— Par Christian Boutant(*) —
Dans l’événementiel, la culture, les loisirs, le spectacle, que de flux générés, que d’intervenants, que d’investissements, que d’initiatives activant un entrepreneuriat bien réel mais encore et toujours ni évalué, ni mesure et peu encadré.
La période post-Covid a encore favorisé l’émergence de ce secteur économique sur le plan hexagonal mais aussi dans nos territoires où les manifestations se multiplient… Expositions d’arts graphiques et plastiques, investissements dans l’audiovisuel, musiques, spectacles, animations diverses, festivals, carnaval, Noël… On ne finira pas de citer toutes ces manifestations qui animent la vie de tous les jours et faisant intervenir des privés et aussi le secteur public. Combien d’emplois sont concernés, quelles sommes générées, quels budgets engagés… On a du mal à connaître les flux financiers générés par exemple par Tropiques Atrium, par le Grand Carbet, à mesurer le nombre de séances organisés par les établissements privés, à connaître le nombre d’artistes employés par le secteur hôtelier, à évaluer la production littéraire dont l’activité et la production n’ont jamais été aussi importantes et volumineuses dans notre histoire.
Nos artistes, par ailleurs, sont de plus en plus présents en France et leur influence pénètre les pays africains… Le zouk s’impose de plus en plus et est copieusement imité, copié, chanté propageant la langue créole vers des sommets jamais atteints.
Ce qui est sidérant c’est que cet état de fait dépasse manifestement les préoccupations de nos décideurs. Il existe une Chambre de commerce, une Chambre d’agriculture, des dispositifs publics pour la pêche, un Parc naturel etc. mais toujours aucune démarche évaluative de ce secteur culturel pourtant le plus prolifique ces dernières années.
On ne compte plus le nombre d’établissements proposant des animations musicales et faisant intervenir artistes, sonorisateurs, techniciens. La toile y joue un rôle essentiel libérant les possibilités de promotion et de communication impactant les budgets jadis absorbés par les médias ou la presse écrite autrefois incontournables. (…)
Cinémas, salles de spectacles, droits d’auteurs perçus et reversés sont en forte augmentation notamment grâce aux importantes recettes générées par les plateformes de diffusion.
Le numérique, puissant outil
Si le marché de la musique enregistrée (disque) a chuté de façon vertigineuse, ce n’est pas le cas de la consommation musicale puisque les droits perçus par la Sacem ont augmenté de 30% en un an (du jamais vu dans l’histoire de cette société). Le bal traditionnel a chuté tout comme les discothèques et peut être que l’on danse moins, cependant les prestations ne se comptent plus, la technologie permet les duos, les trios ou quartets voire les prestations individuelles On joue de plus en plus, on apprend plus facilement un instrument, on écrit davantage, l’internet n’a pas sacrifié le livre dont l’économie demeure fertile.
La pluralité des chaînes de télévision ou des radios a favorisé une offre plus large et plus diversifiée.
Ce nouveau contexte fait intervenir de nouvelles attentes au sein de toutes les générations. Les jeunes d’abord avec des goûts et des centres d’intérêts résultant des modes opératoires d’aujourd’hui… Ils sont branchés sur des modèles et influences extérieures, ils sont mondialisés et parfois peu réceptifs aux us et coutumes du pays… Cette situation provoque en même temps des initiatives culturelles plus intenses pour la transmission des valeurs pays. Paradoxalement ces influences revita-lisent les initiatives de ré-appropriation culturelle.
Chez la génération « intermédiaire », la vitalité du zouk, le carnaval, l’intérêt pour la langue créole sont des éléments essentiels bien que les interrogations subsistent sur leur appétence pour une forme de dégradation des valeurs morales pleinement associée aux manifestations qui leurs sont proposées. Les générations plus âgées participent également avec des initiatives variées, elles sont moins influencées par exemple par la salsa en musique (quasiment plus de concert) mais oscillent entre le compas, la musique traditionnelle ou le jazz… le développement de l’écoute musicale est aussi un phénomène observable.
Il y a tant à dire sur le sujet pour qu’une véritable étude y soit consacrée. Elle devrait s’appuyer sur les aspects économiques, professionnels, sociologiques de ces évolutions et peut être correspondre au besoin de « Faire pays », cette réflexion proposée par Patrick Chamoiseau.
Pour l’instant cette économie informelle semble plus performante que celle qui est encadrée par des règles et par les projets politiques.
(*)Christian Boutant, membre du Césecem (Conseil économique, social, environnemental, de la Culture et de l’éducation de Martinique), ancien délégué régional de la Sacem