Un élève scolarisé dans le Val-de-Marne et rédacteur en chef du journal de son lycée fait l’objet de menaces de mort répétées depuis le 22 janvier et la publication d’un numéro spécial Charlie Hebdo, a-t-on appris jeudi auprès de ses professeurs. Plusieurs enseignants ont décidé d’exercer leur droit de retrait jeudi et se sont rassemblés avec de nombreux élèves à midi devant l’entrée du lycée Marcelin-Berthelot de Saint-Maur-des-Fossés, pour manifester leur soutien à cet élève, inscrit en classe de première. En réaction aux attentats, Louis, 17 ans, avait fait paraître le 22 janvier un numéro spécial de La Mouette bâillonnée, le journal du lycée, un établissement réputé de 2 300 élèves.
“RSF demande qu’une enquête interne approfondie soit menée au lycée, avec le soutien du rectorat et du ministère de l’Education nationale, et que le procureur et la police prennent l’affaire plus au sérieux, déclare Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. Il est essentiel que des mesures de protection soient prévues pour le rédacteur en chef de La Mouette bâillonnée. Il est inadmissible qu’un jeune homme de 17 ans soit la cible de menaces de mort répétées depuis des mois sans que tous les moyens soient mis pour que les auteurs en soient identifiés. La défense de la liberté de la presse commence avec la presse lycéenne, qui est une presse dynamique et créative.”
Dans ce numéro titré « Je suis Charlie », des billets d’humeur, des poèmes, des dessins, mais aucune caricature de Mahomet. « C’était un hommage aux 17 victimes sans discrimination, pour les juifs, les journalistes, les policiers », explique Louis. Dès le lendemain de la diffusion, il découvre dans la boîte aux lettres du journal une enveloppe contenant la une du fameux numéro sur laquelle ont été agrafés une croix gammée, un cercueil et une lettre de menace de mort. Il dépose alors une plainte au commissariat de Saint-Maur qui ouvre une enquête.
« Un goût d’ultimatum »
Au total, sept menaces de mort lui ont été adressées depuis fin janvier, dont deux comportant une ou plusieurs balles. La dernière, qui remonte à début mai, avait « un goût d’ultimatum » selon lui. « Cela dure depuis des mois. Au début, nous n’avons rien dit pour laisser l’enquête se faire, mais rien de concret n’a été fait », déplore Pascale Morel, professeur d’histoire, pour justifier le débrayage. Elle s’indigne du silence du ministère de l’Éducation nationale, « qui a pourtant fait de la lutte contre le harcèlement l’une de ses priorités ». Sollicité par l’AFP, le proviseur de l’établissement n’a pas souhaité commenter.
« C’est en tant que journaliste lycéen que Louis reçoit des menaces. Jets d’encre dénonce cette intimidation d’une violence inédite, souligne Matthieu Porte, président de Jets d’encre, association nationale pour la promotion et la défense de la presse d’initiative jeune. Il est inacceptable que l’administration n’ait pas déployé l’ensemble des mesures nécessaires à la protection de ce journaliste lycéen. »
Une délégation de six personnes, composée de professeurs et de parents d’élèves, doit être reçue vendredi matin par le rectorat de Créteil. « Cette affaire est prise très au sérieux », indique une source judiciaire. « Plusieurs auditions d’enseignants et d’élèves ont déjà eu lieu et des analyses biologiques » sur les lettres sont en cours, précise cette source.