par Michel Herland —

Pour Haïti, coordonné par Suzanne Dracius, Desnel, 2010, 378 p., 21,80 €.

 

 

 

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Décidément, le XXIème siècle a bien mal commencé : d’abord le 11 septembre 2001 et maintenant le 12 janvier 2010. Stupeur en 2001, car qui aurait cru que les forces du mal pourraient ainsi frapper au cœur la puissante Amérique. Commotion en 2010, parce que ce n’était vraiment pas admissible qu’un tel désastre allât toucher, entre tous les pays de la planète, celui qui avait déjà souffert tant de maux et qui était peut-être le plus vulnérable.

 

 

Depuis toujours, la Martinique entretient des liens particulièrement étroits avec la partie occidentale d’une île qui s’est d’abord nommée Hispaniola, mais qui est bientôt devenue française, avant de prendre son indépendance, avec le fracas que l’on sait, dès 1804. Les contacts entre les Martiniquais et les universités, les écrivains, les artistes haïtiens sont permanents et il faut compter aussi avec les innombrables relations personnelles dues à la présence, en Martinique-même, de nombreux Haïtiens. Il n’était donc pas vraiment fortuit qu’un éditeur martiniquais, Desnel – dont les productions commencent à être connues bien au-delà de sa petite île – soit à l’origine d’une entreprise qui conjugue l’amour de la littérature et l’indispensable solidarité avec les frères haïtiens plongés dans le malheur.

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Une anthologie de la poésie du Tout-Monde réunie par Edouard Glissant

 

terre_feu_eau (La Terre, le Feu, l’Eau et les Vents, Paris, Galaade, 2010, 350 p.). par Michel Herland.

 

 

« L’imaginaire est un champ de fleuves et de replis qui sans cesse bougent », écrit Edouard Glissant dans la préface à cette anthologie poétique d’un nouveau genre. Elle est nouvelle en effet en ce qu’elle ne fixe pas de bornes géographiques ou linguistiques au choix des auteurs (même si les versions originales des textes non francophones sont rarement reproduites) et en ce qu’elle ne suit aucun ordre : ni temporel, ni spatial, ni même thématique. Il y a néanmoins un fil conducteur, labyrinthique ou plutôt – pour mieux coller aux concepts glissantiens – rhizomatique, celui qu’a trouvé Glissant, poète lui-même, à travers le champ immense qu’il nous propose d’explorer à sa suite.

 

 

Il y a des embranchements inopinés, des retours vers des auteurs déjà rencontrés, la reprise de thèmes qu’on croyait épuisés. Libre à chacun de suivre le guide dans son cheminement, de parcourir après lui les thèmes qui semblent organiser la succession des poèmes (ou extraits de poèmes) retenus dans l’anthologie : la mort, l’humanité dans sa diversité, l’esclavage et la traite négrière, le dépaysement, la poésie, le paradis terrestre et la chute, les intermittences du cœur, la fusion de l’homme dans l’univers, la succession des âges et des saisons, la négritude, les sans-papiers, etc.

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Le chômage et les petits chefs

— Par Édouard de Lépine —

Il est temps de mettre à la raison ces nègres qui croient que la révolution ça consiste à prendre la place des blancs et continuer en lieu et place, je veux dire sur le dos des nègres, à faire le blanc.

Césaire, La tragédie du roi Christophe

petits_chefsIl y a sans doute de plus grands malheurs que le chômage pour des gens qui peuvent travailler. Personne ne croit qu’il existe dans notre pays de solution miracle qui permette de résoudre ce problème dans des délais prévisibles. C’est dire qu’aucun chômeur martiniquais conscient ne se fait d’illusion. Mais il y en a qui n’en dorment pas. Parmi les femmes notamment. Elles se battent tous les jours pour en sortir. Elles dépensent certaines semaines plus que les ASSEDIC ne leur versent d’indemnité. Elles cherchent depuis 7 mois, de Dillon à Terres Sainville, en passant Redoute et Chateauboeuf, un local pour exercer un métier qu’elles connaissent, qu’elles ont pratiqué pendant vingt ans pour la plus grande satisfaction de leur clientèle et…de leur employeur. Ou elles n’en trouvent pas.

