— Par Aimé Charles-Nicolas, Professeur Emerite de psychiatrie et d’addictologie —
Cette manifestation avec tous ces chefs d’État à Paris en tête de cortège a entrainé une exaltation patriotique. La Marseillaise a été chantée dans plusieurs cortèges et à l’Assemblée nationale. Cela ne s’était pas vu depuis la Libération. Les Français ont fait peuple et ont clamé leur fierté.
En effet la puissance symbolique de la manifestation du 11 janvier ne doit pas être sous-estimée. Elle a changé la vision du monde et la doxa internationale. Le raccourci « musulman-islamiste-terroriste » est installé dans les esprits. Alain Finkelkraut a bien résumé cet état d’esprit : « L’islamisme n’est pas sans lien avec l’islam » . L’idée qu’Israël est dans son droit a été renforcée et intériorisée. Et tous ces massacreurs, kamikazes, frères Kouachi et autres fous de Dieu et Daesh ont démontré qu’ils tiraient contre eux-mêmes, ils ont déclenché ce processus et leurs balles sont – toujours – de vrais boomerangs, une preuve de plus en est (quasi comique) qu’il oublie sa carte d’identité dans la voiture volée! En tous cas, leurs carnages nous entrainent, vous et moi, dans leur spirale de mort.
Sociologie
Réflexions sur la nation et la République
— Par Kenjah —
La confusion, entretenue en France depuis trois siècles, entre la nation et la République est la matrice la plus propice à tous les amalgames. Depuis la Révolution, la tradition politique française fait le grand écart entre une construction ethnique de la nation et une conception universaliste de la République. Ce grand écart, fondé dans l’expérience coloniale et l’exploitation d’un empire mondialisé, s’incarne dans le concept d’État-nation, dans lequel les principes universels de la République sont soumis aux impératifs de la domination ethnique et de l’exclusion des différences.
Il faut renoncer à toute illusion de voir les Français « de souche » réformer cet imaginaire revendiquant ses racines judéo-chrétiennes et une mission civilisatrice lui conférant une forme prétendue de supériorité essentielle. Qui pourra faire obstacle à cette volonté de rétrécissement, à ce choix du plus étroit ? Plus que jamais, la France est face à elle-même et à son destin.
Un vent de pogrom et de ratonnade se lève sur la France. Je ne m’imposerai pas à ceux qui me rejettent et me relèguent dans leurs marges. Me revendiquant enfant de la République, je ne me reconnais pas dans cette nation arrogante et aveugle, même quand elle se veut de bonne foi, comme un entraîneur de football.
Théâtre
La Nuit des rois
Comédie de W. Shakespeare, mise en scène par Clément Poirée,
— Par Michèle Bigot —
Théâtre d’Ivry, Antoine Vitez, du 05/01 au 01/02 2015
La nuit des rois, (twelfth night ) ou le douzième jour après Noël, c’est la nuit de l’enfermement dans le silence nocturne et l’obscurité hivernale. C’est cette ambiance qu’a voulu recréer sur scène Clément Poirée avec la complicité de son scénographe Erwan Creff. Comme il nous l’a confié lors d’une rencontre en bord de scène, c’est la vision d’une photo d’un dortoir de Sibérie qui lui a inspiré cette atmosphère pleine de mystère et de douleur rentrée. Et c’est de cette même photo que sont nés le décor et le dispositif scénique : quatre lits à baldaquins, garnis de tentures blanches, évoqueront à la fois la réclusion et la possibilité d’une évasion, au gré des mouvements du mobilier et des rideaux.
Le rideau est devenu depuis G. Strehler l’élément scénique le plus propice pour exemplifier la tempête shakespearienne et tous les flux et mouvements inhérents à l’esthétique baroque. Sa fluidité, les jeux de lumière qu’il autorise, les dessins qu’il supporte, tout cela est exploité d’emblée dès la première scène qui raconte la tempête, le naufrage, et l’arrivée inopinée dans un pays de légende.
