—Par Cathy Ceïbe —
La figure historique de la guérilla du Nicaragua meurt assassinée, le 21 février 1934, sur ordre des États-Unis. Aux basses œuvres, on retrouve Somoza, le futur dictateur. Quatre-vingts ans plus tard, la popularité de Sandino est intacte, et son combat anti-impérialiste d’une brûlante actualité.
Il était «le général des hommes libres». Ce surnom, Augusto Cesar Sandino le doit à un Français, Henri Barbusse, fondateur de l’Association républicaine des anciens combattants. Entre les deux guerres, le Nicaraguayen a acquis une renommée mondiale. On pourrait presque parler de mythe. Patriote et anti-impéraliste, Sandino a consacré sa vie au combat pour la souveraineté du Nicaragua, alors bafoué par des dictatures et par l’occupation des États-Unis. Qui aurait pu imaginer que ce fils, né d’une relation entre une paysanne métisse et un propriétaire terrien, allait prendre la tête d’un soulèvement populaire armé à même de mettre en déroute l’armada yankee ? Augusto Cesar Sandino est né à Niquinohomo, en 1895. Son enfance est à l’image des privations endurées par l’immense majorité de ses concitoyens. Il en tirera une grande fierté. Son « plus grand honneur, a-t-il confié, c’est d’être issu du sein des opprimés, qui sont l’âme et le nerf de la race ». Son éveil politique remonte à la première grande invasion états-unienne, en 1912, alors que le pays se révolte contre le régime d’Adolfo Diaz, un fieffé acolyte de Washington. En résistance, le général Benjamin Zeledon est tué lors d’un combat. Le jeune Sandino se recueillera sur sa dépouille et écrira plus tard, lorsqu’il sera le leader de la guérilla : « (Sa) mort m’a donné la clé de notre situation nationale (…) La guerre dans laquelle nous sommes impliqués, nous la considérons comme une continuité de celle-là. »
Augusto Sandino quitte le Nicaragua. On le retrouve au Guatemala, au Honduras. Il travaille comme mécanicien ou encore au sein du mastodonte United Fruit Company, symbole de l’oppression politico-économique américaine dans cette région. Car l’Amérique centrale est, déjà à l’époque, l’arrière-cour par excellence des États-Unis. Au Mexique où il travaille pour des compagnies pétrolières, il se rapproche des milieux révolutionnaires, socialistes, syndicaux et maçonniques. Les luttes de la classe ouvrière contre l’exploitation états-unienne font rage. Sandino ne s’organise pas au sein des mouvements politiques existants, mais y puise des idées qui forgeront sa propre pensée, empreinte de souverainisme, d’humanisme et d’un certain mysticisme comme en atteste son manifeste Lumière et Vérité, rédigé en 1931. Il retourne précipitamment au Nicaragua en 1926, où une guerre civile a éclaté à la suite du coup d’État du général Emiliano Chamorro, soutenu par la Maison-Blanche. Les marines ont officiellement quitté le territoire depuis un an, mais des instructeurs veillent à la formation de la répressive garde nationale. Sandino intègre le soulèvement conduit par le général libéral Moncada et s’illustre déjà à la tête d’une troupe. Retourné par Washington, Moncada renonce à la lutte en 1927. Sandino, lui, refuse de se soumettre. « Je mourrai avec les peu qui m’accompagnent parce qu’il est préférable de mourir comme des rebelles pour ne pas vivre comme des esclaves. » Il plante son QG à San Juan de Segovia et se bat dans un pays de nouveau assiégé par des milliers de marines et les éléments de la garde nationale. Son appel à défendre la souveraineté nationale du Nicaragua est entendu par-delà les frontières. Des frères latinos se joignent à son combat anti-impérialiste, comme le communiste salvadorien Farabundo Marti. La guerre de guérilla menée par ces courageux va-nu-pieds est populaire. De revers en victoires militaires quasi légendaires, sa « folle petite armée », selon l’expression de la poétesse chilienne Gabriela Mistral, réussit le tour de force de faire mordre la poussière aux troupes yankees, les contraignant ainsi à se retirer du Nicaragua le 1er janvier 1933. Le mythe Sandino est né ; le sandinisme a triomphé. En février, il signe à Managua un traité de paix avec le président Sacasa. Durant un an, l’homme au sombrero dénonce les assassinats de guérilleros perpétrés par la garde nationale, dirigée par le funeste Anastasio Somoza, qui instaurera par la suite une dictature sanguinaire.
Le 21 février 1934, après avoir dîné avec le chef de l’État, Sandino ainsi que deux autres généraux sont arrêtés sur ordre de l’administration américaine. Somoza ordonne leur exécution. En faisant disparaître son corps, le futur bourreau de Managua croyait se débarrasser du père de la révolution populaire. Grave erreur.
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