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L’Afrique en toutes lettres

— Par Alain Mabanckou —

CINQUANTE ANS après la décolonisation, où en est la littérature africaine francophone ? La question de l’indépendance a peu à peu déserté les romans, laissant la place à des problèmes plus contemporains, tels que la pauvreté ou la corruption. Les auteurs de la nouvelle génération, dont beaucoup vivent aux Etats-Unis ou en Europe, sont écartelés entre l’attachement à leurs pays d’origine et le faible écho que peuvent y trouver leurs ouvrages.  » Le Monde des livres  » fait le point sur ce continent littéraire souvent méconnu et pourtant riche de nombreux auteurs comme le rappelle l’écrivain Alain Mabanckou.

Les pays d’Afrique noire francophone célèbrent cette année le cinquantenaire de leur indépendance. La littérature a été le témoin immédiat de cette émancipation. Une littérature si jeune qu’il n’est pas surprenant, pour un lecteur africain, de croiser certains auteurs classiques qu’il a lus au lycée ou au collège. Sait-on par exemple que l’Ivoirien Ahmadou Kourouma – à qui l’on attribua en 2000 le Renaudot pour Allah n’est pas obligé – était en réalité, depuis longtemps, un grand classique dans l’espace francophone ?

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Eliane Marqués-Larade : Un expressionnisme réinventé

— Par Christian Antourel —

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En littérature, comme dans de multiples domaines artistiques, l’expressionnisme est une manière de présenter une œuvre, qui tend a déformer la réalité, pour inspirer au lecteur une réaction émotionnelle. De nos jours on parle plus facilement des états d’âme de l’artiste.

Si le roman antillais est aujourd’hui un acte acquis, quantifiable et forcément incontestable. Les poètes français de la Caraïbes se retrouvent moins souvent sous les feux de l’actualité. Méconnus, parfois oubliés, ils sont pourtant pourvoyeurs d’un langage poétique d’une expression rare, oh combien aiguisé et coloré, souvent blessé des séismes d’une indicible mémoire, ou simplement riche d’instants tourmentés saisis d’entre les flammes du soleil . Délaissée par certains, méconnue du grand public, alors même qu’Eliane Marquès-Larade, est reconnue par les instances littéraires et des maîtres a penser tels que Eric Mansfield, docteur es lettre, qui dans son livre «  la symbolique du regard, regardants et regards dans la poésie antillaise d’expression française » lui rend hommage et insiste sur le potentiel particulièrement lyrique et riche de sa plume.

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« Lectures dramatiques » dans les jardins du théâtre

— Par Laurence Aurry —

Il faut saluer l’initiative d’ETC Caraïbe et remercier Michèle Césaire et le Théâtre de Fort-de-France pour les lectures dramatiques publiques organisées dans les jardins du théâtre les 8 et 9 avril derniers.ETC Caraïbe ( Ecritures Théâtrales Contemporaines en Caraïbe) est une jeune association dynamique qui s’est donné pour mission de susciter et de promulguer la création dramaturgique dans le bassin caribéen. Depuis quatre ans, elle organise des concours d’écriture permettant l’émergence et la révélation de jeunes talents. En partenariat avec le Rectorat et la DRAC, elle a mis en place dans les établissements scolaires et les prisons des rencontres avec des metteurs en scène, des acteurs et des auteurs confirmés. Dans les locaux de Fonds Saint-Jacques, éditeur, auteurs dramatiques viennent régulièrement animer des ateliers d’écriture pour les apprentis-dramaturges.

ETC Caraïbe œuvre à l’ouverture et au métissage culturels. Avec ces intervenants de tous horizons (cubains, vénézueliens, canadiens, français, africains…) et ses actions dans de nombreuses villes en France (Paris, Avignon, Toulouse…) et à l’étranger (Montréal, Caracas, bientôt New York…) ETC Caraïbe offre une chance extraordinaire de faire rayonner notre culture insulaire et de nous ouvrir au monde.

