Hugues Lagrange, l’auteur du «Déni des cultures», publie un essai passionnant sur la vie des immigrés du Sahel en Ile-de-France, qui fait un singulier écho à la guerre du Mali. Entretien.
Au moment où sort votre nouveau livre – «En terre étrangère» consacré aux immigrés du Sahel qui vivent en Ile-de-France, la France est en guerre au Mali…
Hugues Lagrange : Cette guerre jette une lumière vive sur les divisions morales des sociétés du Sahel. Bien avant les indépendances, à la fin du XIXe siècle, des réformateurs musulmans avaient affirmé la nécessité d’adapter la loi familiale musulmane à la modernisation des sociétés. En 2009, au Mali, l’adoption d’un Code de la Famille égalitaire entre les sexes a suscité des affrontements. Aujourd’hui, les djihadistes prétendent instaurer la charia. Les enjeux moraux, notamment la place de la femme, escamotés au moment des indépendances, surgissent ainsi, et ces débats qui s’énoncent dans la violence de la guerre ne sont pas sans résonance dans l’immigration.
Cette immigration, vous la racontez dans un texte singulier. Parfois même poétique. Pourquoi avoir choisi ce ton si personnel?
Cela vient peut-être du sentiment d’un échec (auquel j’ai participé) des sciences sociales qui peinent à rendre compte du rapport à des êtres qui vous impliquent.