— Par Gilbert Pago & Philippe Pierre-Charles pour le G.R.S.—
Les clameurs se sont (presque) tues. L’émotion n’est plus à son paroxysme. Le moment de l’analyse est venu.
Chacun sait bien la position constante du GRS : le terrorisme aveugle ou ciblé, les assassinats de masse ou individuels, éthiquement insupportables, sont absolument contraires aux méthodes du mouvement ouvrier. Ces crimes ne peuvent servir que les ennemis de la cause de l’émancipation des peuples. Ils ont choqué à juste titre la conscience universelle. L’indignation, la réprobation, la colère ne peuvent être ni sélectives ni hiérarchisées. La tuerie de Charlie Hebdo, le lâche assassinat de notre compatriote policière municipale, l’odieux massacre de clients d’un magasin casher, la mise à mort génocidaire de milliers de Nigérians, relèvent de l’abjection la plus absolue tant dans les mobiles que dans les faits eux-mêmes.
La présence d’une jeune martiniquaise parmi les victimes tout comme hier le kidnapping de Thierry Dol, ou encore la certitude que d’autres jeunes martiniquais se trouvent dans les rangs des djihadistes, montrent que les problèmes du monde sont aussi nos problèmes pour le meilleur comme pour le pire. Comprendre la planète et les forces qui y agissent, rejeter l’indifférence qui ne nous protège de rien est un impératif pour tout progressiste digne de ce nom. L’une des observations les plus troublantes qui s’imposent à nous concerne le truchement par lequel de jeunes adultes perdus des banlieues ou autres lieux de France ou d’ailleurs peuvent être transformés en machines programmées pour tuer et se faire tuer, aussi illuminés dans leurs motivations que froids dans l’exécution de leurs crimes. À cet égard, il conviendrait de s’interroger sur l’apparente incapacité des nombreux tireurs d’élite tant vantés du GIGN, de capturer vivant au moins l’un des tueurs.
Ce constat consternant n’excusera jamais les exécutions abominables que le monde a suivies en direct, mais porte aussi une évidente accusation des situations et des politiques servant de terreau à cette « radicalisation » aveugle et meurtrière.
Cela déplaira évidemment aux maitres de la France et du monde, mais on n’a pas le droit de cacher la vérité : les discriminations, le racisme, le manque de perspectives, le chômage et la déshérence qui frappent toujours d’un même côté sont les meilleurs alliés de ces folles dérives. Les politiques impérialistes à l’extérieur ont le même effet qui s’ajoute à l’accumulation de situations explosives sur le terrain social. La première des politiques à mener pour vivre en paix et en sécurité devrait s’en prendre aux causes qui font naitre et renaitre le fléau terroriste.
Les millions de manifestantes et manifestants de France et d’ailleurs ont voulu crier leur horreur de l’insupportable, leur attachement à l’idée que chacun est libre d’exprimer ses idées, de pratiquer ou de ne pas pratiquer telle ou telle religion. Pour la majorité d’entre eux, il ne s’agissait certainement pas de donner un blanc-seing à des politiques qui sacrifient les faibles sur l’hôtel du profit et de la domination.
La défense du droit de caricaturer, de s’exprimer, d’invoquer ou de nier Dieu, Allah, Jéhovah ou Vishnou ne signifie pas en soi un accord avec les caricatures, les écrits, les croyances ou les prières. Il faut beaucoup d’arrogance pour croire que ce droit serait l’apanage de ce que la majorité des gens appellent l’ « Occident », mais serait un nectar trop raffiné pour le palais des autres peuples. Il y a du racisme dans l’idée que les peuples « du Sud » seraient inaccessibles à l’idéal de démocratie, c’est-à-dire de la gestion des sociétés par elles mêmes, du gouvernement du peuple par le peuple avec ce que cela implique comme droit de ce peuple à penser et à exprimer ses pensées. Il y a tout autant de racisme dans la prétention d’un Guaino ou d’un Guéant, que des cultures, des religions, des civilisations seraient inégales.
Les gouvernements capitalistes qui s’allient et parfois mettent en place, financent, maintiennent les pires tyrans sur tous les continents au gré des intérêts de leurs classes dominantes, qui entretiennent ou ferment les yeux sur la plus grande injustice du monde actuel à savoir l’anéantissement du peuple palestinien par mort lente ou mort brutale, qui laissent plus de 3 000 cadavres en une année au fond de la Méditerranée ou encore à la frontière du Mexique et des États-Unis, sont mal placés pour donner des leçons de démocratie, de paix et de savoir-vivre. Aujourd’hui, ils prennent appui sur le haut-le-cœur créé légitimement par les derniers évènements pour mystifier les classes dominées à domicile avec leur hypocrite et fallacieuse « union nationale », pour continuer et « justifier » leurs menées impérialistes à l’extérieur. Dans un cas comme dans l’autre, leur but est le même : assurer la pérennité d’un ordre injuste, producteur d’inégalités, de racisme, d’exclusion, d’exploitation et de guerres. Le profit de quelques uns importe plus pour eux que la paix, le progrès humain et même la survie de l’espèce humaine.
Le GRS exprime sa compassion et son soutien à la famille de Clarissa, ainsi qu’aux aux proches de toutes les victimes. Il rend hommage à celles et ceux qui ont payé de la vie, leur héroïque résistance. Aujourd’hui, nous sommes à l’unisson de tous les combattants de la cause de l’émancipation humaine, qu’ils soient à l’occident, à l’orient, au sud ou au nord. L’actualité du monde appelle à la solidarité, au rejet de tout ce qui obscurcit la conscience des humains, de tout ce qui dresse les victimes de l’oppression les unes contre les autres. Nous appelons les uns et les autres à tout faire pour transformer la douleur et l’indignation d’aujourd’hui en énergie positive, orientée vers le triomphe d’un monde plus humain, débarrassé de toute pwofitasyon.
Fort-de-France le 24 janvier 2015.
Gilbert Pago – Philippe Pierre-Charles
Groupe Révolution Socialiste