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« La petite maîtresse » de Dominiqque Sels

 

Invitée d’un salon mensuel des « Amis de Jean-Baptiste Botul », la romancière Dominique Sels publie La Petite Maîtresse, dialogue qui fait revivre cette soirée. Le préambule, intitulé « Les Arlésiens », est inspiré par « ce philosophe insaisissable qui porte le prénom de Molière et ressemble à Socrate ». L’auteur y étudie la catégorie des Arlésiens, personnages littéraires ou de fantaisie qui, tels Socrate au banquet, déclarent n’être « rien », ou telle l’Arlésienne d’Alphonse Daudet, ou Dulcinée chez Cervantès, ne se montrent pas, sont en creux, et catalysent les passions. La causerie est ensuite largement consacrée à un autre thème, issu lui aussi d’une lecture du Banquet de Platon : les amours avec écart d’âge (d’où le titre La Petite Maîtresse), amours célestes dont les fruits sont des livres, des tableaux, des carrières, plutôt que des enfants. Tournées vers la création plutôt que vers la procréation, ces amours étaient dans l’Antiquité strictement masculines. Dominique Sels, qui en appelle à la notion de neutre, les étend à des personnes d’un genre indifférent. Ces amours intéressent par conséquent la fécondité artistique et intellectuelle des femmes, relativement récente.

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Un projet de GDF-Suez met en danger les dernières tribus isolées d’Amazonie,

par Jean-Marie G. Le Clézio et Jean-Patrick Razon —

gdf_suez_amazonieLe groupe GDF-Suez a entrepris en 2008 la construction de l’un des plus grands barrages du Brésil. D’une capacité de 3 300 MW, le barrage de Jirau, qui devrait entrer en exploitation d’ici deux ans, fait partie d’un programme controversé qui prévoit la construction de quatre centrales hydroélectriques dans le bassin de la rivière Madeira, un affluent de l’Amazone. Ce projet, le plus important d’Amérique latine à l’heure actuelle, s’inscrit dans le « Programme de croissance accélérée » lancé en 2007 par le président Lula : il représente plusieurs centaines de kilomètres carrés de retenue d’eau, dont 258 km2 pour le seul barrage de Jirau ; il menace non seulement la diversité biologique et socioculturelle de la région, l’intégrité des territoires occupés par les peuples indigènes, les communautés riveraines et d’autres populations locales vivant dans la région du bassin de la Madeira, mais aussi la survie même de certaines des dernières tribus isolées du monde.

Principal affluent de l’Amazone, la Madeira est située dans l’Etat du Rondônia, au nord-ouest du Brésil.

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Le francophone est-il une langue étrangère ?

par Hubert Haddad

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Etre un francophone qui a réussi, c’est avoir sa résidence intellectuelle secondaire à Saint-Germain-des-Prés

   Même si la pesanteur et les réflexes néocoloniaux demeurent inhérents à toute position dominante, on ne peut guère affirmer que les médias, l’édition, le public, bref la France dite métropolitaine, ait une représentation post-coloniale de ce qui se passe dans le vaste ailleurs de la langue française. C’est davantage d’une perception et d’un positionnement élitistes qu’il s’agit, celui d’un certain jacobinisme intellectuel, du parisianisme pour tout dire, mode sélectif d’exaltation des différences cher au protectionnisme, à l’occasion caudataire de la bourgeoisie éclairée.

Le désaveu implicite pour les expressions littéraires extra-territoriales rappelle celui qui avait cours naguère, en direction des provinces françaises : un écrivain isolé dans le Cantal ou l’Ardenne avait peu de chances d’exister un jour s’il ne montait pas à Paris, dans la foulée d’un Lucien de Rubempré. Rimbaud était considéré comme un rustre par Banville et sa coterie. Les poètes maudits sont presque tous des horsains, des provinciaux présomptueux.

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« EIA » : les noces blanches du théâtre et du slam

— par Roland Sabra —

Les metteurs en scène Eric Delor et josé Exélis nous proposaient le 31/03/10 à L’Atrium une version revisitée, plus épurée de « EIA » crée en juin 2009 à l’occasion de l’anniversaire d’Aimé Césaire. L’originalité de la démarche consiste à essayer une alliance entre le théâtre et le slam. Le slam, dont on a pu entendre une belle prestation il y a peu à l’Atrium avec « Grand corps malade » relève à l’origine de la joute oratoire. La rythmique du poème procède par assonances, allitérations, onomatopées et répétitions consonantiques. Les champs lexicaux mêlent avec plus ou moins de bonheur les registres du familier et du soutenu, de l’argot et de la préciosité, le verlan et les anglicismes. Du point de vue argumentatif dominent l’apostrophe et l’impératif, modes d’expression d’une violence dénonciatrice des injustices sociales. La forme semble en parfaite adéquation avec la dénonciation du colonialisme, du racisme, de l’esclavage, de l’oppression, de la société de consommation etc., ces thématiques lancinantes et récurrentes que tout artiste antillais se doit d’arpenter s’il veut se faire un chemin.