Cinéma
« La Famille Bélier », ou Du sens du verbe « entendre »
A Madiana
— Janine Bailly —
M’intéressant d’assez près au problème de la surdité, ayant entendu et vu diverses présentations, souvent fort dithyrambiques, dans des émissions dites populaires, ayant lu ici-même la critique positive signée Roland Sabra, et d’autres négatives dans divers organes de presse, j’attendais avec impatience de pouvoir « juger sur pièce » le film d’Éric Lartigau et Victoria Bedos. À ma grande surprise, il était déjà arrivé sur les écrans de Madiana, et je m’y suis précipitée ! Et je n’ai boudé ni ma joie ni mes larmes !
Il se trouve que je venais de lire l’ouvrage autobiographique de Véronique Poulain, inspiratrice et conseillère du film, elle-même enfant entendante de parents sourds, et qui fait une brève apparition sous les traits de cette cliente du marché, stupéfaite de n’obtenir, comme réponse à sa demande, que le sourire de Gigi (Karin Viard, la mère). La réplique de Paula (Louane Emera, la fille) donne alors en partie le ton du film : « Elle sourit, je parle, lui il encaisse. C’est la division du travail » (« lui », c’est le frère).
Sociologie
Lettre à Riss, nouveau rédacteur en chef de Charlie Hebdo.
— Par Patrick Singaïny[1] —
Comment appréhender la liberté d’expression dans notre espace laïc après l’attentat du 7 janvier 2015 contre Charlie Hebdo et ses caricatures de Mahomet ?
Je me souviendrai toujours d’Aziz, merveilleux dessinateur et peintre, et de ses amis étudiants en arts, des Marocains, des Algériens et des Tunisiens qui comme moi fréquentaient les cours d’histoire de l’art médiéval à la faculté des arts d’Amiens au début des années 1990. J’ai gardé en mémoire les effets déflagrateurs du premier cours durant lequel j’ai entraperçu, entre les passages de diapositives, des têtes baissées quand l’iconologie de la Vierge et du Christ était dûment abordée et montrée. Pourtant intrigué, il m’était impossible de leur parler, tellement leurs yeux rougis au sortir du cours m’intimidaient. C’est autour d’un thé, qu’Aziz m’a expliqué leur désarroi. Tous avaient cru au prosélytisme. Tous avaient été profondément offensés. Réunis chez moi, mes amis maghrébins ont subi un cours de laïcité. Je me souviens avoir beaucoup insisté sur le fait que l’art qu’ils étaient venus étudier s’était débarrassé depuis longtemps de la tutelle de l’Eglise.
Politiques
« Pour une refondation démocratique de l’Europe »
— Par Thomas Piketty —
Alors même que l’économie est repartie partout ailleurs, aux États-Unis comme dans les pays de l’Union européenne restés en dehors de la zone euro, le nouveau traité budgétaire adopté en 2012 sous la pression de l’Allemagne et la France, qui organise l’austérité en Europe (avec une réduction excessivement rapide des déficits et un système de sanctions automatiques totalement inopérant), a conduit à une récession généralisée en zone euro. En vérité, une monnaie unique ne peut fonctionner avec 18 dettes publiques et 18 taux d’intérêt sur lesquels les marchés financiers peuvent librement spéculer. Il faudrait investir massivement dans la formation, l’innovation et les technologies vertes. On fait tout le contraire.
Le plus triste, dans la crise européenne, est l’entêtement des dirigeants en place à présenter leur politique comme la seule possible, et la crainte que leur inspire toute secousse politique susceptible d’altérer cet heureux équilibre. Face à cet entêtement, on peut se poser la question de savoir quels chocs pourraient permettre de faire bouger les lignes ? Il y a, en gros, trois possibilités : une nouvelle crise financière ; un choc politique venant de la gauche ; ou bien un choc politique venant de la droite.
