— Par Dominique Daeschler —
Il n’y va pas de main morte Thomas Jolly ! Le jeune directeur du Centre Dramatique National D’Angers nous avait habitué au festival d’Avignon à sa façon d’aller « farfouiller » dans l’âme humaine sans ménagement ( Thyeste, Henri VI, Richard III ).
En reprenant Arlequin poli par l’amour créé en 2006 avec sa compagnie La piccola famiglia, il décape la pièce de Marivaux, passe le verbe au scalpel, découpe les situations et prend les sentiments au collet. Pas de psychologie mais toujours un punching ball incessant entre « maître et esclave » au sens hégelien, entre faible et fort. C’est aussi le temps d’aujourd’hui ,celui des avatars et des jeux de rôle . Temps de l’amour ou de la manipulation ? Arlequin est bien vite déniaisé quand il comprend ce que peut lui apporter le pouvoir, son amour pour Silvia apparait comme une tocade où la valorisation de sa propre personne par le fait d’être amoureux passe au premier plan . Chacun rêve d’une liberté définie par son propre désir. Folle, inconsciente et impatiente jeunesse : je fais comme je veux, comme je sens…De simples petites ampoules se balancent au bout d’un fil pour éclairer personnages et discours.
Tout est aléatoire . Une immense porte brûle des mille feux d’un miroir de loge : de l’autre côté point d’Alice mais l’envers du décor , la bluette a duré ce que durent les roses. La frénésie du pouvoir agit comme un couperet, un hachoir. Désillusion, résignation et peut être même une subtile distanciation. Thomas Jolly a gardé dans sa mise en scène ce qui avait pu séduire et interroger Marivaux quant au jeu de la troupe des Italiens : un rythme soutenu, un recours au premier degré où l’on surjoue volontiers. Comme un gosse, il tire sur toutes les ficelles qui amènent le spectateur à rire et à se moquer de lui-même. Cet Arlequin, qui met à mal nos références convenues, nous donne une lecture « al dente » de la pièce , dans une belle intelligence théâtrale.
Dominique Daeschler
En tournée dans les scènes nationales
« Arlequin poli par l’amour », m.e.s. Thomas Jolly