___ par Lina Sankari —
Près de six mois après sa prise de pouvoir, le putschiste Michel Temer, lié au lobby des propriétaires terriens qui dispose d’une solide assise au Parlement, refuse de publier le rapport recensant les entreprises pratiquant l’esclavage moderne.
Le président putschiste retarde la publication obligatoire de la liste noire des entreprises pratiquant toujours le travail forcé.
La bourgeoisie revancharde brésilienne qui a fomenté le coup d’Etat contre la gauche et la présidente Dilma Rousseff peine à se départir des méthodes du 19e siècle. Près de six mois après sa prise de pouvoir, le putschiste Michel Temer, lié au lobby des propriétaires terriens qui dispose d’une solide assise au Parlement, refuse de publier la « liste sale » autrement dit le rapport recensant les entreprises pratiquant l’esclavage moderne. Depuis 2003, cette liste noire était rendue publique tous les six mois par le ministère du Travail et les sociétés incriminées se voyaient dans l’impossibilité de prétendre aux marchés publics ou aux prêts bancaires jusqu’à ce qu’elles paient leurs amendes. Dans un pays où la corruption mine tous les niveaux de pouvoir, une telle liste était particulièrement précieuse.
40% des entreprises figurant dans la dernière version de la liste venaient de la filière bétail, 25% de l’industrie du bois, 16% de l’agriculture et 7% de la construction. Le travail forcé concernerait 161 000 personnes au Brésil, surtout des jeunes analphabètes de 15 à 30 ans des zones rurales ou des quartiers pauvres. 52 000 personnes auraient été « sauvées » de conditions de travail dégradantes ces vingt dernières années au Brésil, selon la commission pastorale de la terre. L’association a déposé plainte auprès de la cour interaméricaine des droits de l’homme qui a contraint le Brésil, en décembre, à indemniser 85 travailleurs d’une ferme de l’État du Para (nord).
Sur les10 millions d’esclaves, 4 millions sont arrivés au Brésil
Seulement, en 2014, les entreprises coupables ont lancé une bataille juridique afin de réduire la liste à néant et de perpétuer leurs sales pratiques en toute impunité. La Cour suprême suspend la publication mais, en mai 2016 – soit trois mois avant sa destitution – le gouvernement de Dilma Rousseff tente d’inclure des modifications à cette liste afin de la préserver. Depuis, Michel Temer a rallié le camp des patrons esclavagistes et relance la bataille juridique. Pourtant, après un nouveau rebondissement et un recours de l’avocat général de l’union, la décision du tribunal est suspendue et oblige la publication du rapport le 7 mars. Dans la foulée, le ministère du travail fait également appel, justifiant que cette publication « est la méthode la plus efficace pour combattre le fléau de l’esclavage moderne ». Dans une interview récente accordée au Temps, Dilma Rousseff note que l’esclavage a «subsisté dans les faits, c’était la logique du privilège. Voilà pourquoi la pauvreté a persisté ». Sur les10 millions d’esclaves, 4 millions sont arrivés au Brésil. Si le Brésil fut le dernier pays du continent à abolir la servitude en 1888, la société reste profondément marquée par cette histoire et une élite blanche tentée d’en reproduire les méthodes…
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