Les arrestations et procès se multiplient, alors que le quotidien reprend son cours après les marches de protestation du 11 juillet.
— Par Lydia Corso(La Havane, envoyée spéciale) —
« Nous allons devenir un peuple de migrants et de prisonniers. Mais, au moins, on ne pourra plus dire que les Cubains n’ont rien fait pour se libérer de ce régime. » La voix chevrotante et les yeux humides, Lucia (le nom a été changé), productrice artistique de 29 ans, enchaîne les cigarettes avec nervosité sur sa terrasse du quartier du Vedado à La Havane, dans la chaleur moite et écrasante de ce lundi 19 juillet. Depuis des jours, dans la capitale cubaine, les opposants au régime vivent la peur au ventre.
Les manifestations inédites du dimanche 11 juillet, qui ont vu sortir spontanément des milliers de personnes dans les rues de l’île au cri de « Nous avons faim » et « A bas la dictature », ont été suivies d’une vague de répression. Si le président communiste, Miguel Diaz-Canel, a reconnu un mort et des dizaines de blessés parmi les manifestants, l’ONG de défense des droits de l’homme Cubalex a recensé de son côté plus de 600 arrestations et disparitions, lors des protestations puis les jours suivants, la police allant chercher à leur domicile des dissidents supposés.
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Beaucoup ont été relâchés depuis. Mais d’autres restent emprisonnés, comme l’artiste contestataire de 33 ans Luis Manuel Otero Alcantara, leader du mouvement San Isidro – un groupe d’artistes mobilisés depuis trois ans contre le décret 349, qui les oblige à obtenir la permission du gouvernement pour se produire sur scène ou vendre leurs œuvres. Combien d’autres, anonymes, sont encore en prison ? Les autorités refusent de le préciser.
« Parce que je parle avec vous ici, que je vous dis ce que je pense, la police peut venir me chercher. Mais peu importe si j’ai peur : il faut que le pays change, affirme Lucia. Pour la première fois, dimanche, nous nous sommes rendu compte que nous ne sommes pas seulement quelques-uns à penser différemment. Il n’y a pas de marche arrière possible. Le peuple tout entier en a marre. Sa misère est le produit d’un système en faillite. Cuba est un pays de douleur. Tout le monde peut maintenant voir le vrai visage de cette dictature. »
Procès sommaires
Le 20 juillet, les premiers procès sommaires ont commencé, avec plus d’une dizaine de manifestants condamnés à un an de prison pour désordres publics ou désobéissance. Parmi eux, le cinéaste de 25 ans Anyelo Troya, coréalisateur du clip de la chanson de rap cubain Patria y Vida, devenue un hymne contre le régime repris en chœur par les manifestants. Il lui a été reproché d’avoir voulu filmer la manifestation avec son portable.
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