— Par Willy Le Devin et Dominique Albertini—
DÉCRYPTAGE
Au-delà des violences, graves, en marge des manifestations propalestiennes, le discours antijuif fait en France un inquiétant retour en force.
Après les violences extrêmement graves dont a été victime dimanche, à Sarcelles, la communauté juive – trois commerces brûlés et quinze vandalisés -, Libération dresse un inventaire des nouveaux acteurs de l’antisémitisme en France. Une tendance nauséabonde et dangereuse qui prospère sur les blessures sociales et identitaires de jeunes vivant notamment dans les quartiers populaires.
Les propalestiniens radicaux
L’annuaire de l’antisémitisme est délicat à dresser du côté des associations soutenant la cause palestinienne. Si, pour grande majorité, elles sont tout à fait sérieuses et responsables, plusieurs posent clairement problème. Le dilemme, pour les autorités, est de décrypter leurs discours et leurs motivations à l’heure d’empêcher un rassemblement. Qui interdire ? Comment étayer l’interdiction ? Où situer la limite entre une critique engagée de la politique extérieure israélienne – «Israël assassin» -, une simple défense du peuple palestinien – «Palestine vivra, Palestine vaincra» -, et un soutien au Hamas – «Vive le Hamas, Allah Akhbar» ? Parmi ces collectifs, à la composition par ailleurs très volatile, toutes ces rhétoriques s’entremêlent sans réelle différenciation.
Avec toutes les précautions d’usage, les services de renseignements désignent tout de même deux groupes «particulièrement excités» : le Collectif cheikh Yassine, du nom du leader spirituel du Hamas assassiné par Tsahal à Gaza en 2004, et EuroPalestine. Le premier serait de taille «groupusculaire» et irait «jusqu’à pourvoir la Syrie et l’Irak en jihadistes». Le second, en revanche, fédère des leaders associatifs de quartiers populaires et représenterait «un petit millier de personnes». En 2004, EuroPalestine a présenté quelques candidats aux européennes. Même combat en 2007 pour les législatives. Toutefois, leurs scores furent infinitésimaux au niveau national.
On peut citer également Yahia Gouasmi. Cet Algérien de 65 ans, fondateur de la Fédération chiite de France, n’est autre que le président du Parti antisioniste fondé en 2009. Avec Dieudonné et l’essayiste d’extrême droite, Alain Soral, Gouasmi, soupçonné d’être un agent iranien, a présenté une liste antisioniste aux européennes de 2009.
Les suprémacistes panafricains
Plusieurs fois condamné par la justice française pour incitation à la haine raciale, Kémi Séba est le fondateur ou porte-parole de plusieurs organisations, notamment la Tribu Ka et Génération Kémi Séba. Ces deux organisations ont été dissoutes par décret en grande partie en raison de l’antisémitisme purulent qu’elles véhiculaient. Séba explique à cor et à cri que le panafricanisme est menacé par «le complot juif mondial.» Aujourd’hui, il vit à Dakar, au Sénégal, mais il a enfanté en France une foutitude de groupuscules suprémacistes noirs. Ainsi, son ancien garde du corps, Cyrille Kamdem, a fait ou ferait partie d’une émanation française de Nation of Islam, un mouvement musulman sunnite né dans les années 30 aux Etats-Unis. Toutefois, leur nombre n’excéderait pas la centaine.
Dieudonné et Soral, les PME de la Haine
L’un, Dieudonné, parle assis derrière son bureau ; l’autre, Alain Soral, calé dans un divan rouge. Le ton est farceur chez le premier, «humoriste» en dérapage permanent ; pédant chez le second, pseudo-intellectuel farci de complotisme. Dans les vidéos qu’ils diffusent sur Internet, ils développent la vision paranoïaque d’un monde rongé par le sionisme – soit, au-delà de la question palestinienne, un projet global de domination juive sur les sociétés occidentales.
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