Théâtre
« Résister c’est exister » Textes d’Alain Guyard, mise en scène d’Isabelle Starkier
Au T.A.C. Jeudi 22 Vendredi 23, Samedi 24 Janvier 2015 à 19h 30
—Dossier de presse —
Au Théâtre Aimé Césaire (T.A.C.)
Comment dire non ? Comment refuser ? L’acte le plus facile et le plus dur à la fois, que tout le monde peut faire et que peu accomplissent. Dans Résister c’est exister, François BOURCIER, seul en scène, endosse le costume d’une vingtaine de personnages. Simple citoyen, retraité, médecin, ménagère, proviseur, étudiant, paysan qui ont un jour, par conviction, par compassion ou tout simplement parce que «trop c’est trop», fait acte de résistance.
Résister ce n’est pas toujours saboter des ponts, c’est parfois crier : «Vive la France» et risquer sa vie. À l’aide de témoignages authentiques, il crée un moment de théâtre vivant, parfois drôle, toujours poignant. Dans cette leçon d’histoire originale, le spectateur trouvera les clés pour comprendre la résistance d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Drôle souvent, tragique parfois, toujours émouvant, ce spectacle nous fait toucher du doigt notre propre résistance éternelle, permanente, celle qui nous fait exister. un hymne au courage simple, à la liberté, à l’audace, à l’engagement, à l’humanité tout simplement !
Théâtre
« Résister c’est exister » : les scenari de la liberté
Au T.A.C. jeudi22, vendredi 23, samedi 24 janvier à 19h30
— Par Christian Antourel —
…« Sur le thème des micro-héroïsmes de la Résistance pendant la seconde guerre mondiale ce spectacle crée une tension dramatique très soutenue Tous ces petits gestes et gens sans noms qui ont réagi et ont lutté contre l’oppression nazie sans y avoir été préparés, comme un geste qui émerge pour ne pas se laisser engluer par l’humiliation et la peur »…
Dans le contexte de la grande guerre, Isabelle Starkier met en scène des personnages qui ont tous dit non à leur façon à l’oppression, à l’injustice et à la cruauté à un moment ou à un autre. Cette pièce nous redit ces hommes et ces femmes, semblables à nous qui ont fait preuve de force et de courage dans des situations diverses, par leurs paroles ou de petits actes « anodins.» Mais qui prennent toute leur importance, quand on sait qu’ils mettaient leur vie en danger car « Résister, ce n’est pas toujours saboter des ponts» C’est un spectacle qui nous interpelle sans moralisme outrancier sur ce qu’il y a de meilleurs en nous, quand la mise en scène nous fait revivre l’engagement des Résistants et des justes sous l’occupation.
Sociologie
Réflexions sur le temps présent
Dix jours après
— Par Michel Pennetier —
Les évènements tragiques à Paris qui viennent de nous bouleverser ont suscité beaucoup d’émotion. Celle-ci est légitime, cependant subjective par définition. Elle peut conduire à des jugements hâtifs, raviver des préjugés, conduire à la stigmatisation d’un groupe humain et même à la violence à l’égard de celui-ci. L’origine des préjugés est de prendre les mots pour la réalité. Que disons-nous quand nous employons les termes : Islam, musulmans, judaïsme, juifs ? Combien de réalités se cachent sous ces noms qui portent des histoires millénaires, des textes symboliques difficiles à décrypter et dont les interprétations sont multiples, des hommes et des femmes, des enfants dont l’être ne peut être réduit à quelques adjectifs ou définitions. Il y a une précaution à prendre : ne pas « essentialiser » un groupe humain, une religion ou une culture, mais plutôt essayer de s’approcher de la fluidité et de la variabilité infini du réel. « Tu ne te feras pas d’image » dit la Bible. Image de Dieu mais aussi image d’autrui. Abordons cet autre en lui laissant sa liberté.
Sociologie
Club Med : encore toujours et à nouveau sur le fait syndical martiniquais !
