— Le n°274 de « Révolution Socialiste », journal du G.R.S. —
La visite, à l’invitation de l’U.F.M. et de la C.D.M.T., de ces deux militantes, mérite d’être couronnée de succès pour plusieurs raisons.
Leur séjour permettra de renforcer une solidarité entre mouvements ouvriers et démocratiques des deux côtés de l’Atlantique. Il y a déjà eu, bien sûr, des visites de militant-e-s de France chez nous, organisées par divers mouvements dont le G.R.S.. La particularité aujourd’hui, c’est que ce sont des organisations de masse (un mouvement de femmes et une centrale syndicale) qui reçoivent une députée et son attachée parlementaire, syndicaliste elle aussi, au–delà de la diversité des opinions et des stratégies de lutte.
Nous avons besoin de cette solidarité dépassant les frontières géographiques et les clivages idéologiques. D’autant que nous vivons un moment particulier, où les urgences s’imbriquent et se cumulent de façon dramatique. La course de vitesse entre les défenseurEs de la vie et les tenants d’un système mortifère pour les humains et la nature, est évidente chez nous et dans le monde.
Il est bon que cette initiative se fasse au moment où les députés coloniaux s’écartent de la tentation de voir les députés français comme un bloc à rejeter globalement, comme si les notions de gauche et de droite, radicales ou modérées, avaient perdu toute signification.
Et, il est encore mieux que les collaborations entre progressistes d’ici et de là, ne se cantonnent pas à des rapports entre élu-e-s sans intervention des organisations de masse.
Nous nous réjouissons aussi que les organisations invitantes n’aient pas conçu ce séjour comme une affaire gérée en solitaires, mais aient essayé de faire participer d’autres syndicats, d’autres associations de femmes, et même des partis politiques.
Parmi les principaux rendez-vous, en plus du meeting central du dimanche 4 décembre à 10h à l’A.M.E.P., route de Redoute, il y aura des rencontres samedi 15h avec des agricultrices, et 17h avec des syndicalistes ouvrier-e-s ; puis, lundi 16h avec les partis progressistes le souhaitant ; enfin, mardi 15h avec des organisations de femmes et leurs organisations partenaires.
Réservons un accueil chaleureux et massif à ces représentantes faisant partie de la France d’en–bas qui se bat !
Chlordécone, le dernier masque tombe !
Ripostons le 10 décembre !
La position prise ouvertement par le Parquet en faveur du non–lieu dans l’affaire du crime nommé chlordécone fait tomber le masque derrière lequel le pouvoir politique n’a cessé de se cacher : la « séparation des pouvoirs ». Suivant ce grand principe, la justice, indépendante, déciderait seule, sans interférence du politique. Fort bien !
Il se trouve néanmoins que le Parquet, appelé aussi ministère public, est le représentant attitré de l’État, qui affirme parler au nom de la société, mais dépend directement du ministre de la justice.
Dans le dossier d’aujourd’hui, le parquet plaide ouvertement, en fin de compte, pour l’impunité sous couvert de non-lieu.
La boucle est bouclée. La justice ne peut condamner pénalement l’État. L’État demande à la justice d’absoudre les divers responsables civils de l’empoisonnement.
Confronté à notre interpellation directe en préfecture, sur la position exacte de l’État face aux responsables non étatiques du crime, le précédent préfet avait répondu par une pirouette sur « la responsabilité morale » (sic !) des concernés.
On connaît donc les coupables. On qualifie de « morale » leur responsabilité !
Préalablement à la prise de position du Parquet, les juges chargés du dossier ont refusé d’entendre ouvriers agricoles et exploitants reconnaissant courageusement avoir, sur demande et sur ordre, répandu le produit toxique après l’interdiction connue de son utilisation. Ce scandaleux refus ne peut se comprendre que comme une tentative grossière de justifier « l’argument » de la prescription des actes répréhensibles.
De ce jeu de couvertures réciproques, se dégage un fort sentiment de mépris à l’égard des peuples empoisonnés de Martinique et Guadeloupe.
Au moment où l’incroyable « absence de coupables », à l’exception bien sûr des pilotes décédés dans l’affaire du crash du Venezuela, revient au devant de la scène, ce mépris fait système.
L’indignation de la population ne sera pas muette. La passivité de la population ne serait pas seulement un blanc–seing donné pour un enterrement définitif de l’affaire. Ce serait aussi un désaveu des milliers de manifestant-e-s du 27 février 2021 puis du 29 mai 2022, une gifle pour toutes celles et tous ceux qui se battent depuis si longtemps pour la justice et les réparations, une attitude incompréhensible pour les témoins qui ont récemment encore pris le risque d’aller à l’encontre de la parole officielle, et une offense pour les victimes d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
L’appel au rassemblement du 10 décembre est une action de salubrité publique et de dignité, qui ne doit laisser personne dans une passive indifférence.
Philippe Pierre-Charles pour Lyannaj pou dépolyé Matinik.