— Par Sabrina Solar —
Une récente étude publiée par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), en collaboration avec Santé publique France, met en lumière une augmentation préoccupante des hospitalisations pour tentatives de suicide et automutilations chez les adolescents, en particulier les jeunes filles et femmes de 10 à 24 ans. Ce phénomène, qui s’accélère depuis une quinzaine d’années, a pris une tournure encore plus dramatique durant la période post-pandémie de Covid-19.
Des données choc
L’étude révèle que le taux d’hospitalisations en médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) a augmenté de 71 % chez les filles de 10 à 14 ans, de 44 % chez les adolescentes de 15 à 19 ans, et de 21 % chez les jeunes femmes de 20 à 24 ans par rapport à la période 2010-2019. Les hospitalisations psychiatriques ont connu une hausse encore plus vertigineuse : +246 % chez les 10-14 ans, +163 % chez les 15-19 ans, et +106 % chez les 20-24 ans.
Deux tiers de ces hospitalisations sont dues à des intoxications médicamenteuses volontaires, suivies par des lésions infligées par des objets tranchants et d’autres gestes violents tels que les pendaisons ou les sauts de hauteurs.
Un impact genré et générationnel
L’augmentation des hospitalisations pour gestes auto-infligés chez les jeunes filles contraste fortement avec la stabilité observée chez les garçons et les jeunes hommes du même âge. Chez les adultes de 30 à 55 ans, les taux d’hospitalisation pour ces motifs ont même baissé de manière continue depuis 2010. Cette disparité pourrait indiquer un phénomène générationnel, où les individus nés dans les années 1970 et 1980 semblent moins enclins à ces actes que leurs prédécesseurs.
Facteurs contributifs
La crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 a exacerbé une tendance déjà inquiétante. Les périodes de confinement, l’isolement social, l’incertitude économique, ainsi que l’exposition accrue aux discours fatalistes concernant les crises écologiques, sanitaires et géopolitiques, ont pu jouer un rôle significatif dans cette dégradation de la santé mentale des jeunes.
Charles-Édouard Notredame, psychiatre au centre hospitalier universitaire de Lille, a souligné l’impact profond des discours de désespoir sur les adolescents, une période cruciale de développement personnel et social.
Variations régionales et socio-économiques
Les disparités régionales sont marquées, avec des taux d’hospitalisation variant fortement d’un département à l’autre. La Somme présente un taux de 260 pour 100 000 habitants, bien au-dessus de la moyenne nationale de 113 pour 100 000. Les régions comme les Hauts-de-France, la Bretagne et la Bourgogne Franche-Comté affichent des taux supérieurs à la moyenne, contrairement aux départements d’Outre-Mer et d’Île-de-France qui présentent des taux inférieurs.
Par ailleurs, les jeunes filles et femmes issues des communes les plus favorisées montrent une augmentation plus marquée des hospitalisations, bien qu’elles soient globalement moins nombreuses que celles provenant des communes défavorisées.
Un avenir préoccupant
Pour 2023, les données indiquent une stabilisation des hospitalisations en MCO pour les 15-19 ans, tandis que les 10-14 ans et les 20-24 ans voient leurs taux augmenter à nouveau. En psychiatrie, la hausse continue, touchant désormais toutes les classes d’âge et les deux sexes, possiblement en raison d’une amélioration du codage statistique dans les établissements de santé.
La situation alarmante de la santé mentale des adolescents et jeunes adultes, en particulier des jeunes filles, nécessite une attention urgente. Le Conseil national de la refondation sur la santé mentale, prévu en juin et juillet prochains, devra accorder une priorité particulière à cette question. Des services de soutien tels que la ligne d’écoute pour les jeunes (0 800 235 236) et le numéro national de prévention du suicide (3114) sont déjà en place pour offrir une aide essentielle en ces temps critiques.