— Par Aurore Holmes —
Ti Prince, un récit se déclinant en intensités émotionnelles, celles qui sans crier gare, vous étreignent à la gorge. Dès la première page, la première ligne, les premiers mots, les premiers instants, le premier souffle de vie, notre regard de lecteur, étrangement surpris, se confond avec celui d’une mère aimante et anxieuse qui en donnant la vie, s’inflige un combat contre la mort, et désormais, une lutte contre l’intolérance.
Le roman s’impose d’emblée non seulement par sa rareté thématique mais aussi grâce à l’angle par lequel l’auteur, Emmanuel de Reynal, nous invite à percevoir l’intériorité d’un enfant, puis d’un adulte marqué du syndrome de Down. Une intériorité bousculant nos certitudes, nos logiques cartésiennes parfois formatées et souvent ballottées dans un monde ensauvagé laissant si peu de place aux élans d’empathie et d’affection. Le monde des « gens normaux » est en question. Ils ont érigé le quotient intellectuel comme référence absolue de la valeur d’un être humain, référence implacable et glaciale dont nous avons pourtant conscience de l’absurdité et de l’inconsistance.
Ti-Prince est un roman troublant par la force d’amour qui s’en dégage, troublant par ses protagonistes qui se densifient par la relation d’affection nouée avec le personnage principal, ou bien à l’opposé sont rendus insignifiants, basiques, caricaturaux lorsqu’ils se campent sur un comportement de mépris, d’indifférence ou de haine.