Ange Bonello : Arches « Connections temporelles »
— Par Christian Antourel —
Souverain d’un royaume au bord de ce monde, Ange Bonello devient tranquillement une sorte de monument parfaitement inclassable. Par le foisonnement, l’ampleur et l’intensité de son œuvre, parce que, sans doute, nul mouvement ne heurte l’implacable force d’inertie de « ses morceaux de terre devenus morceaux d’humanité » parce que la lumière qui en émane et qui nous éclaire par le dedans est d’étrange et peu commune nature. Et cette réflexion se réveille essentiellement comme un mur poétique.
Tout semble fendu de haut en bas, dans la rigueur contraignante d’une mise en scène fabuleusement calculée, mais au contraire l’univers tient par son
organique et symétrique fixité. « Mes réalisations sont comme des rencontres…Pas de plans savants, de stratégie autre que celle consistant à donner toute la place à l’émotion, à la spontanéité du mouvement, à la force de l’imaginaire et à l’impérieuse nécessité de créer » Une puissance magique s’est emparée de l’ensemble car Bonello 1er s’abreuve aux sources syncrétiques de toutes les cultures. Il cimente les éléments épars arrachés aux mythologies disparues ou du vaisseau lunaire de sa fantaisie changeante. Et la surface des choses semble en apesanteur, comme avalée par l’enveloppante vibration fantasmagorique d’une clarté venue d’ailleurs. Puis il recompose avec l’instinct d’un épouvantable sorcier, et par le cru, réinvente l’art et l’amour. Le roi de ce pays, vivant hors durée, dérêve le monde. Il est de ceux qui s’entêtent à faire de leur vie un levain d’éternité. Ainsi ses visages, ses personnages, sa vision picturale comme égarés d’un conte font frémir, en qui les regarde, quelque chose d’inconnu ou d’oublié qu’on ne peut voir ailleurs. Alors nait une autre contrée où la matière et l’esprit ne font qu’un, où rien n’est séparé. Il a créé un surespace. C’est-à-dire , le contraire exact de l’espace ordinaire. Le roi Bonello pénètre l’art comme à Colin-maillard dans les plis d’un labyrinthe. Lui seul en connait le fil d’Ariane. L’artiste a quitté depuis longtemps les pièces vides de l’actuel Babel et hante le monde totémique de ses propres fétiches. Il les nourrit de mythes désencombrés et désarticulés. Dans ce pays qui commence juste à la lisière des univers singuliers, l’artiste propose bien au-delà de l’esthétique et du convenu un mysticisme acidulé qui recompose les multiples regards, multiples questionnements des courants artistiques. L’extraordinaire présence des images Bonelloriennes naissent d’une transgression sans limite, tragiquement incarnée ou joliment désincarnées… Les « Arches » et les « Astres » personnages d’une création fabuleuse et déconcertante de l’argile et de l’ADN d’un espace rayonnant, sourdent du bout des doigts de l’artiste. En Bonellorie pas d’eau delà, mais la présence absolue et sans ombre d’œuvres vidées de tout dehors. Les « Tricky Boxes, » poupées peintes échappées d’une fable et installées dans des boites détournées s’incrustent dans l’étincelle des regards. Viennent aussi se positionner les « Organikforms »… « détail d’un battement de cœur, virulence du …pastel gras. Miroir de soi, sens que l’on donne au détail des choses… » Quelle généreuse substance nait de ces sculptures d’outre-espace ?En pays-Bonello, la matière à vif s’organise d’elle-même. Corps d’espace nu, où les yeux sont des billes plus vraies que nature.
Quand tous les rites auront disparu, resteront ceux de Bonello 1er, et quelle jouissance de trancher la modernité fragile des mises en scènes chaotiques.
PRATIQUE :
EPCC ATRIUM
Exposition individuelle
Galerie André Arsenec
Jusqu’au 30 avril 2015
Du lundi au vendredi : 13h /18h
Le samedi :10h/13h
Tout public
Entrée gratuite
Information : 05 96 60 78 78 – 05 96 70 79 29.
Christian Antourel