— Tribune de Félix Relautte —
Un jugement du tribunal d’instance de Fort-de-France relance la question du fait syndical martiniquais. Ce jugement signale que l’absence d’invitation de la CDMT à la réunion pour adopter un protocole d’organisation des élections professionnelles n’est pas une cause d’invalidation de ces élections. Ce serait le cas si la CDMT était une organisation représentative “ au niveau national” c’est-à-dire en France. Maitre Mauzole, avocate de la CDMT en la circonstance a eu beau fournir les preuves de l’évidente représentativité de la CDMT dans le secteur concerné (l’hôtellerie) rien n’y a fait. Si les élections au Club Med ont été malgré tout annulées c’est parce que deux autres syndicats (la CSTM et la CGTM/FSM), retardataires dans le dépôt de leurs listes, n’avaient pas accepté que FO soit le seul syndicat à être en lice et donc avaient placé des bulletins réalisés par leurs soins le jour du vote comme cela se fait assez souvent. Le tribunal a refusé cette pratique pourtant établie par l’usage et même par un arrêt de la Cour de Cassation. Les élections seront donc refaites mais pas comme la direction le souhaitait (c’est-à-dire avec le seul syndicat FO).
Cinéma
« Concerning violence » de Göran Hugo Olsson, d’après Frantz Fanon : un codicille
— Par Selim Lander —
Curieux film que ce documentaire politique consacré à la décolonisation en Afrique subsaharienne, des images d’époque éclairées par des extraits des Damnés de la terre de Frantz Fanon. Curieux parce que ce film monté a posteriori et distribué aujourd’hui s’en tient à la geste héroïque de la décolonisation et ne pipe mot de ses suites tragiques.
Le tableau de l’Afrique avant qu’elle ne bascule vers les indépendances est révoltant, comme il se doit. Le cynisme des colons – ceux qui nous sont montrés, en tout cas – est proprement monstrueux⋅ Voilà des gens qui considèrent leur privilège comme allant de soi, qui ne sont prêts à aucune concession, ne veulent rien partager et qui s’apprêtent à décamper si leur pays accorde des droits élémentaires aux noirs.
Echos d'éco
En 2016, les 1 % les plus riches possèderont la moitié de la richesse mondiale
Dans une nouvelle étude publiée en amont de la réunion annuelle du Forum économique mondial à Davos, Oxfam a calculé que l’an prochain, à moins de freiner la tendance actuelle à l’augmentation des inégalités, le patrimoine cumulé des 1 % les plus riches du monde dépassera celui des autres 99 % de la population.
L’organisation internationale de développement, dont la directrice générale, Winnie Byanyima, coprésidera l’édition 2015 de Davos, souligne aujourd’hui que l’explosion des inégalités entrave la lutte contre la pauvreté dans le monde, alors qu’une personne sur neuf ne mange pas à sa faim et que plus d’un milliard de personnes vivent avec moins de 1,25 dollar par jour. Oxfam réclame l’organisation cette année d’un sommet mondial sur la fiscalité pour réécrire les règles fiscales internationales.
L’étude « Insatiable richesse », publiée aujourd’hui par Oxfam, montre que la part du patrimoine mondial détenu par les 1 % les plus riches est passée de 44 % en 2009 à 48 % en 2014, et dépassera les 50 % en 2016. En 2014, les membres de cette élite internationale possédaient en moyenne 2,7 millions de dollars par adulte.
Cinéma
Trop blanche, trop mâle, la sélection aux Oscars fait polémique
Le choix de l’académie américaine de ne retenir aucun acteur du film sur Martin Luther King, «Selma», est contesté.
— Source AFP —
Trop blanche, trop mâle: la sélection pour les 87e Oscars faisait polémique vendredi, l’Académie des arts et science du cinéma américain étant taxée de racisme et de sexisme notamment pour ses choix concernant le film sur Martin Luther King, «Selma».
