— Par Aimé Charles-Nicolas—
Une interview de Maryse Condé dans France Antilles a refait surface récemment sur les réseaux sociaux. Elle porte un titre provocateur au pays d’Aimé Césaire : « La négritude, une construction qui ne repose sur rien ». Elle doit dater de 5 ou 6 ans, il me semble. Elle a donné lieu à de nombreuses réactions des internautes. Maryse Condé, la Guadeloupéenne, se plaint de l’accueil des Africains à l’égard des Antillais en Afrique et précisément des habitants de Guinée et du Ghana à son égard. A partir de son constat, Maryse Condé conclut : « Il n’y a aucune solidarité. Les africains ne nous ont jamais considérés comme des frères. (…) La négritude c’est un mythe, une construction de l‘esprit qui ne repose sur rien de vécu (…) et qui n’apporte rien à l’individu. »
Maryse Condé présente ainsi la négritude comme le sentiment d’appartenance à une grande famille, les Noirs, au sein de laquelle règnent bienveillance et solidarité.
Maryse Condé se trompe. Césaire n’a jamais dit cela. Il définit la négritude dans des vers célèbres du Cahier d’un retour au pays natal :
Ma négritude n’est pas une taie d’eau morte
sur l’œil mort de la terre
ma négritude n’est ni une tour ni une cathédrale
elle plonge dans la chair rouge du sol
elle plonge dans la chair ardente du ciel
elle troue l’accablement opaque de sa droite patience
Les 3 premiers vers disent le refus de la passivité et le rejet d’une certaine image du Noir amorphe, incapable de construire une civilisation, le quatrième dit la force de sa proximité avec la nature, le cinquième dit la volonté d’émancipation, l’aspiration, la fierté.