— Par Patrick Chamoiseau —
Ici, quand il pleut, ce sont les gouttes qui font le ciel, qui trament aussi la terre dans une même envolée, mais pas un parmi nous ne connait si ce sont des sanglots de soleil ou les éclats d’une énergie dont nul ne tient le nom, ni comment ce qui scintille dessine d’impalpables matières où le vivant s’assemble parmi les herbes folles à la célébration des vers et la jubilation d’une fougère assoiffée.
On peut hélas compter les papillons, ils sont des événements, balises fantômes de la grande perte et de l’absence où tout s’effondre, mais il y a (heureux bonheur) l’infini des parfums qui s’emmêlent et se distinguent ensemble, légers, mouillés, comme portés de frissons en pensées, jusqu’aux fragrances qui accompagnent le jaunissement des fruits-à-pain… Là j’ai pour vous, une fois encore comme après tant de fois, contemplé la musique architecte des désordres, la forge qui sans cesse détruit et renouvelle, l’épuisement qui devient, cette lancée d’avenir dans cet épuisement même, et j’ai compté pour vous les mesures de l’alliance où se tient ce qui est séparé, tout comme ces horizons qu’il faut apprendre à deviner dans ce qui nous semble obscurément soudé.