La sélection pour les Oscars n’a pas retenu un seul acteur ou actrice noire, l’année où «Selma», d’Ava DuVernay, joué essentiellement par des acteurs noirs – notamment Oprah Winfrey et David Oyelowo, dans le rôle du prix Nobel de la paix -, est sacré «meilleur film de l’année» par le site agrégateur de critiques de films RottenTomatoes.com.
Deuxième sélection depuis 1998 sans acteur ou actrice noire
Cette fresque sur la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis, sortie au moment où des manifestations monstres dénoncent à travers tout le pays les violences policières dont s’estiment victimes les Noirs, obtient pourtant un score exceptionnel de 99% d’avis favorables, encore mieux que «Boyhood» (98%). «Ne les avoir nommés que pour l’Oscar du meilleur film et de la meilleure chanson est une honte», dénonce Tom O’Neil, fondateur du site Goldderby.com,
Théâtre
Le bonheur à Saint-Étienne. A propos de « Dans la république du bonheur »
— Par Michèle Bigot —
La pièce de Martin Crimp a rencontré un public aussi jeune qu’enthousiaste à la Comédie de Saint-Étienne, qui a assumé une part de la co-production.
Marcial di Fonzo Bo, avec sa troupe du Théâtre des Lucioles a trouvé dans ce texte de quoi satisfaire son goût de l’humour noir et de la satire sociale la plus mordante. Après avoir fait ses classes avec Alfredo Arias, il poursuit le travail de décloisonnement du spectacle théâtral initié auprès de Matthias Langhoff et privilégie les dramaturges argentins, Copi, et Spregelburd. On se souvient des deux pièces qu’il a présentées à Avignon en 2011, La paranoïa et L’entêtement. Avec sa complice, Elise Vigier il privilégie un théâtre de situations, souvent drôle, parfois franchement cruel, comique et décalé.
Il trouve aujourd’hui, avec Martin Crimp de quoi nourrir sa veine satirique féroce, dans une pièce réjouissante à force d’humour et de causticité.
La pièce se compose de trois tableaux, respectivement intitulés « Destruction de la famille », « Les cinq libertés essentielles à l’individu » et « Dans la république du bonheur ».
Sociologie
Représentation de Mahomet : « L’islam a perdu de vue sa propre histoire »
— Par Bernard Genies —
Le Prophète apparaît dans de nombreux manuscrits. Sophie Makariou, spécialiste des arts de l’islam, déconstruit toutes les fausses idées véhiculées à ce sujet.
Conservateur du patrimoine, Sophie Makariou a rejoint les équipes du Musée du Louvre en 1994. Elle a été nommée à la tête du département des Arts de l’Islam créé en 2003 et dont les nouveaux espaces ont été inaugurés en 2012. En août 2013, elle a été nommée présidente du Musée Guimet, Musée national des Arts asiatiques à Paris. Entretien.
L’Obs Peut-on dire que l’islam interdit la représentation du Prophète et, par extension, de toute figure humaine?
Sophie Makariou Il n’y a pas stricto sensu de condamnation de la figuration dans le Coran. Ce qui est illicite, c’est l’adoration des images et des idoles. Dans l’arabe archaïque, qui est celui du Coran, on appelle idoles les objets tridimensionnels, donc les sculptures – les bétyles –, qui sont censées être le siège de divinités. Mais selon l’appartenance à l’une ou l’autre des familles musulmanes, les deux plus grandes étant le sunnisme et le chiisme, les modes d’interprétation peuvent différer.
