— Le n° 368 de « Révolution Socialiste », journal du G.R.S. —
La journée du 25 octobre marque–t’elle une nouvelle étape dans la lutte qui secoue la Martinique ? La réponse est aux mains du RPPRAC, des syndicats, des mouvements politiques se réclamant du peuple.
Le succès de la manifestation tient dans son nombre, encore modeste, mais atteint un jour de semaine, et sans autre objet que la lutte elle–même. Elle tient dans la détermination affichée face à la soldatesque, qui n’a prétendu barrer le passage, qu’à l’arrivée devant le siège du roi GBH, et a dû reculer. Elle est dans la participation d’un groupe de Chrétien·ne·s pas moins fermes que les plus fermes. Elle tient dans la capacité du RPPRAC, de la CGTM et de la CDMT à conduire ensemble la manifestation.
Les mensonges du communiqué préfectoral sont la preuve que le coup a fait mal : mensonges par omission, puisqu’il ne cite que le RPPRAC et « d’autres » devenus soudains innommables, puisqu’il omet de dire que tout se passait tranquillement, jusqu’à l’arrivée de ses sbires. Mensonges par action, quand il transforme une manifestation plutôt classique en « attroupement violent », et la provocation de ses pandores en simple « riposte ».
Les élucubrations préfectorales doivent nous encourager à persévérer et à faire mieux. C’est possible. On a vu, et on entend en permanence que les aspirations du peuple ne se limitent pas à la vie chère entendue comme une liste de prix qu’il faut baisser. L’exigence de revenus dignes pour le peuple (salaires, minima sociaux, pensions), d’une santé qui soigne tout le monde vraiment, l’exigence du respect du peuple, « de sa liberté », de son droit à la vie, de la mise au pas de la caste dominante, se retrouve dans les esprits et dans les slogans. Cela peut et doit être pris en compte dans la définition d’une nouvelle donne.
L’audace de se dresser face aux profiteurs, à l’État, à ses hommes de main, est depuis le début, le mérite du RPRAC et de celles et ceux qui participent à l’action. L’audace nécessaire aujourd’hui, c’est celle de préparer la grève générale dont nous sommes loin. C’est celle de formuler des revendications radicales par le fait qu’elles s’en prennent à la racine des choses tout en étant concrètes, accessibles.
L’ouverture des livres de compte de ces messieurs et dames, est une conditions pour connaître vraiment la hauteur de leurs profits et formuler des revendications crédibles. La mise place de la centrale publique d’achat pour sortir de la dictature qu’ils exercent sur tous les segments de l’économie, la réquisition des oligopoles de la distribution et du transport, justifiée par l’état de crise reconnu par tout le monde, l’établissement de l’indexation des bas salaires et pensions sur le coût de la vie, font partie de l’arsenal nécessaire. Nous avons besoin de cette audace pour ne pas assister passivement à la casse, aux flammes, aux pillages, aux blocages qui atteignent plus les victimes de l’exploitation que les auteurs de nos malheurs.
Le sursaut nécessaire est donc à plusieurs stades : au niveau d’abord, de celles et ceux qui conduisent la lutte, au niveau de celles et ceux qui prennent argument de tout pour rester sur le banc de touche à faire des commentaires plus ou moins inspirés.
L’enjeu est énorme. La menace, c’est l’impasse dont la responsabilité ne saurait échaper.
La SCOP Batelière nouvelle génération doit l’emporter !
La décision d’une partie des salarié·e·s de l’hôtel Batelière, avec le soutien de l’ensemble du personnel, de créer une SCOP pour se porter candidate à la gestion de leur outil de travail, mérite d’être portée par toutes les forces humanistes du pays.
Après des décennies de gestion capitaliste où le sort du personnel n’a jamais été la priorité du patronat, il est salutaire que le monde du travail ait décidé de se prendre en main en réclamant d’avoir sa chance de montrer de quoi il est capable. Cette exigence est d’autant plus légitime que des requins de la pwofitasyon ont déjà obtenu, en première instance, la cession de l’entreprise. Le tribunal de commerce, après de belles paroles accordées à la SCOP comme un triste lot de consolation, a montré que les sommes avancées par le groupe le plus rapace, sont plus importantes à ses yeux qu’un projet sérieux émanant du personnel.
En un temps record, celui-ci a construit un projet, trouvé un plan de financement en cours de renforcement, mis le débat sur la place publique. Aujourd’hui, les deux projets évacués par le tribunal, ont mis l’affaire en appel et le personnel réclame, par le biais de son conseil, la suspension de la décision en attendant l’appel.
Mobilisé dans l’occupation de l’hôtel, avec l’appui de la CDMT, le personnel a obtenu le soutien actif et hautement conscient d’un certain nombre de Martiniquais qui ont dans le crâne et dans le cœur autre chose que la hantise du profit capitaliste immédiat pour une poignée, pour ne pas dire de la prédation pure et simple.
Ce soutien est le principal élément nouveau par rapport à plusieurs tentatives antérieures faites par la CDMT ( Leyritz, Baie du Galllon pour ne prendre que deux exemples du secteur hôtellerie). Et, c’est la première fois que, malgré l’empressement de l’establishment politico-judiciaire, la partie salariale réussit à prendre place sérieusement dans la procédure judiciaire.
Un compte Letchee, pour le moment bloqué, et bientôt remplacé, a deja montré l’intérêt du public pour l’initiative. Le député Marcellin Nadeau a publié un communiqué de soutien qui mériterait d’être repris par beaucoup d’autres élu·e·s. La dernière orientation décidée par la SCOP est d’ailleurs de se transformer en SCIC, qui permettrait l’implication des collectivités volontaires. Cet atout jouera un rôle essentiel si les collectivités ont le bon sens, le courage, l’audace de prendre leur responsabilité dans cette volonté de faire vivre concrètement l`économie sociale et solidaire.
Depuis quelques semaines, un intense bavardage a lieu sur « un nouveau modèle économique ». On a même entendu les responsables de la CTM présenter leur Protocole d’objectifs et de moyens comme un élément de ce modèle. La CTM, la CACEM, la ville de Schoelcher, voire celle de Fort-de-France, ont l’occasion de montrer qu’ils prennent au sérieux ce qu’ils disent pour l’emploi, pour l’activité touristique, pour le patrimoine martiniquais. Nou ka di yo : chich ! Le combat continue. La population doit se prononcer avec force.