N’Djamena – Le regard vide d’Idjélé est comme figé en direction de l’horizon. Comme un robot, elle frappe avec un lourd marteau un petit morceau de béton qu’elle tient de l’autre main. Un miracle qu’elle ne se blesse pas. Ou le résultat d’une terrible routine…
Au cœur de N’Djamena, la capitale du Tchad, des dizaines de femmes concassent 12 heures par jour, par 45 degrés de chaleur, des blocs de béton, de ciment ou de briques. Elles sont entourées d’une nuée d’enfants dépenaillés et squelettiques, le long d’une route et sur un terrain vague sans ombre, au pied des bâtiments modernes de la Cité internationale des affaires.
Comme Idjélé, 38 ans, elles en paraissent 20 ou 30 de plus. Le visage recouvert d’une poussière blanchâtre qui leur rougit les yeux, les lèvres bouffies et craquelées par la sécheresse extrême, les doigts déformés et écorchés par le sable qu’elles raclent et tamisent pour récupérer le moindre caillou.
Elles sont au cœur d’une sorte de cercle vertueux, s’il n’était pas tragique, de l’économie souterraine de ce Tchad classé par l’ONU troisième pays le moins développé au monde: des hommes achètent des gravats sur les chantiers de démolition et les revendent à ces femmes.