— Par Robert Saé —
Le moins que l’on puisse dire est que la situation politique actuelle dans notre pays est totalement délétère.
La Collectivité Territoriale de Martinique (CTM) instituée en 2015, avait été présentée comme un tremplin permettant d’accéder à une dite « Responsabilité ». Or, même si quelques élus politiques de la majorité louent « l’immense travail accompli en deux ans » ou s’attribuent des satisfécits en se référant aux annonces « d’embellie » que croient déceler l’INSEE ou l’IEDOM, le pays est plus que jamais « ankayé ».
Un TCSP, pour lequel 380 millions d’euros ont été investis entre 2003 et 2015 et qui fait la risée de la population parce que les bus roulent uniquement dans leur parking ! Des petites entreprises qui meurent dans une économie atone et sans perspective ! Des aides aux associations revues à la baisse ! Pour expliquer ce triste tableau, l’actuelle majorité fait état de l’inconséquence de la « gouvernance » précédente, d’un déficit dissimulé ou encore du complot de ceux qui veulent empêcher la CTM de travailler.
Nous ne sommes pas de ceux qui avalisent les choix de l’ancienne majorité menée par le PPM. La ligne libérale qui inspire l’action de ce courant politique, sa conception des relations avec la France et l’Europe sont, pour nous, des freins à une véritable décolonisation. Nous ne considérons pas davantage que la « gouvernance » actuelle soit porteuse de solutions ou de perspectives réjouissantes. Ici, ce n’est pas de la valeur ou de la compétence des individus qu’il s’agit. Nous parlons des choix politiques faits et des conséquences qui en découlent.
Ainsi, le marasme politique actuel découle, entre autre, de la nature même de « Gran Sanblé Pou Ba Péyi-a An Chans ». On se rappelle, qu’annoncée entre les deux tours de l’élection de Décembre 2015, cette alliance regroupe des Patriotes, des sociaux-démocrates et la droite libérale. Elle s’est dite constituée autour d’un « contrat de gestion », mais tout observateur averti sait qu’il s’agissait d’une tactique électoraliste pour prendre le contrôle de la CTM.
Au bout du compte, les partis assimilationnistes de droite ont été sauvés de leur décrépitude et, plus grave, le « contrat de gestion » a déclaré geler la question de l’évolution statutaire pour la durée de la mandature. Dès lors, toute dynamique de projet global Martiniquais visant à développer une économie autocentrée dans un pays autogéré était rendu impossible.
Pire ! On a pu constater dans les faits que l’idéologie de la droite s’est largement propagée à la CTM. On a vu des élus se vanter de briser des chaines posées par des grévistes. Tout syndicat se mobilisant dans une institution liée à la collectivité est systématiquement diabolisé. Les revendications d’employés de la collectivité, d’artistes, de transporteurs, sont présentées comme une entreprise de déstabilisation. Tout cela dans le silence complaisant de certains dirigeants de « syndicat de lutte de classes »
En réalité, la mise en avant de la guéguerre à laquelle se livrent les partis de l’alternance relève de l’enfumage. Car, les deux adversaires escamotent également les causes réelles des difficultés de notre pays : la domination coloniale française et l’anarchie inhérente au système capitaliste.
Quant à la tempête médiatique qui a suivi les déclarations du Président de l’Exécutif, Alfred Marie-Jeanne, elle n’a fait qu’étaler au grand jour les contradictions qui, secondairement, enraient la machine : L’attaque contre le député Jean-Philippe NILOR, dévoilait les divisions existant au sein de son Parti (le MIM) et celle visant Claude LISE, Président de l’Assemblée, confirmait l’absence de cohésion entre les deux organes principaux de la CTM. Mais là encore, ce ne sont pas les causes essentielles du marasme.
Le fonds du problème c’est qu’avec les compétences qui lui sont actuellement dévolues, dans le cadre des orientations ultralibérales imposées par le gouvernement Français et l’Union Européenne, la CTM n’a absolument pas le pouvoir de « relancer l’économie » ou de « combattre le chômage ».
Cela ne signifie pas du tout que les dirigeants politiques seraient obligatoirement impuissants et qu’on devrait attendre « le grand soir » de la libération pour espérer pouvoir changer les choses.
Cela signifie qu’il faut tourner le dos au leurre de l’alternance pour emprunter la voie de l’alternative dans et hors la CTM, ce qui ne saurait être envisagé sans une volonté politique forte et un projet global visant à « dézankayé » notre pays. Un seul exemple : au lieu d’augmenter les impôts et de limiter leur action en se lamentant sur le « désengagement de l’Etat », les élus ne pourraient-ils pas monter au créneau contre le gouvernement en s’appuyant sur la mobilisation de cette population qu’ils savent démarcher dans les moindres quartiers pour se faire élire ?
Mais ne désespérons pas ! Au-delà des inconséquences d’une grande partie de la classe politique, la marche du peuple Martiniquais vers l’émancipation se poursuit. Les semeurs d’illusions font de moins en moins recette et l’horizon politique s’éclaircit. Les initiatives alternatives se multiplient sur les plans économique, social et culturel. Ki donk, pli bèl la an ba la bay !