Exposition « Dessiner » jusqu’au samedi 4 juin 2022
—Par Christian Antourel —
Depuis le Paléolithique, l’homme ou la femme n’a pas fait qu’imprimer sa paume à l’ocre rouge, il a laissé la trace de sa main sur les parois des grottes et abris sous roche faisant son contour d’un trait de fusain noir de charbon préparé exactement dans ce but. Où en sommes-nous en ce début de l’art préhistorique ?
Dessin et dessiner, deux appellations bien futiles lorsque l’on sait que « le dessin est une technique de représentation visuelle sur un support plat. Le terme « dessin » désigne à la fois l’action de dessiner, l’ouvrage qui en résulte, et la forme d’un objet quelconque ». Ainsi ces deux titres distincts ne le sont pas et restent deux reflets du même sujet, présentant une invariance d’échelle, et de viscosités identiques, c’est-à-dire dont le résultat révèle la même beauté fractale que des flocons de neige.
Puis vinrent d’autres curiosités et découvertes, et ce n’est pas une étoile ou un arbre qui en est le sujet, mais bien un animal avec un dos, une tête, des membres. Un renne, un rhinocéros, des mammouths. Ils utilisent donc pour le rendu des poils gravés, des fourrures, des blocs d’ocre écrasés. La préhistoire de l’art « figuratif » est en avance, sur son histoire. Mais les premiers dessins connus ne sont jamais les premiers dessins. Le dessin au doigt et l’usage de jaunes naturels et de pigments ocre ; l’estompe qui lie du charbon en poudre au calcaire. Pour indiquer les modelés, les variations du pelage, on enrichit le bestiaire paléolithique dans un style plus « expressionniste » : ces réalisations incrustées au doigt existaient pour communiquer à des semblables l’émerveillement éprouvé devant ces dessins premiers. Et ça marche encore !
Dans cette exposition les formes sont belles, car elles ont tout abandonné de leur luxe, de leur profusion, elles sont habitées par un élan naturel. Quelque chose en elles retient profondément notre attention, mais la parole a du mal à le saisir. Au-delà, ces créatures pas si inanimées préservent donc leur énigme. Elles ont un impertus qui semble les autoriser à se développer au-delà de notre regard. Elles sont insistantes et devant elles, il est impossible de zapper. Elles ne sont pas inertes alors même qu’elles ne sont pas vivantes.
JULIE BESSARD (technique graphique sur papier, « Sans titre ») nous parle de mouvements et de couleurs ébauchés dans des directions multiples, qui tiennent plutôt du symbole et du résumé pictural à travers un petit univers bien à elle, riche et foisonnant.
VINCENT GAYRAUD (fusain sur papier « Homme debout mains levées » et « Homme debout ») s’exprime quant à lui à travers de très grands formats où l’expressivité du dessin traité en noir et blanc s’associe à une extrême minutie du trait. La maitrise technique du sujet l’emporte sur tout le reste. Ici, ce buste d’homme noir, sans visage, aux muscles saillants parfaitement détaillés anatomiquement, aux mains écarquillées criantes d’une vérité qui semble insupportable à dire. Ailleurs, ce portrait d’homme qui accroche tout de suite l’œil du spectateur et vous suit du regard où que vous soyez dans la pièce, un peu à la manière de Vinci.
MARIE GAUTHIER (acrylique crayon à bille, feuille d’or sur papier, « La tête infiniment ailleurs ». Dans un triptyque de tableaux, petit à moyen format, on navigue entre peinture et dessin avec des teintes assez douces, où la couleur le dispute au trait qui apporte de la précision et le souci du détail à une œuvre éclectique et travaillée.
JEAN JACQUES LECOQ (plume, encre sur papier, « Bernard l’Ermite, Gastéropode »). Il nous présente ici du dessin gravure où les sujets choisis sont intrigants et empreints de fantastique. On imagine à mi-chemin entre le crabe et la lamproie une fusion de créatures mythologiques aux yeux écarquillés sur le monde.
HAMID (dessin sur papier, « Sans titre ») déploie sa petite musique que l’on retrouve dans quatre dessins empreints d’une fausse naïveté et d’une poésie touchante avec ses croissants de lune surplombant des animaux fantastiques, hybrides d’oiseaux et de quadrupèdes, imprimant une atmosphère onirique a cet ensemble harmonieux.
Un panel des artistes exposants, d’autres et pas des moindres sont à découvrir sur place.
Christian ANTOUREL
Mai 2022
Centre d’activités de Bellevue
Immeuble Corniche 3
1er étage
Mercredi 14h – 17h
Vendredi 14h – 17h
Samedi 10h 30 – 17h