La candidate aux élections régionales en Ile-de-France répond aux commentaires indignés qui, à droite, à l’extrême droite et jusque dans la majorité présidentielle, ont suivi ses propos sur les réunions « non mixtes ».
Tribune. 95 000. C’est le nombre de personnes qui, en cette fin mars, ont perdu la vie, en un an, dans notre pays, victimes du Covid-19. Un terrifiant bilan, hélas provisoire, auquel s’ajoutent le basculement de 1 million de personnes déjà précaires dans la grande pauvreté, les tourments d’une jeunesse sacrifiée, l’angoisse permanente pour des dizaines de milliers de chefs d’entreprises, de petits commerçants et artisans, le casse-tête quotidien de parents, sans recours devant des écoles fermées pour cause de nouveaux cas détectés.
Tandis que monte la troisième vague, soignants, enseignants, personnels qui accueillent des enfants, accompagnants de personnes en grande vulnérabilité, convalescents Covid long se remettant mal ne cessent de nous alerter sur la gravité de la situation et leur propre état d’épuisement physique et mental…
Pourtant, un sujet, un seul, occuperait les esprits depuis 72 heures, si l’on en croit réseaux sociaux, chaînes d’info et comptes propagateurs de haine : les propos que j’aurais tenus, intimant « aux Blancs » le silence, quand il s’agit de parler de racisme. Bigre ! Celles et ceux qui ont pris la peine de m’écouter savent, à condition d’honnêteté, qu’il n’en est rien.
Toujours engagée au service des luttes pour les libertés
Mais, par un spectaculaire retournement, là où je refusais le principe de réunions totalement fermées – j’ai dit mon opposition aux réunions « interdites à » –, là où j’invitais simplement à écouter, sans l’interrompre, la parole de victimes, qui doivent pouvoir être les premières à s’exprimer, la droite et l’extrême droite, complaisamment relayées, ont fait croire et répété à l’envi que je voulais empêcher la parole.
Jamais je n’ai dit vouloir réduire au silence une partie de la population, pour quelque motif que ce soit, et encore moins pour sa couleur de peau. Jamais je n’ai prononcé ni conçu les mots « les Blancs doivent se taire », phrase pourtant répétée à l’infini par des éditorialistes pressés d’en découdre et des zélotes de la pensée étroite. Une telle phrase ne m’aurait même pas effleuré l’esprit, tant elle est contraire à tout ce que je suis, à tout ce que je porte et tout ce pour quoi je me bats.
D’abord parce que, en tant que citoyenne de toujours engagée au service des luttes pour les libertés, contre les discriminations, pour l’égalité des droits de toutes et tous, je ne conçois les combats émancipateurs que partagés. Je suis, je l’ai dit, écrit et répété, une féministe qui n’imagine pas progresser sans emmener avec moi les hommes, nos frères, nos fils, nos compagnons.
Les groupes dits en « non-mixité » n’ont pas ma préférence
Ensuite parce qu’en tant qu’élue, au service des Parisiennes et des Parisiens, que je sers chaque jour, c’est avec tous les maires d’arrondissement, quelle que soit leur couleur politique, c’est dans tous les quartiers et pour toutes et tous, qu’ils aient ou pas été nos électrices et électeurs, que je mets en œuvre la politique voulue par Anne Hidalgo et notre majorité, dans le périmètre de ma délégation, pour une amélioration, entre autres, de l’alimentation en restauration collective pour les enfants à l’école, les personnes âgées en Ehpad, les personnes aux ressources limitées, en restaurants solidaires, l’implantation d’épiceries solidaires de proximité, la valorisation du « produire proche », la juste rémunération des agriculteurs et agricultrices dont les productions alimentent Paris et qui créent de l’emploi inclusif, non délocalisable.
A une question posée sur les groupes de paroles dits en « non-mixité », c’est-à-dire accueillant des personnes victimes d’un même type de discriminations, pour les mêmes raisons, j’ai répondu, comme déjà plusieurs fois par le passé, que ces groupes n’avaient pas ma préférence, mais que je peux concevoir, entendre, la nécessité pour des personnes discriminées, en raison de leur sexe, de leur couleur de peau, de leur orientation ou de leur identité sexuelle, de se retrouver « entre elles », pour échanger, se rasséréner, trouver ensemble les moyens de se protéger d’autres exactions.
Ces groupes existent depuis des décennies, ils ont permis l’émancipation de la parole, le réconfort pour des personnes en grande détresse, la sensation, presque libératrice, de se savoir soudain moins seule face à l’adversité quotidienne. Ils ont donné, à beaucoup, « la force de regarder demain ».
C’est aux victimes de s’exprimer les premières
Prenant l’exemple d’un groupe qui pourrait réunir des personnes discriminées en raison de leur couleur de peau ou de leur origine, j’ai évoqué la possibilité que d’autres militants ou citoyens qui ne sont pas victimes de racisme y participent, sans difficulté, mais à condition, et je le maintiens, comme chaque fois que l’on assiste à ce genre d’échanges en tant qu’allié, d’être d’abord dans une écoute bienveillante de la parole des personnes discriminées. C’est aux victimes de s’exprimer les premières.
J’ai utilisé le verbe « se taire », parce que c’est généralement ce que l’on fait, quand on veut réellement écouter l’autre, avant ensuite de prendre la parole… J’ai ajouté que c’est ce que moi-même je fais, quand il m’arrive d’assister à des réunions de groupes de victimes de discriminations ne m’atteignant pas au premier chef. Ecouter, entendre, partager ensuite. C’est le principe même de fonctionnement de ces groupes où se retrouvent des victimes, quelles qu’elles soient.
D’aucuns y ont vu une forme de sommation au silence. A tort. A celles et ceux que ma formulation a pu heurter, en leur donnant la sensation que je voulais d’emblée les exclure, je veux dire ici que tels n’étaient ni mon propos ni mon intention. J’ai toujours choisi l’expression de la parole, l’échange et la pédagogie, dans des conditions de débat apaisé…
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