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Une Biennale de danse à Cuba

  — Par Raphaël de Gubernatis —

malsonPour créer des liens et stimuler des échanges entre artistes très isolées des grandes et petites Antilles, Cultures-France a créé une Biennale de danse Caraïbes à la Havane.

La seconde édition de cette entreprise militante et généreuse s’est heurtée à la triste réalité du terrain. Elle n’aura probablement pas de suite.

Au fond, tout a débuté par une mission de Cultures France, le fer de lance de l’action culturelle du Ministère des Affaires étrangères. Une mission menée par Sophie Renaud dans la myriade d’îles qui courent entre les deux Amériques, de la pointe du Yucatan aux rivages du Venezuela et des Guyanes. Des îles jadis colonisées par les Espagnols, les Portugais, les Français, les Anglais ou les Hollandais, dont on prit bien soin de massacrer les populations aborigènes que remplacèrent bientôt des Africains arrachés à leurs terres, et bien plus tard parfois des Indiens ou des Chinois, mêlés aux Européens. Des îles on l’on parle espagnol, français, anglais, créole, peut-être même encore flamand….ou mandarin. « Un formidable laboratoire de la diversité culturelle » s’extasie justement Sophie Renaud, « mais dont on ne prend pleinement conscience qu’en volant d’île en île et en y rencontrant jour après jour artistes et personnels politiques ».

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C’est la question qui importe

— Par Dany Laferrière —

 

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Dany Laferrière

Dans quelle langue écrivez-vous ?, me demande Le Monde. Bien sûr le mot langue qui tient un certain nombre d’écrivains, ceux du Tiers-monde notamment, à la porte de la littérature – on arrivera un jour à la question du style -, est encore là, mais la vieille question a changé si radicalement de forme que j’ai dû la relire trois fois pour bien la comprendre.

J’étais habitué à ce qu’on me fasse le reproche de ne pas écrire dans ma langue maternelle. Comme si un huissier m’indiquait brutalement que le terrain sur lequel je venais de construire ma maison ne m’appartenait pas. Avec cette dernière question, j’ai l’impression d’avoir enfin le choix. Un vent frais. Et si je la garde un peu dans ma main, la retournant dans tous les sens, comme un enfant fait avec un objet étrange et beau qu’il vient de trouver et dont il se demande à quoi ça peut bien servir, c’est que je veux savourer le moment. En vingt-cinq ans de présence sur la scène littéraire, c’est la première fois que je ne me gratte pas l’avant-bras avant de répondre à une question.

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« L’orchidée violée »: tout est à faire

— Par Roland Sabra —

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Photos Philippe Bourgade- Tous droits réservés.

José Exélis est un metteur en scène martiniquais des plus talentueux. Il nous a présenté l’esquisse de l’esquisse d’un travail  sur un texte de Bernard Lagier avec deux personnages incarnés par Amel Aïdoudi et un musicien Alfred Fantone Si le texte de Bernard Lagier est marqué de quelques envolées lyriques, de quelques belles images, sa construction demeure un peu confuse et le fil du propos n’en n’était que plus difficile à suivre.  Le travail à peine commencé de José Exélis, cinq services de répétition tout au plus pour  se présenter devant le public, s’appliquait donc à un texte  lui-même un peu brouillon. On devinait qu’il était question d’inceste et de liens forcément ambivalents entre la mère et l’enfant issu de ce drame. Amel Aïdoudi qui peut être admirable quand elle est dirigée peut être aussi insupportable quand elle est livrée à elle-même sur un plateau. C’était le cas. Dans ce genre de situation elle s’accroche à sa belle tignasse comme à une bouée de peur de couler sous le texte qu’elle ne peut faire vivre faute de se l’être approprié préalablement.

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Kanel Brosi : le temps de la maturité

— Par Roland Sabra —

kanel_brosi_sculpturesKanel Brosi expose jusqu’au 27 mars, de 10 à 19 heures, à l’Atrium en compagnie de la peintre Nicole Décoté, dont on peut voir une toile ci après. Si l’œuvre de la peintre semble porter le sceau d’une recherche toujours en mouvement celle de la sculptrice semble marquée par la « trouvaille » et la maturité. Elle a accordé un entretien à Roland Sabra.

