— Par Serge Letchimy —
L’horreur commence sitôt la première atteinte, le premier sang, le premier mort. Elle est d’emblée totale. Toute atteinte à l’humain déclenche un abîme sans limites.
Dès lors, toute hiérarchisation des crimes contre l’humanité peut être aventureuse. Il ne saurait y avoir de plus grand crime par-ci, de moins grand crime par-là. La proximité temporelle, l’immédiateté géographique, le voisinage sensible, les films, images ou autres qui se trouvent disponibles, les usures ou les frappes de l’oubli, les prééminences ou les dominations, infléchissent notre esprit dans le bourbier de cette ornière. Qu’il soit très proche ou pas, qu’il avale nos semblables ou qu’il terrasse des étrangers… l’abîme reste l’abîme ! La haute conscience devrait pouvoir s’en préserver et, à chaque fois, atteindre tout de suite le même éclat de vigilance, l’exacte intensité d’une absolue condamnation.
En la matière plus que toute autre, la mesure ne saurait être de mise. La Traite des nègres, l’esclavage américain, l’ouvrage colonialiste en son ensemble, les génocides amérindiens, la Shoah, les purifications sordides, les actes de guerre odieux… relèvent toujours d’un même principe : l’inhumain est au cœur de l’humain.