— Par Yves-Léopold Monthieux —
L’ancien arbitre était parmi ces privilégiés qui avaient pu assister à la rencontre historique entre le Santos F.C et la sélection de la Martinique. Plusieurs points avaient retenu son attention, qu’il essaiera de restituer sommairement sur ce papier.
La visite de Pelé arrivait à un des moments les plus fastes du football martiniquais, les années 1960 – 1980, mais aussi les plus agités par les mouvements d’extrême-gauche, qui faisaient feu de tout bois. Je ne citerai pas tous les talents restés en Martinique alors qu’ils auraient pu faire carrière en France et en vivre. L’absence du championnat de la Martinique des Cayol, Lutbert, Eugénie et de bien d’autres ou d’Aurélia et Chomet qui ont longtemps brillé en sélection avant de rejoindre l’Hexagone, ne serait pas sans conséquence sur le niveau de nos clubs et la qualité du spectacle donné tous les week-ends. Un autre club brésilien d’excellent niveau, l’America Football Club, avait permis de mettre en évidence Laurent Eugénie, sans doute le plus grand gardien de but martiniquais qui, pour le coup, reçut la proposition de rejoindre le Brésil pour y faire carrière. Dès lors, le passage de Pelé pouvait être regardé comme une récompense donnée aux amoureux du football par les dirigeants de l’époque. Mais à quel prix !
La sélection de la Martinique avait été brillante, comme le sera celle de la Guadeloupe qui perdra sur un meilleur score (1-2) avec un excellent Kouri, mais dans un environnement social et politique moins agité. Ne fallait-il pas peut-être pour cela avoir en face un Santos en petite forme ? Ce fut à mon avis le cas, contrairement aux réactions dithyrambiques qui avait suivi sa performance et celle de Pelé. Le cachet reçu par les visiteurs aurait exigé d’eux une meilleure prestation, mais la présence du Roi avait paru suffire. Je ne me souviens pas de la faute qui avait provoqué le pénalty de Pelé, mais l’arbitre avait permis à Santos de remplir une partie de son contrat. A quoi aurait servi sa venue en Martinique si Pelé n’avait pas marqué de but ? On avait pu voir comment le champion contournait de façon subtile la règle en pénalty de la continuité du geste du tireur. En revanche, j’ai retenu que le fauchage de Roger Jean-Noël dans la surface de réparation n’avait pas été sanctionné par l’arbitre. C’était l’occasion de voir un pénalty exécuté par un Martiniquais sur un gardien de but brésilien.
Compte tenu du prix exorbitant du ticket du match, qui écartait la plupart des vrais amoureux du football, je m’étais interrogé sur l’opportunité d’une telle rencontre. Après tout, Pelé n’aura jamais foulé les stades de Marseille, de Milan ou de Munich qui avaient, eux, les moyens de payer un tel cachet sans vider les poches des spectateurs. N’était-ce pas avoir les yeux plus gros que le ventre ?
Je ne crois pas me tromper en rappelant que Santos avait prolongé son voyage en France où il s’était opposé à l’équipe parisienne du moment, laquelle n’était pas encore le Paris St Germain. La presse parisienne avait fortement critiqué la prestation médiocre des Brésiliens, de sorte que je m’étais trouvé conforté par une opinion qui rejoignait la mienne à propos d’un club qui n’était, finalement, qu’en tournée financière.
Enfin, le film de Martinique-la-première traduit fidèlement l’origine de manifestations qui n’ont pas eu lieu en Guadeloupe. Seuls à intervenir dans ce documentaire, les instigateurs n’ont pas su cacher derrière leurs sourires satisfaits qu’ils avaient manipulé les jeunes et que leurs plans s’étaient heurtés, de leur propre aveu, à une impasse politique.
Fort-de-France, le 31 décembre 2022
Yves-Léopold Monthieux