Écrivain majeur de la Caraïbe, Patrick Chamoiseau a publié de nombreux essais et romans, parmi lesquels Texaco, couronné par le prix Goncourt en 1992. Ce natif de la Martinique, héritier d’Aimé Césaire et d’Édouard Glissant, a aussi contribué à forger le concept de créolité, qui place la langue créole au cœur d’un projet d’émancipation et de réflexion sur le métissage des cultures. Rappelant qu’il n’existe pas de hiérarchie entre les langues, il nous invite à nous affranchir d’un imaginaire monolingue forcément sclérosant.
Propos recueillis par Agnès Bardon UNESCO
Dans Une enfance créole, vous racontez avoir été frappé de mutisme en découvrant qu’une autre langue que la vôtre, le créole, s’imposait à l’école. En quoi cette expérience première, cette confrontation au parler dominant qu’était le français vous a-t-elle façonné ?
C’était une époque où l’absolu des langues nous avait été imposé par les colonisateurs. Pour justifier leur exploitation du Nouveau Monde, des humains et du vivant, ils avaient développé un Grand Récit justificateur dans lequel les idées de « civilisation », de « progrès », de « développement », d’« universel », d’« identité »… tenaient des places éminentes.