 Roland Sabra : Kanel Brosi, depuis quand cette passion pour la sculpture à partir de bois flottés ?

Kanel Brosi : Passion oui, bois flottés pas seulement, puisque, quand j’étais petite fille, j’étais toujours perchée dans les arbres : je me pendais à l’envers aux branches en me cachant, et on me cherchait. J’ai toujours aimé le bois. Mais j’ai vraiment découvert les bois que l’on a en Martinique depuis 15 ans, à mon retour ici : j’ai redécouvert que l’on avait véritablement des trésors de bois, que j’ai commencé à accumuler.

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Un tiers des installations photovoltaïques sont à risque

Plus d’une installation photovoltaïque sur trois souffre d’un défaut de conformité avec les normes de sécurité, engendrant un risque d’électrocution ou d’incendie. C’est le message d’alerte que lance le Comité national pour la sécurité des usagers de l’électricité (Consuel). Un organisme, reconnu d’utilité publique et placé sous la tutelle de la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), dépendant du ministère de l’écologie et de l’énergie, qui a pour mission de vérifier la conformité des installations.

Ce comité vient de rendre public le bilan des contrôles qu’il a effectués en 2009. Sur 2 341 installations photovoltaïques passées au crible, 864, soit 37 %, ne satisfont pas aux règlements et normes de sécurité en vigueur. Ce pourcentage marque un léger progrès par rapport à 2008, où 45 % des équipements contrôlés avaient été épinglés. Mais, compte tenu de la forte croissance du parc, le nombre d’installations hors normes est en réalité en hausse. Encore le Consuel n’a-t-il expertisé que 8 % des quelque 30 000 nouveaux systèmes photovoltaïques mis en service en France en 2009.

Dans la très grande majorité des cas, il s’agit d’installations de faible puissance, inférieure à 3 kilowatts.

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Le bilan désasteux d’AMJ : réponse à Jean Crusol

— Par Michel Branchi, Economiste et ancien Commissaire de la Concurrence et des Prix

Ce texte nous est transmis par Michel Branchi, économiste et membre du Bureau politique du PCM. Politiques Publiques n’avait pas en son temps reçu ni publié le texte de Jean Crusol, auquel Michel Branchi fait référence. Vous le retrouverez, pour une lecture complète, dans la seconde partie de cet article.

Une contre-vérité scientifique : La Région Martinique n’a pas « cassé la croissance économique ».

chiffres Afin de rendre le président de la Région sortant responsable de la crise que vit le pays, son concurrent direct a utilisé les services de Jean Crusol, agrégé d’économie, ancien premier secrétaire départementaliste de la Fédération socialiste ayant voté contre la collectivité unique en décembre 2007. Ce dernier a produit un libelle virulent intitulé « le bilan désastreux du président sortant de la Région Martinique diffusé sur internet et dans « Le Progressiste » (n° 2010 du 3 mars 2010).

Le professeur Jean Crusol accuse Alfred Marie-Jeanne d’avoir « cassé la croissance économique de la Martinique », notamment en ayant réduit l’investissement régional de 10 % au début de sa première mandature en 1998 et 1999 et en ayant choisi de rembourser la dette régionale en deux ans, soit 137 millions d’euros.

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Bach fut-il un jeune homme capricieux ?

— par Selim Lander — 

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J.-S. Bach en 1715

 

La Disgrâce de Jean-Sébastien Bach
de Sophie Deschamps et Jean-François Robin

Le comédien Serge Barbuscia, après s’être mis en scène lui-même devant les spectateurs de l’Atrium dans J’ai soif, a proposé au même public une production de sa compagnie, le Théâtre du Balcon, conçue à partir d’un épisode réel de la vie du compositeur Jean-Sébastien Bach (1685-1750). L’anecdote se situe en novembre 1716. Notre héros, encore jeune mais déjà célèbre compositeur, est au service du prince de Weimar. Davantage préoccupé de suivre son génie que les desiderata de son maître, il finit par s’attirer les foudres de ce dernier qui l’enferme dans un coin de son palais. Il ne sortira pas de sa prison tant qu’il n’aura pas livré une cantate pour le 1er dimanche de l’Avent.