Sociologie
J’écris ton nom, Liberté…
Théâtre
« Un dimanche au cachot » : un cheminement vers la lumière
— Par Roland Sabra —
Noir. Faible lumière. Elle est là, dans le coin gauche du rectangle dessiné sur plateau. Noir. Faible lumière. Lui on le devine, en fond de scène, coté jardin. Elle L’oubliée. Lui, la présence, la musique. Lui se fera oublier. Elle, sa voix, sa voix, surtout sa voix qui débordera l’espace du cachot. Le noir de la salle et le noir du plateau confondus. Le noir de l’oppression. L’obscur percé par un objet lumineux : l’espace de jeu de la comédienne. Elle dit l’obscur qui la contient pour en faire un chemin vers sa lumière. Elle, « L’Oubliée », fille de sa Manman Bizarre et du « Vieux Maître », demi-sœur révoltée de celui qui l’enferme, inscrite dans une mémoire d’Afrique par une « Belle Congo », enceinte imaginaire d’un « vieil esclave » qu’un molosse indocile pourchasse. Elle est là toute. Et la scène ne peut la contenir. Elle envahit l’espace du théâtre. Elle saisit le spectateur par les tripes.
José Pliya confirme, s’il en était besoin, son talent de passeur entre littérature et théâtre. Son adaptation réalise ce miracle de convoquer l’essentiel de la représentation foisonnante du roman de Patrick Chamoiseau en ne retenant que la parole de la petite chabine et sans briser le continuum narratif du récit.
Théâtre
« Un dimanche au cachot », adaptation de José Pliya, mise en scène de Serge Tranvouez
Vendredi 16 janvier à 20 heures à l’Atrium
— Présentation par Michel Pennetier (Madinin’Art) —
… Deux récits alternent, se chevauchent, s’interpénètrent ; deux temps, celui du présent et celui du passé de l’esclavage entrent en relation, deux jeunes filles dominent le roman, celle d’aujourd’hui, une jeune délinquante recueillie dans un centre de rééducation nommé « la Sainte Famille », celle du passé, une jeune chabine, esclave sur l’Habitation où un siècle plus tard sera installé le centre. Mais un seul lieu étroit, effrayant où séjournent de manière différente l’une et l’autre, le cachot. L’une dans son désarroi existentiel s’y réfugie, l’autre y a été emprisonnée pour y mourir peut-être. Le « Je » narratif est à la fois l’éducateur qui vient porter secours à la jeune délinquante et l’écrivain qui construit le récit mythique évoquant la jeune esclave. Ce récit, c’est la parole de l’éducateur à la jeune délinquante. Comment nommer cette parole ? Ce serait l’aplatir de dire que c’est un « récit thérapeutique ». On avancerait en disant que c’est « un conte initiatique ». C’est une parole de vie qui traverse la mort.
Sociologie
« Lettre aux acheteurs de Charlie »
L’Union nationale des diffuseurs de presse (UNDP) adresse une « Lettre aux acheteurs de Charlie » pour un point de situation de la livraison pour les jours à venir des exemplaires de Charlie Hebdo. Ce texte rappelle également le fonctionnement de la distribution de la presse, avec ses contraintes industrielles, même en situation exceptionnelle. Le 7 janvier dernier, un odieux attentat a frappé la rédaction du journal satyrique Charlie Hebdo. Cet attentat, et ses suites, jeudi et vendredi ont provoqué un mouvement d’émotion sans précédent, partout en France. Vous vous êtes mobilisés pour les victimes et pour la survie de l’hebdomadaire, au nom de la liberté d’expression qui fonde la démocratie.
Nous sommes particulièrement concernés par Charlie Hebdo
Les 26 000 marchands de journaux de France sont des Français comme les autres, mais ce sont aussi ceux qui – chaque jour – assurent la diffusion des opinions et des idées auprès de leurs concitoyens. Ils sont touchés, donc, à double titre par les événements et se sont mobilisés sans compter sur cette opération.
Nous sommes solidaires de Charlie, y compris financièrement
Ils ont fait preuve d’une solidarité exceptionnelle avec Charlie Hebdo, en abandonnant leurs commissions sur les ventes du million d’exemplaires initialement programmé.
Sociologie
Man pa Charlie!
— Par Daniel Boukman, militant culturel martiniquais —
Mercredi 7 janvier 2015, deux illuminés dont le fanatisme se nourrissait d’une idéologie qui empoisonne et le coeur et l’esprit, ont froidement assassiné les meilleurs de l’équipe du journal Charlie Hebdo.
