— Par Hans Magnus Enzensberger (Poète, écrivain, traducteur et journaliste) —
Elle fut toujours bruyante. Aujourd’hui, on peut encore entendre, sur un certain nombre de marchés, la voix des camelots. Elle est agaçante, mais inoffensive. Lorsque la révolution industrielle lança le coup d’envoi de la consommation de masse, la réclame passa au régime industriel. Dans les milieux qui se prenaient pour l’élite, on tint longtemps pour vulgaire de se vanter soi-même, ou de vanter ses produits. Le fait que le secteur ait rebaptisé son activité « publicité » n’a pas amélioré sa réputation.
Des natures moins snobs participent aujourd’hui comme jadis à des jeux-concours, échangent des bons de réduction et comparent remises et promotions-bonnes affaires. Comment peut-on parler avec autant de bonhomie du terrorisme de la publicité ? N’est-on pas trop optimiste ? Et en quoi le tam-tam du camelot a-t-il absolument à voir avec la politique ?
Même si la clientèle ingénue ne veut rien en savoir, il est un fait : la politique s’est très vite emparée de la publicité − l’inverse étant tout aussi vrai. La publicité est devenue, au plus tard à partir des années 1920, une force politique.