Une note des auteurs nous renseigne sur leurs intentions. Leur texte, écrivent-ils « traite du combat de Bach contre l’obscurantisme et sa lutte pour une création sans contrainte ». Une autre note, du metteur en scène cette fois, précise sa lecture du personnage.

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Le Bilan Désastreux d’Alfred Marie-Jeanne,

 — par Jean Crusol —

bilan « Le président sortant de la région Martinique, avec ce qui lui reste de zélateurs, sillonne la Martinique en répétant : « j’ai un bon bilan, je n’ai pas endetté la région, j’ai même des excédents, je mérite que l’on me confie une troisième fois la région » sous-entendu « en dépit de toutes mes turpitudes à la Dominique, à la Grenade et ailleurs ».

Il est grand temps de tordre le cou aux fausses vérités et aux âneries que le sortant prétend présenter comme des preuves de bonne gestion.

Comment il a cassé la croissance économique de la Martinique ;

Sous prétexte de résorber un hypothétique déficit – alors que les finances régionales étaient parfaitement saines- le sortant a passé les deux premiers budgets de 1998 et 1999, à désendetter massivement la région. 137 millions d’euros furent ainsi remboursés en deux ans. Ce qui prouve, au-delà du conservatisme et de l’incompétence du personnage, en matière financière et budgétaire, qu’il n’y avait pas de déficit régional ! En effet, comment une collectivité pourrait-elle rembourser en si peu de temps une somme aussi importante si elle n’avait pas une excellente situation financière ?

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« Black is Black » : Littérature et tir à l’arc

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Note sur Black is Black, un récit de Raphaël Confiant (Monaco, Ed. Alphée, Jean-Paul Bertrand, 2008, 263 p., 19,90 €).


Par Michel Herland

A-t-on suffisamment prêté attention à Black is Black, cet ouvrage de Raphaël Confiant (RC) classé par lui dans le genre du « récit », probablement parce qu’il ne s’est guère soucié de nouer une intrigue, juxtaposant simplement le parcours quelque peu erratique de son narrateur, Abel, et les aventures érotiques de la prodigieuse Évita ? Ce récit, donc, mérite pourtant d’être connu, pas nécessairement pour les passages pornographique (est-ce là la raison du choix d’un éditeur aussi incongru que les éditions monégasques Alphée ?) qui devraient néanmoins combler les amateurs de ce genre de littérature, mais plutôt pour ce qu’il révèle de la vision de l’auteur sur la Martinique d’aujourd’hui.

Contrairement à beaucoup d’autres écrits de RC, Black is Black s’inscrit résolument en effet dans la Martinique moderne, ce petit monde en voie de « décréolisation » et de « décivilisation » que l’auteur a théorisé par ailleurs (Antilla, n° 1375, p. 46-47). On y retrouve les deux personnages récurrents des livres appartenant à la même veine (La Savane des pétrifications, La Baignoire de Joséphine), Saint-Martineau, professeur de mathématiques au lycée Schoelcher et la belle « Saint-Dominguoise », Anna-Maria de la Huerta dont Abel reste l’éternel amoureux.

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«Les Antilles antan lontan» d’Ernest Pépin.Nostalgie quand tu nous tiens.

 

 Par Michel Herland.

Les éditions HC (comme Hervé Chopin), bien connues en Martinique, ont fait appel à Ernest Pépin pour commenter des cartes postales anciennes des Antilles dont la plupart avait déjà été présentées au public dans un livre publié en 2001 sous le titre « Antilles d’antan ». D’une édition à l’autre, le nombre de pages a augmenté, la maquette s’est aérée et, surtout, la taille et la qualité de la reproduction des images se sont grandement accrues, certaines photographies faisant même l’objet d’une présentation pleine page (24,5 x 32 cm) sans que cela nuise en rien à la netteté de l’image.

Beaucoup de photos valent surtout en tant que témoignage d’une époque disparue. Même les moins pittoresques nous touchent, par exemple celles qui présentent simplement les bâtiments d’une usine à sucre, parce qu’elles nous montrent à quoi ressemblaient vraiment, lorsqu’ils étaient en activité, ces bâtiments dont nous découvrons les vestiges envahis par la végétation au gré de nos promenades dominicales. Nous mesurons alors combien ces constructions industrielles, censées matérialiser la richesse des planteurs, étaient en réalité modestes.

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