A travers la France et même au-delà, ce crime souleva des vagues d’émotions . Un slogan « Je suis Charlie » devint le signe de compassions affichées.
Ma raison réfute les divagations de ces gourous qui par le fer et par le feu rêvent le rêve insensé de soumettre le monde à un ordre divin totalitaire dont ils s’autoproclament les dépositaires.
Je refuse de hurler avec les loups (politiques, pseudo philosophes, écrivains renommés, journalistes, chroniqueurs et autres islamophobes) qui hurlent à la mort et dont les hurlements suscitent déjà échos populaires, en France et demain, (qui sait ?) sous nos cieux tropicaux
Cependant ne voulant pas bêler avec les moutons qu’ils soient d’ici, qu’ils soient d’ailleurs, je revendique le droit de déclarer que « JE NE SUIS PAS CHARLIE! »
La liberté d’expression et de conscience est une conquête à préserver mais quand la direction de Charlie hebdo décide de publier ces caricatures qui seront la cause voire le prétexte de cette action criminelle, je n’applaudis pas et je comprends qu’une pareille initiative soit ressentie par les Musulmans comme une profanation, profanation que les tribunaux français n’ont pas jugée comme telle mais qui a dû laisser une blessure profonde au fond du coeur des adeptes d’une religion vécue par des millions et des millions d’hommes et de femmes, et ce qui fut occasion de gaudrioles pour les uns, a armé le bras vengeur de ces deux fous de dieu, de leur dieu.
Santé
Chikungunya : c’est la fin !
Communiqué de la Préfecture de Martinique.
Au cours de la première semaine de janvier 2015, le nombre de cas évocateurs de Chikungunya vus en consultation par les médecins généralistes s’élevait à 179. Depuis le début de l’épidémie (décembre 2013), on estime donc à 72 606 le nombre de patients vus en consultation de ville par des médecins généralistes pour motif de suspicion de Chikungunya. Compte tenu du nombre de malades n’ayant pas consulté un médecin, on peut raisonnablement estimer, selon l’enquête flash réalisée par l’ARS en juillet dernier, qu’au minimum 140 000 personnes vivant en Martinique ont été touchées par l’épidémie (soit près d’1/4 de la population).
Depuis maintenant trois semaines, le nombre de ces cas évocateurs est inférieur à 200 pour 82% des communes de la Martinique. Par ailleurs, l’ensemble des autres indicateurs est toujours en forte régression (consultations aux urgences et SOS médecin en baisse). Le nombre de patients hospitalisés plus de 24h n’a pas évolué (1 265 dont 202 sévères, soit un taux de sévérité toujours égal à 19%) et un nombre de décès liés indirectement au Chikungunya inchangé avec 49 décès à l’hôpital et 34 décès à domicile.
Parutions, Sciences Sociales
Une géographie humaine racontée par celles et ceux qui l’habitent
Romain Cruse
Une géographie populaire de la Caraïbe, adaptation d’Une histoire populaire des États-Unis de Howard Zinn, rompt avec le regard enchanteur et fantastique des clichés touristiques. La Caraïbe est enfin une terre habitée. Romain Cruse mise ainsi sur une géographie humaine : la terre racontée par celles et ceux qui l’habitent. La caméra est braquée sur les villages de pêcheurs de Trinidad et de la Dominique, les quartiers surpeuplés d’Haïti, les Nègres marrons du Suriname, les communautés rasta de la Jamaïque, etc. L’auteur adopte le regard des classes populaires, inspiré d’observations sur le terrain et fondé sur un travail de recherche minutieux. La Caraïbe n’est donc ni un éden, ni un modèle de libre-échange, encore moins une région à forte croissance économique. On y découvre plutôt des sociétés profondément divisées selon des clivages ethniques et sociaux hérités du colonialisme, des bidonvilles dissimulés derrière des décors de carte postale, la manipulation des masses par les élites locales et les investisseurs étrangers⋅ Le géographe Romain Cruse donne à voir et à comprendre la condition caribéenne contemporaine, condition qui se nourrit de cultures et d’histoires singulières.
