— Par Roland Sabra —
Noir. Faible lumière. Elle est là, dans le coin gauche du rectangle dessiné sur plateau. Noir. Faible lumière. Lui on le devine, en fond de scène, coté jardin. Elle L’oubliée. Lui, la présence, la musique. Lui se fera oublier. Elle, sa voix, sa voix, surtout sa voix qui débordera l’espace du cachot. Le noir de la salle et le noir du plateau confondus. Le noir de l’oppression. L’obscur percé par un objet lumineux : l’espace de jeu de la comédienne. Elle dit l’obscur qui la contient pour en faire un chemin vers sa lumière. Elle, « L’Oubliée », fille de sa Manman Bizarre et du « Vieux Maître », demi-sœur révoltée de celui qui l’enferme, inscrite dans une mémoire d’Afrique par une « Belle Congo », enceinte imaginaire d’un « vieil esclave » qu’un molosse indocile pourchasse. Elle est là toute. Et la scène ne peut la contenir. Elle envahit l’espace du théâtre. Elle saisit le spectateur par les tripes.
José Pliya confirme, s’il en était besoin, son talent de passeur entre littérature et théâtre. Son adaptation réalise ce miracle de convoquer l’essentiel de la représentation foisonnante du roman de Patrick Chamoiseau en ne retenant que la parole de la petite chabine et sans briser le continuum narratif du récit.