Cinéma
La famille Bélier… des champs au chant
A Madiana
— Par Roland Sabra —
Synopsis : Dans la famille Bélier, tout le monde est sourd sauf Paula, 16 ans. Elle est une interprète indispensable à ses parents au quotidien, notamment pour l’exploitation de la ferme familiale. Un jour, poussée par son professeur de musique qui lui a découvert un don pour le chant, elle décide de préparer le concours de la Maîtrise de Radio France. Un choix de vie qui signifierait pour elle l’éloignement de sa famille et un passage inévitable à l’âge adulte.
Deux millions d’entrées en deux semaines en France ! Et ce n’est qu’un début ! Pensez, le public parisien qui en a vu d’autres et qui n’est pas spécialement réputé pour ses manifestations délirantes d’enthousiasmes cinématographiques applaudit à la fin de chaque séance. Il faut dire que ce « feel good moovie », se situe dans la lignée « Des intouchables ». Eric Lartigau, qui donne par goût et par formation dans le cinéma de l’absurde constitue une famille de sourds-muets épatante, inspirée d’une histoire vraie, celle de Véronique Poulain, une assistante de Guy Bedos.
Sociologie
« Parler, écrire, imprimer librement… » : la liberté d’expression mise en cause
—Par Maud Vergnol —
La une dessinée par Luz a touché dans le mille. La publication de Charlie Hebdo, hier, a fait voler en éclats l’unanimisme de façade et les hypocrisies politiques. Réactionnaires et intégristes ne manqueront pas d’exploiter ce drame pour tenter de limiter la liberté d’expression.
«Oui, mais… » Les masques sont tombés. La publication de Charlie Hebdo, hier, a fait voler en éclats l’unanimisme de façade et les tartufferies politiques. C’est dire si la une dessinée par Luz, représentant un prophète la larme à l’œil arborant une pancarte « Je suis Charlie », a visé dans le mille, réplique habile aux tentatives d’intimidation et de pression sur la liberté d’expression. Le spectacle indécent du bal des puissants, dont d’éminents fossoyeurs de la liberté de la presse, orchestré dimanche par François Hollande, a repris hier, accueillant fraîchement la publication de l’hebdomadaire satirique. L’État iranien dénonce une couverture « insultante ». « L’abus de la liberté d’expression, qui est répandu actuellement en Occident, n’est pas acceptable et doit être empêché », a fait savoir la porte-parole de la diplomatie iranienne.
Sociologie
L’ASSOKA exige la vérité sur la mort de Francky Alfred
Communiqué de presse
Le mardi 13 janvier 2014, un ressortissant haïtien est mort aux environs de 8 heures à Schœlcher.
La vérité officielle, trop vite proclamée par le Procureur de la République, est que cet homme aurait fui un contrôle de police et se serait jeté d’une falaise.
Les éléments actuellement réunis par l’ASSOKA mettent à mal cette vérité officielle complaisamment relayée par des médias peu curieux.
Francky ALFRED avait 35 ans. Il vivait en Martinique depuis 2011. Il avait une compagne enceinte de trois mois. Il attendait une pièce réclamée par la Préfecture pour finaliser une demande de titre de séjour.
Cet homme n’avait aucune raison de fuir et encore moins de se suicider.
Il se pose un certain nombre de questions sur ce qui s’est passé :
Comment un simple contrôle router s’est-il transformé en contrôle d’identité ?
Comment et pourquoi M. ALFRED a-t-il été arrêté ?
Quel était son statut (gardé à vue, retenu etc…) et que voulait-on faire de lui ?
A quel moment les agents de la Police de l’Air et des Frontières (PAF) sont arrivés sur les lieux ?